Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 21 janvier 2020 à Trois-Rivières, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 18 mars 2021 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 21 janvier 2020 à Trois-Rivières, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 20 janvier 2020, deux policiers de la SQ sont appelés à intervenir à Bécancour auprès d'un homme, afin d'exécuter plusieurs mandats d'arrestation émis contre lui.
L'homme est arrêté, fouillé et transporté par eux au poste de la SQ à Shawinigan, pour le faire comparaître devant un juge. Les policiers le confient à la garde de leurs confrères.
Ils en reprennent la charge le lendemain (21 janvier) pour le conduire au palais de justice de Trois-Rivières, à bord du même véhicule autopatrouille (VAP) que la veille.
Admis dans le secteur carcéral du palais de justice de Trois-Rivières vers 10 h 20, l'homme est fouillé à nu puis placé en cellule jusqu'à sa comparution devant le juge vers midi. À son retour en cellule, il fait un arrêt cardiorespiratoire et décède sur place.
Le pathologiste a conclu au décès des suites d'une intoxication aigüe : l'analyse de son sang révélait la présence d'une concentration létale de méthamphétamine.
Deux bas (chaussettes courtes) et un sac de plastique transparent hermétique ont été trouvés à 16 h le 21 janvier à l'arrière du VAP ayant servi au transport de l'homme, précisément à l'endroit où il y avait pris place. Selon un rapport d'expertise en toxicologie produit au dossier, l'intérieur du sac de plastique contenait des résidus de méthamphétamine, tout comme le chandail que portait l'homme au moment de son décès.
La preuve circonstancielle permet de conclure que l'homme avait cette drogue en sa possession lors de son arrestation le 20 janvier et qu'il l'a consommée le matin du 21 janvier. Il l'avait vraisemblablement dissimulée dans un de ses bas où elle a pu échapper à la vigilance des policiers, malgré deux fouilles par palpation exécutées dans les règles de l'art par l'un d'eux en présence de l'autre.
Après avoir consommé cette drogue, l'homme s'est stratégiquement débarrassé de ses bas et du sac de plastique dans le VAP lorsqu'il fut conduit par les deux policiers au palais de justice.
Analyse du DPCP
La preuve au dossier d'enquête ne permet pas de conclure que les policiers impliqués ont fait preuve de négligence criminelle.
En matière de négligence criminelle, il est interdit à une personne d'accomplir un geste ou d'omettre de poser un geste que la loi exige qu'il pose, lorsque cela montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui.
La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte, ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi, sont toutefois insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. La conduite doit représenter « un écart marqué et important par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente », distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.
Par ailleurs, la négligence criminelle ne constitue pas une infraction autonome. Toute forme de contribution à la mort ou aux lésions corporelles n'est pas criminelle. Pour être punissables, les gestes ou les omissions doivent avoir contribué de façon appréciable, c'est-à-dire plus que mineure, aux lésions corporelles ou encore au décès d'une autre personne.
Les policiers ont arrêté, fouillé et transporté l'homme au poste de la SQ en vue de le faire comparaître devant un juge dans le respect des pratiques policières établies pour chacune de ces actions.
Les policiers n'ont pas détecté la manœuvre de dissimulation de l'homme sous leur garde. L'examen de toutes leurs interactions avec lui les 20 et 21 janvier 2020 ne révèle pas pour autant qu'ils aient commis quelque faute ou omission eu égard à leurs responsabilités de le surveiller et d'assurer sa sécurité.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par les deux policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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