Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement du 13 février 2016, survenu à Lac-Simon en Abitibi, lors duquel un homme et un policier sont décédés
QUÉBEC, le 30 nov. 2016 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport d'enquête produit par la Sûreté du Québec (SQ) dans le cadre d'une enquête indépendante relative à l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 13 février 2016, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que les policiers du Service de police Lac-Simon impliqués dans cet événement n'ont commis aucune infraction criminelle.
Conformément à la directive POL-1 du DPCP, l'examen du rapport d'enquête a été confié à un comité composé de deux procureurs. Ces derniers ont procédé à un examen exhaustif des faits rapportés au rapport d'enquête afin d'évaluer si ceux-ci révèlent la commission d'infractions criminelles. La décision des procureurs est basée sur le rapport d'enquête préparé par la SQ. Les procureurs ont produit un rapport d'analyse, lequel a été soumis au directeur adjoint pour décision finale. Un procureur qui a participé à l'analyse du dossier a informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Critères à l'origine de la décision de poursuivre
En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Ainsi, après examen du rapport d'enquête, le procureur doit d'abord évaluer la suffisance de la preuve en tenant compte de l'ensemble de la preuve admissible, y compris celle qui pourrait soutenir certains moyens de défense. À l'issue de cette analyse, le procureur doit être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu. Le cas échéant, il considère aussi les critères relatifs à l'opportunité d'engager une poursuite au regard de l'appréciation de l'intérêt public.
La norme applicable à la décision d'entreprendre une poursuite est prévue dans la directive ACC-3 du DPCP. La plupart des poursuivants publics au Canada disposent de directives qui imposent une norme semblable. Par ailleurs, les tribunaux reconnaissent que cette norme est plus exigeante que celle des simples motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction. Ils estiment aussi qu'un seuil moins élevé permettant l'introduction d'une poursuite serait incompatible avec le rôle du poursuivant en sa qualité d'officier de justice responsable d'assurer le respect et la recherche de la justice, puisque la responsabilité première du procureur consiste en effet à s'assurer que justice soit rendue. Conséquemment, le procureur ne cherche pas à obtenir une condamnation à tout prix et doit éviter de porter des accusations si la preuve est insuffisante. Le procureur doit procéder à une appréciation professionnelle du fondement juridique d'une poursuite et ce n'est pas son opinion personnelle sur la culpabilité qui importe. Son examen doit demeurer objectif, impartial et critique. La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments qui lui permettent de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
Événement du 13 février 2016
L'enquête porte sur les circonstances du décès d'un homme survenu le 13 février 2016 dans une maison située à Lac-Simon, en Abitibi, lors d'une intervention policière. Pendant celle-ci, un policier du Service de police Lac‑Simon a également perdu la vie. L'ensemble des faits, rapportés dans le rapport d'enquête, démontre que l'homme a tiré deux coups de feu dans le dos du policier lui causant des blessures mortelles et que par la suite, il s'est enlevé la vie à l'aide de son arme à feu après avoir annoncé sur son compte Facebook qu'il venait de tuer un policier.
Dans la soirée du 13 février 2016, vers 22 h 20, une personne fait appel au Service de police Lac-Simon pour requérir la présence de policier en mentionnant « que ça tire ». Dès la réception de l'appel, deux policiers quittent le poste de police pour se rendre sur les lieux. À leur arrivée, les policiers voient une personne dans le cadre de porte de la maison qui leur fait signe d'entrer. Après avoir garé le véhicule de patrouille, un policier se dirige vers le côté de la maison pour vérifier par la fenêtre du sous-sol s'il y a quelqu'un d'armé. Pendant ce temps, l'autre policier discute avec la personne pour obtenir des renseignements. Ils sont informés qu'un homme se trouve au sous-sol.
Par la suite, les policiers entrent dans la maison avec la personne qui se trouvait dans le cadre de la porte. Un policier se dirige vers l'escalier menant au sous-sol, tandis que l'autre est entre la cuisine et le salon. En haut de l'escalier, le policier rencontre une autre personne qui vient du sous-sol. Celle-ci l'informe qu'il n'y a pas eu de coup de feu. Le policier descend quelques marches de l'escalier. Entre-temps, son collègue constate la présence de plusieurs personnes dans une chambre de la maison, il tente d'obtenir des renseignements sur les faits à l'origine de l'appel. Il est informé que l'homme qui se trouve au sous-sol est suicidaire, qu'il veut se tirer et que l'arme à feu en question est chez un voisin. Le policier va rejoindre son collègue dans les marches de l'escalier, ce dernier discute avec l'homme qui se trouve en bas de celui-ci. Son collègue dit à l'homme qu'il ne le menacera pas de cette façon en le pointant avec son index de la main droite et que s'il s'en va, il va l'agripper. Son collègue a sa main gauche posée sur son arme de service. Le policier venu rejoindre son collègue se présente le visage dans la descente de l'escalier et invite l'homme à venir en haut pour jaser. Il souffle alors à l'oreille de son collègue les renseignements qu'il a obtenus. Pendant qu'il se dirige vers la chambre où se trouvent plusieurs personnes, il entend alors son collègue descendre rapidement l'escalier. Il fait demi-tour pour se rendre à l'escalier mais un coup de feu se fait entendre suivi d'un autre. À la demande du policier, les occupants sortent tous de la maison. Le policier tente de communiquer avec son collègue descendu au sous-sol avec la radio portative, il entend une voix dire : « chus mort ». Il se rend dans l'escalier où il voit son collègue couché à plat ventre, ce dernier ne démontre aucun signe de vie. Le policier sort de la résidence pour se barricader et il communique, vers 22 h 28, avec son supérieur pour l'informer de la situation. Ce dernier requiert l'assistance de la SQ.
Quelques minutes plus tard, des policiers de la SQ de Val-d'Or et de Senneterre se mettent en route vers Lac-Simon. Un plan d'intervention s'organise pour entrer à l'intérieur de la maison. Également, deux ambulances sont aussi dépêchées sur les lieux. Vers 22 h 55, les policiers de la SQ arrivent sur place et rencontrent le policier de Lac-Simon pour préparer l'intervention. Peu de temps après, ils entrent à l'intérieur de la maison en compagnie du policier de Lac-Simon. Une fois à l'intérieur, les policiers de la SQ localisent rapidement le policier atteint par balle, gisant face contre le sol, étendu dans les marches au pied de l'escalier. Ils découvrent également un homme au sous‑sol, couché face contre sol avec une carabine entre les jambes. Ils constatent le décès de l'homme, car il s'agit d'un cas de mort évidente. Ils entreprennent des manœuvres de réanimation auprès du policier et ils installent un défibrillateur. Le policier est inconscient, il ne démontre aucun signe de vie. Son arme de service se trouve dans l'étui de son ceinturon. Vers 23 h 4, les ambulanciers appliquent le protocole opérationnel pour un arrêt cardio-respiratoire. Le décès du policier est constaté par un médecin à son arrivée à l'hôpital.
En outre, l'enquête démontre que dans la soirée, l'homme a été impliqué dans une chicane avec une personne au sous-sol. Pendant celle-ci, il s'est emparé d'une arme à feu en menaçant de se tirer. La personne a réussi à lui enlever son arme à feu, celle-ci a été transportée par une tierce personne chez un voisin. Lorsqu'une autre personne s'est rendue au sous-sol pour s'enquérir de la situation, l'homme lui a dit que si elle appelait la police, il allait tirer le policier. Par la suite, l'homme s'est dirigé à l'étage où il a pris une autre arme à feu qui se trouvait dans une chambre. Il l'a chargée en réitérant sa menace de s'enlever la vie pour ensuite se réfugier au sous-sol. Une personne l'a suivi à cet endroit pour lui dire de ne pas faire cela. C'est à ce moment que les policiers sont arrivés. L'homme a mentionné à la personne que si la police descendait, il allait les tirer. La personne a monté l'escalier et a croisé un policier au haut de ce dernier qui lui a demandé si elle avait tiré des coups de feu. Après une réponse négative, le policier a descendu l'escalier et il a parlé avec l'homme. Par ailleurs, il appert que c'est la tierce personne qui est allée porter l'arme à feu chez un voisin qui a téléphoné au poste de police de Lac-Simon lors de son retour dans la maison. Dans l'énervement, elle a cru entendre le mot « coup de feu », c'est cette information qu'elle a transmise aux policiers lors de l'appel.
L'homme a tiré deux coups de feu dans le dos du policier. L'autopsie précise que le décès du policier est attribuable aux blessures mortelles causées par l'un des projectiles. À cet égard, au moment de l'évacuation des lieux après ces coups de feu, une personne a vu le policier allongé au bas de l'escalier, tandis que l'homme pointait son arme vers le haut de celui‑ci. Après quoi, à 22 h 28, l'homme a annoncé sur son compte Facebook qu'il venait de tuer un policier. Par la suite, il s'est enlevé la vie en retournant son arme contre lui. Plus précisément, l'autopsie démontre que son décès est attribuable à un traumatisme craniocérébral secondaire à une décharge d'arme à feu tirée à bout touchant ou presque sous le menton, les indices sont compatibles avec une automanipulation de l'arme. L'analyse des substances prélevées lors de son autopsie indique un taux d'alcool de 27 mg/100 ml. Enfin, les expertises balistiques révèlent que la carabine de l'homme était en condition de tir et que les trois douilles retrouvées sur la scène ont été percutées par cette arme.
En conclusion, considérant l'ensemble de la preuve, le DPCP est d'avis que les policiers du Service de police Lac-Simon impliqués dans cet événement n'ont commis aucune infraction criminelle.
Lignes directrices sur la publication des motifs
Le 11 décembre 2015, le DPCP a annoncé l'adoption de lignes directrices qui autorisent et encadrent la publication des motifs qui étayent sa décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers. La publication de ce type de motifs revêt un caractère exceptionnel qui repose non seulement sur des considérations de nature juridique, mais aussi sur l'importance de respecter la vie privée et la réputation des victimes ainsi que des personnes qui font l'objet d'une enquête lorsque la preuve est insuffisante pour permettre le dépôt d'accusations criminelles.
Ces lignes directrices justifient la publication des motifs d'une décision de ne pas porter d'accusation dans la plupart des dossiers d'enquête indépendante, c'est-à-dire lorsqu'une personne décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. Outre la nature et les circonstances particulières de ce type d'événement, ces affaires peuvent être déjà, en tout ou en partie, du domaine public, puisque le ministère de la Sécurité publique diffuse systématiquement un communiqué dans les heures suivant les événements impliquant les enquêtes indépendantes. Il faut considérer aussi le fait que les policiers sont investis par l'État de pouvoirs exceptionnels dans l'exercice de leurs fonctions liées à la préservation de la sécurité publique, à la protection des membres du public et à la répression du crime. Ils peuvent notamment recourir à la force nécessaire, voire mortelle, contre un de leurs concitoyens. Les policiers sont imputables de l'exercice de ces pouvoirs dont l'attribution repose d'ailleurs sur le maintien d'un haut niveau de confiance de la part du public.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes. Pour en savoir davantage : www.dpcp.gouv.qc.ca.
Source :
Me Jean Pascal Boucher
Porte-parole
Directeur des poursuites criminelles et pénales
418 643-4085
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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