Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation à la suite de l'analyse de l'enquête policière sur l'explosion mortelle survenue le 8 novembre 2012 à l'usine Neptune Technologies et Bioressources de Sherbrooke
QUÉBEC, le 27 sept. 2017 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport d'enquête produit par le Service de police de la Ville de Sherbrooke (SPS) à la suite de l'explosion mortelle ayant causé la mort de trois travailleurs et blessé une quarantaine d'autres à l'usine Neptune Technologies et Bioressources (usine Neptune) de Sherbrooke, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut ne pas être raisonnablement convaincu d'être en mesure d'établir la culpabilité de quiconque. En conséquence, aucune accusation criminelle ne sera déposée dans ce dossier.
Deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales ont procédé à un examen exhaustif des faits contenus au rapport d'enquête afin d'évaluer si ceux-ci révèlent la commission d'infractions criminelles. La décision est basée sur le rapport d'enquête préparé par le SPS. Les procureurs ont produit une analyse de leur décision, laquelle a été soumise à leur procureur en chef adjoint pour décision finale. Les familles des personnes décédées ont été informées de cette décision par un procureur, à l'exception d'une famille qui n'a pas été jointe à ce jour.
Critères à l'origine de la décision de poursuivre
En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Ainsi, après examen du rapport d'enquête, le procureur doit d'abord évaluer la suffisance de la preuve en tenant compte de l'ensemble de la preuve admissible, y compris celle qui pourrait soutenir certains moyens de défense. À l'issue de cette analyse, le procureur doit être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu. Le cas échéant, il considère aussi les critères relatifs à l'opportunité d'engager une poursuite au regard de l'appréciation de l'intérêt public.
La norme applicable à la décision d'entreprendre une poursuite est prévue dans la directive ACC-3 du DPCP. La plupart des poursuivants publics au Canada disposent de directives qui imposent une norme semblable. En outre, les tribunaux reconnaissent que cette norme est plus exigeante que celle des simples motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction. Ils estiment aussi qu'un seuil moins élevé permettant l'introduction d'une poursuite serait incompatible avec le rôle du poursuivant en sa qualité d'officier de justice responsable d'assurer le respect et la recherche de la justice, puisque la responsabilité première du procureur consiste en effet à s'assurer que justice soit rendue. Conséquemment, le procureur ne cherche pas à obtenir une condamnation à tout prix et doit éviter de porter des accusations si la preuve est insuffisante. Le procureur doit procéder à une appréciation professionnelle du fondement juridique d'une poursuite et ce n'est pas son opinion personnelle sur la culpabilité qui importe. Son examen doit demeurer objectif, impartial et critique. La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique.
Événement du 8 novembre 2012
Le 8 novembre 2012, une explosion s'est produite à l'usine Neptune, dont l'activité principale était la fabrication d'huile de krill souvent utilisée dans les suppléments alimentaires. L'explosion a causé la mort de trois travailleurs et en a blessé une quarantaine d'autres. Elle est la conséquence directe d'un déversement d'acétone qui survient lors d'une des phases de la production. Les causes exactes du déversement et de l'explosion sont inconnues. Plusieurs hypothèses ont été avancées sans que la cause de l'explosion ne puisse être déterminée avec certitude.
Analyse juridique
En ce qui concerne de possibles accusations de négligence criminelle, toutes les avenues possibles ont été évaluées et la preuve s'avère insuffisante pour permettre d'établir la culpabilité de qui que ce soit.
La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi sont insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. Le Code criminel exige en plus que cette conduite soit d'une négligence telle qu'elle dévoile une insouciance « déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui ». La conduite doit donc représenter « une dérogation marquée à la norme de conduite d'une personne raisonnablement prudente » distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.
Or, ni la compagnie Neptune Technologies et Bioressources ni l'un de ses employés ne peuvent être considérés comme ayant été négligents suivant la norme requise en matière criminelle.
Lignes directrices sur la publication des motifs
Le 11 décembre 2015, le DPCP a annoncé l'adoption de lignes directrices qui autorisent et encadrent la publication des motifs qui étayent certaines décisions discrétionnaires dans certains dossiers. La publication de ce type de motifs revêt un caractère exceptionnel qui repose non seulement sur des considérations de nature juridique, mais aussi sur l'importance de respecter la vie privée et la réputation des victimes ainsi que des personnes qui font l'objet d'une enquête lorsque la preuve est insuffisante pour permettre le dépôt d'accusations criminelles.
Ces lignes directrices justifient la publication des motifs d'une décision de ne pas porter d'accusation dans la plupart des dossiers d'enquête indépendante, c'est-à-dire lorsqu'une personne décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. Outre la nature et les circonstances particulières de ce type d'événement, ces affaires peuvent être déjà, en tout ou en partie, du domaine public, puisque le ministère de la Sécurité publique émet systématiquement un communiqué dans les heures suivant les événements impliquant les enquêtes indépendantes. Il faut considérer aussi le fait que les policiers sont investis par l'État de pouvoirs exceptionnels dans l'exercice de leurs fonctions liées à la préservation de la sécurité publique, à la protection des membres du public et à la répression du crime. Ils peuvent notamment recourir à la force nécessaire, voire une force mortelle, contre un de leurs concitoyens. Les policiers sont imputables de l'exercice de ces pouvoirs dont l'attribution repose d'ailleurs sur le maintien d'un haut niveau de confiance de la part du public.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes. Pour en savoir davantage : www.dpcp.gouv.qc.ca.
Source :
Me Jean Pascal Boucher
Porte-parole
Directeur des poursuites criminelles et pénales
418 643-4085
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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