Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement du 14 octobre 2015, survenu à Montréal, dans lequel une femme est décédée
QUÉBEC, le 4 mai 2016 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport d'enquête produit par la Sûreté du Québec (SQ) dans le cadre d'une enquête indépendante relative à l'événement entourant le décès d'une femme survenu le 14 octobre 2015, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) impliqués dans cet événement n'ont commis aucune infraction criminelle.
Conformément à la directive POL-1 du DPCP, l'examen du rapport d'enquête a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen exhaustif des faits rapportés au rapport d'enquête afin d'évaluer si ceux-ci révèlent la commission d'infractions criminelles. La décision du procureur est basée sur le rapport d'enquête préparé par la SQ. Le procureur a produit un rapport d'analyse, lequel a été soumis au directeur adjoint des poursuites criminelles et pénales. Un proche de la personne décédée a été informé des motifs de la décision par le procureur qui a procédé à l'analyse du dossier.
Critères à l'origine de la décision de poursuivre
En droit criminel, le fardeau de preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Ainsi, après examen du rapport d'enquête, le procureur doit d'abord évaluer la suffisance de la preuve en tenant compte de l'ensemble de la preuve admissible, y compris celle qui pourrait soutenir certains moyens de défense. À l'issue de cette analyse, le procureur doit être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu. Le cas échéant, il considère aussi les critères relatifs à l'opportunité d'engager une poursuite au regard de l'appréciation de l'intérêt public.
La norme applicable à la décision d'entreprendre une poursuite est prévue dans la directive ACC-3 du DPCP. La plupart des poursuivants publics au Canada disposent de directives qui imposent une norme semblable. Par ailleurs, les tribunaux reconnaissent que cette norme est plus exigeante que celle des simples motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction. Ils estiment aussi qu'un seuil moins élevé permettant l'introduction d'une poursuite serait incompatible avec le rôle du poursuivant en sa qualité d'officier de justice responsable d'assurer le respect et la recherche de la justice puisque la responsabilité première du procureur consiste en effet à s'assurer que justice soit rendue. Conséquemment, le procureur ne cherche pas à obtenir une condamnation à tout prix et doit éviter de porter des accusations si la preuve est insuffisante. Le procureur doit procéder à une appréciation professionnelle du fondement juridique d'une poursuite et ce n'est pas son opinion personnelle sur la culpabilité qui importe. Son examen doit demeurer objectif, impartial et critique. La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur de possibles fautes civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments qui lui permettent de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
Événement du 14 octobre 2015
L'enquête porte sur les circonstances entourant le décès d'une femme survenu le 14 octobre 2015, à Montréal. À cette date, deux policiers du SPVM interviennent dans un immeuble à logements à la suite d'un appel fait au 9-1-1, concernant une femme agressive que l'on souhaite expulser d'un appartement. Cette femme tiendrait parfois des propos suicidaires. Les policiers constatent que plusieurs appels de même nature ont été faits dans la dernière année concernant la même femme. Ils arrivent à l'immeuble à logements vers 11 h 35 et rencontrent la personne ayant fait l'appel. Celle-ci leur dit ne plus être capable de supporter son amie, qui s'avère être une voisine. Son amie serait alcoolique et il lui est arrivé, à quelques reprises, d'être en état de crise et de parler de suicide. Les policiers demandent si la femme est toujours en état de crise. La personne leur répond par la négative et ajoute que son amie s'est calmée, mais est encore en état d'ébriété. Le matin même, elle lui a dit avoir pensé à se suicider. Ensuite, un conflit a éclaté concernant la nourriture, ce qui a mené à l'appel fait au 9-1-1. En réponse à diverses questions des policiers, la personne leur dit ne pas craindre la femme et ne pas croire que celle-ci soit sérieuse lorsqu'elle parle de suicide.
À la suite de cette rencontre, les policiers se dirigent vers l'appartement de la femme. Ils la trouvent couchée au sol, dans le palier de l'immeuble, près de la cage d'escalier. Elle semble en état d'ébriété et marmonne à leur arrivée. Elle est toutefois capable de marcher seule et tient des propos cohérents. Les policiers la ramènent chez elle. Ils lui demandent si elle souhaite rester chez elle pour décompresser, ce qu'elle accepte. Ils analysent la situation et concluent qu'elle n'est pas en crise, qu'elle est alerte et orientée, qu'elle ne tient pas de propos suicidaires et qu'elle ne présente aucun signe d'agressivité. Ils décident de la laisser seule et sortent de chez elle. Ils attendent quelques minutes devant son appartement pour s'assurer que tout va bien. Il est midi lorsque les policiers quittent l'immeuble à logements. À 12 h 6, ils se trouvent dans leur véhicule de patrouille lorsqu'ils entendent, sur les ondes, un appel de la répartition concernant une femme qui vient de sauter d'un balcon situé à l'immeuble à logements où ils sont intervenus. Les policiers rebroussent chemin et se rendent devant l'immeuble où ils trouvent la femme auprès de qui ils étaient intervenus, couchée face au sol. Ils la tournent sur le dos et notent qu'elle a un léger pouls et que ses lèvres bougent. Ils tentent alors des manœuvres de réanimation. À 13 h 5, un médecin constate son décès sur place.
Considérant l'ensemble de la preuve, le DPCP est d'avis que les policiers du SPVM impliqués dans cet événement n'ont commis aucune infraction criminelle.
Lignes directrices sur la publication des motifs
Le 11 décembre 2015, le DPCP a annoncé l'adoption de lignes directrices qui autorisent et encadrent la publication des motifs qui étayent sa décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers. La publication de ce type de motifs revêt un caractère exceptionnel qui repose non seulement sur des considérations de nature juridique, mais aussi sur l'importance de respecter la vie privée et la réputation des victimes et des personnes qui font l'objet d'une enquête lorsque la preuve est insuffisante pour permettre le dépôt d'accusations criminelles.
Ces lignes directrices justifient la publication des motifs d'une décision de ne pas porter d'accusation dans la plupart des dossiers d'enquête indépendante, c'est-à-dire lorsqu'une personne décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. Outre la nature et les circonstances particulières de ce type d'événement, ces affaires peuvent être déjà, en tout ou en partie, du domaine public puisque le ministère de la Sécurité publique diffuse systématiquement un communiqué dans les heures suivant les événements impliquant les enquêtes indépendantes. Il faut considérer aussi le fait que les policiers sont investis par l'État de pouvoirs exceptionnels dans l'exercice de leurs fonctions liées à la préservation de la sécurité publique, à la protection des membres du public et à la répression du crime. Ils peuvent notamment recourir à la force nécessaire, voire même mortelle, contre un de leurs concitoyens. Les policiers sont imputables de l'exercice de ces pouvoirs dont l'attribution repose d'ailleurs sur le maintien d'un haut niveau de confiance de la part du public.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes. Pour en savoir davantage : www.dpcp.gouv.qc.ca.
Source :
Me Jean Pascal Boucher
Porte-parole
Directeur des poursuites criminelles et pénales
418 643-4085
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
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