Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement du 15 janvier 2015, survenu à Baie-Saint-Paul, dans lequel un homme a été blessé par balle
QUÉBEC, le 16 févr. 2016 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport d'enquête produit par le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) dans le cadre d'une enquête indépendante relative aux circonstances entourant les blessures subies par un homme le 15 janvier 2015, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que les policiers de la Sûreté du Québec (SQ) impliqués dans cet événement n'ont commis aucune infraction criminelle.
Conformément à la directive POL-1 du DPCP, l'examen du rapport d'enquête a été confié à un comité composé de deux procureurs. Ces derniers ont procédé à un examen exhaustif des faits rapportés au rapport d'enquête afin d'évaluer si ceux-ci révèlent la commission d'infractions criminelles. La décision des procureurs est basée sur le rapport d'enquête préparé par le SPVQ. Les procureurs ont produit un rapport d'analyse, lequel a été soumis au directeur adjoint des poursuites criminelles et pénales pour décision. Un procureur qui a participé à l'analyse du dossier a informé la personne blessée des motifs de la décision.
Critères à l'origine de la décision de poursuivre
En droit criminel, le fardeau de preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Ainsi, après examen du rapport d'enquête, le procureur doit d'abord évaluer la suffisance de la preuve en tenant compte de l'ensemble de la preuve admissible, y compris celle qui pourrait soutenir certains moyens de défense. À l'issue de cette analyse, le procureur doit être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu. Le cas échéant, il considère aussi les critères relatifs à l'opportunité d'engager une poursuite au regard de l'appréciation de l'intérêt public.
La norme applicable à la décision d'entreprendre une poursuite est prévue dans la directive ACC-3 du DPCP. La plupart des poursuivants publics au Canada disposent de directives qui imposent une norme semblable. Par ailleurs, les tribunaux reconnaissent que cette norme est plus exigeante que celle des simples motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction. Ils estiment aussi qu'un seuil moins élevé permettant l'introduction d'une poursuite serait incompatible avec le rôle du poursuivant en sa qualité d'officier de justice responsable d'assurer le respect et la recherche de la justice puisque la responsabilité première du procureur consiste en effet à s'assurer que justice soit rendue. Conséquemment, le procureur ne cherche pas à obtenir une condamnation à tout prix et doit éviter de porter des accusations si la preuve est insuffisante.
Le procureur doit procéder à une appréciation professionnelle du fondement juridique d'une poursuite et ce n'est pas son opinion personnelle sur la culpabilité qui importe. Son examen doit demeurer objectif, impartial et critique. La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur de possibles fautes civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments qui lui permettent de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
Événement du 15 janvier 2015
Le rapport d'enquête établit essentiellement les circonstances des blessures subies par un homme, le 15 janvier 2015, lors d'une intervention de la SQ, à Baie-Saint-Paul. Vers 18 h 12, un homme a contacté les services d'urgence pour signaler la présence d'un véhicule immobilisé dans le stationnement d'un commerce, dans lequel se trouvait un individu armé d'un pistolet. L'enquête révélera que l'homme qui a contacté les services d'urgence était en fait l'individu armé d'un pistolet.
Quelques minutes plus tard, sur la base des informations reçues, deux policiers ont localisé le véhicule dans le stationnement du commerce. Pendant qu'un policier se dirigeait vers le véhicule, un homme en est sorti rapidement en pointant un révolver dans sa direction et en tirant des coups de feu. Le policier a fait feu une fois en direction de celui-ci tout en lui criant de jeter son arme par terre à plus d'une reprise. Ce dernier a laissé tomber son arme au sol. Par la suite, le policier a constaté que l'individu tenait dans sa main ce qu'il croyait être un couteau, qui s'est avéré être un tournevis, et ce, à la hauteur de sa tête, tout en criant qu'il ne se rendrait pas et en s'avançant vers le policier d'une manière menaçante. Il a refusé d'obtempérer à l'ordre de jeter l'objet qu'il tenait à la main et a effectué des déplacements, dont un pas en direction du policier. Ce dernier a fait feu en direction de l'homme, l'atteignant à l'épaule gauche. Il s'est affaissé au sol et il fut menotté par la suite. Les premiers soins lui ont été prodigués dans l'attente de l'arrivée des ambulanciers.
Les faits rapportés par les policiers sont appuyés par les diverses expertises produites dans le cadre de l'enquête et corroborés par d'autres témoins quant aux éléments essentiels. Le révolver en possession de l'homme était une imitation, il contenait une roulette de pétards. Le bout de ce révolver possède une pièce de plastique orange afin de démontrer qu'il s'agit d'un jouet. Cette pièce était masquée d'un ruban noir. À cet égard, du ruban gommé noir fut trouvé à l'intérieur du véhicule de l'homme ainsi que les emballages et le reçu de caisse relativement à l'achat du révolver et des roulettes de pétards.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(3) du Code criminel sont remplies. Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et probables et qu'il utilise seulement la force nécessaire, dans les circonstances. Cette disposition précise qu'il est interdit au policier d'utiliser une trop grande force, c'est-à-dire une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves ou visant un tel but, à moins qu'il ne croie que cette force soit nécessaire afin de le protéger ou de protéger toute autre personne sous sa protection contre de telles conséquences.
Les tribunaux ont clairement établi que l'utilisation de la force ne devait pas être appréciée par rapport à une norme de perfection, puisque les policiers sont souvent appelés à agir en urgence dans des situations explosives et en évolution rapide. À cet égard, on ne s'attend pas à ce que le policier mesure le degré de force appliquée avec précision. En outre, les policiers ne sont pas tenus d'utiliser uniquement le minimum de force nécessaire à l'atteinte de leur objectif, mais le degré de force employée doit être évalué en fonction des critères de proportionnalité, de nécessité et de raisonnabilité en tenant compte du contexte particulier de chaque affaire. Une utilisation de la force juridiquement acceptable est celle qui n'est pas gratuite et qui est appliquée de façon mesurée.
L'intervention était légale. À l'origine, les policiers se sont présentés dans le stationnement d'un commerce afin de vérifier une information dans le cadre de leur mission de préserver la sécurité publique. Comme suite au comportement de l'homme, ils avaient le pouvoir de l'arrêter sans mandat selon les termes de l'article 495(1)b) du Code criminel. Le policier croyait qu'il avait des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée contre l'homme était nécessaire pour sa propre protection contre la mort ou des lésions corporelles graves. Considérant l'ensemble de la preuve, le DPCP estime que cette croyance était plausible et qu'elle s'appuyait sur des motifs raisonnables.
Lignes directrices sur la publication des motifs
Le 11 décembre 2015, le DPCP a annoncé l'adoption de lignes directrices qui autorisent et encadrent la publication des motifs qui étayent sa décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers. La publication de ce type de motifs revêt un caractère exceptionnel qui repose non seulement sur des considérations de nature juridique, mais aussi sur l'importance de respecter la vie privée et la réputation des victimes et des personnes qui font l'objet d'une enquête lorsque la preuve est insuffisante pour permettre le dépôt d'accusations criminelles.
Ces lignes directrices justifient la publication des motifs d'une décision de ne pas porter d'accusation dans la plupart des dossiers d'enquête indépendante, c'est-à-dire lorsqu'une personne décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. Outre la nature et les circonstances particulières de ce type d'événement, ces affaires peuvent être déjà, en tout ou en partie, du domaine public puisque le ministère de la Sécurité publique diffuse systématiquement un communiqué dans les heures suivant les événements impliquant les enquêtes indépendantes. Il faut considérer aussi le fait que les policiers sont investis par l'État de pouvoirs exceptionnels dans l'exercice de leurs fonctions liées à la préservation de la sécurité publique, à la protection des membres du public et à la répression du crime. Ils peuvent notamment recourir à la force nécessaire, voire même mortelle, contre un de leurs concitoyens. Les policiers sont imputables de l'exercice de ces pouvoirs dont l'attribution repose d'ailleurs sur le maintien d'un haut niveau de confiance de la part du public.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes. Pour en savoir davantage : www.dpcp.gouv.qc.ca.
Source:
Me Jean Pascal Boucher
Porte-parole
Directeur des poursuites criminelles et pénales
418 643-4085
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
Partager cet article