Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement du 23 avril 2015, survenu à Ashuapmushuan, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 6 déc. 2017 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport d'enquête produit par le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) dans le cadre d'une enquête indépendante relative à l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 23 avril 2015, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que les policiers de la Sûreté du Québec (SQ) impliqués dans cet événement n'ont commis aucune infraction criminelle.
Conformément à la directive POL-1 du DPCP, l'examen du rapport d'enquête préparé par le SPVQ a été confié à un comité composé de deux procureurs. Ces derniers ont procédé à un examen exhaustif de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Un procureur qui a participé à l'analyse du dossier a informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Critères à l'origine de la décision de poursuivre
En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Ainsi, après examen du rapport d'enquête, le procureur doit d'abord évaluer la suffisance de la preuve en tenant compte de l'ensemble de la preuve admissible, y compris celle qui pourrait soutenir certains moyens de défense. À l'issue de cette analyse, le procureur doit être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu. Le cas échéant, il considère aussi les critères relatifs à l'opportunité d'engager une poursuite au regard de l'appréciation de l'intérêt public.
La norme applicable à la décision d'entreprendre une poursuite est prévue dans la directive ACC-3 du DPCP. La plupart des poursuivants publics au Canada disposent de directives qui imposent une norme semblable. Par ailleurs, les tribunaux reconnaissent que cette norme est plus exigeante que celle des simples motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction. Ils estiment aussi qu'un seuil moins élevé permettant l'introduction d'une poursuite serait incompatible avec le rôle du poursuivant en sa qualité d'officier de justice responsable d'assurer le respect et la recherche de la justice, puisque la responsabilité première du procureur consiste en effet à s'assurer que justice soit rendue. Conséquemment, le procureur ne cherche pas à obtenir une condamnation à tout prix et doit éviter de porter des accusations si la preuve est insuffisante. Le procureur doit procéder à une appréciation professionnelle du fondement juridique d'une poursuite et ce n'est pas son opinion personnelle sur la culpabilité qui importe. Son examen doit demeurer objectif, impartial et critique. La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments qui lui permettent de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
Événement du 23 avril 2015
L'accident mortel est survenu le 23 avril 2015, vers 16 h 20, sur la route 167 au kilomètre 69, dans la réserve d'Ashuapmushuan entre La Doré et Chibougamau.
Ce jour-là, entre 0 h et 7 h 30, un véhicule est volé à Jonquière. Le propriétaire aperçoit son véhicule, vers 14 h 3 le même jour, sur le terrain d'un commerce à Chambord et en avise la SQ. Peu après, un policier à bord d'un véhicule de patrouille qui a été informé de la situation par les ondes radio, voit ledit véhicule dans le secteur de Val-Jalbert. Deux autres policiers se rendent à bord d'un véhicule de patrouille sur les lieux pour porter assistance à leur collègue. Celui-ci actionne ses gyrophares et tente d'intercepter le véhicule volé. Il suit ce dernier et le conducteur ralentit en se rangeant sur l'accotement. Le policier lui fait signe de s'arrêter et le conducteur refuse de s'immobiliser et accélère. Les deux autres policiers constatent que le véhicule volé louvoie entre les autres véhicules. À l'entrée de la ville de Roberval, la poursuite policière est abandonnée pour des raisons de sécurité. Le conducteur du véhicule volé brûle deux feux rouges et est vu traversant la ville de Roberval. Il se dirige vers Saint‑Félicien et est ensuite perdu de vue par les policiers.
Le véhicule volé est de nouveau localisé à La Doré par un autre policier qui, à bord de son véhicule banalisé, le prend en chasse, gyrophares et sirène allumés. Le véhicule circule alors à une vitesse de 130‑140 km/h. Le conducteur refuse toujours de s'immobiliser et se dirige vers Chibougamau. Un policier, se trouvant au kilomètre 69 de la route 167, mentionne sa position sur les ondes radio et indique qu'il a déployé un tapis à clous dans l'accotement de la voie sud; il positionne son véhicule de patrouille dans la voie nord afin de bloquer celle-ci.
À la hauteur du garage du ministère des Transports du Québec (MTQ), soit au kilomètre 69 de la route 167, dans la réserve d'Ashuapmushuan, entre La Doré et Chibougamau, le véhicule volé contourne par la droite le véhicule de patrouille et continue sa route. Le conducteur de l'auto-patrouille part à la poursuite du véhicule volé. Deux travailleurs du MTQ, à la demande du policier, retirent le tapis de la chaussée. Le conducteur du véhicule volé ralentit et l'un des policiers en véhicule banalisé, alors derrière lui, le dépasse croyant qu'il allait s'immobiliser. Environ 600 mètres après le garage du MTQ, ce policier tente de lui bloquer le chemin pour l'immobiliser, sans contact. Le conducteur du véhicule volé fait demi-tour et quitte à haute vitesse. Il est suivi par trois véhicules de police.
Passant de nouveau à la hauteur du garage du MTQ, le conducteur du véhicule volé contourne, cette fois par la gauche, le tapis à clous, replacé par les travailleurs du MTQ sur la voie en direction sud, perd ensuite le contrôle du véhicule qui effectue plusieurs tonneaux pour terminer sa course dans le fossé, en bordure de la route. Le conducteur est éjecté de l'habitacle et fut retrouvé à environ 20 mètres du véhicule. Souffrant de complications médicales consécutives à un polytraumatisme, il décède le 19 mai 2015.
La preuve révèle que le véhicule n'a pas circulé sur le tapis à clous et qu'il n'y a eu aucun contact entre le véhicule volé et les véhicules de police impliqués, plus particulièrement le véhicule de police banalisé qui suivait ledit véhicule juste avant l'embardée mortelle.
Considérant l'ensemble de la preuve, le DPCP est d'avis que les policiers de la SQ impliqués dans cet événement n'ont commis aucune infraction criminelle.
Lignes directrices sur la publication des motifs
Le DPCP a adopté en décembre 2015 des lignes directrices qui autorisent et encadrent la publication des motifs qui étayent sa décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers. La publication de ce type de motifs revêt un caractère exceptionnel qui repose non seulement sur des considérations de nature juridique, mais aussi sur l'importance de respecter la vie privée et la réputation des victimes ainsi que des personnes qui font l'objet d'une enquête lorsque la preuve est insuffisante pour permettre le dépôt d'accusations criminelles.
Ces lignes directrices justifient la publication des motifs d'une décision de ne pas porter d'accusation dans la plupart des dossiers d'enquête indépendante, c'est-à-dire lorsqu'une personne décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. Outre la nature et les circonstances particulières de ce type d'événement, ces affaires peuvent être déjà, en tout ou en partie, du domaine public, puisque le ministère de la Sécurité publique diffuse systématiquement un communiqué dans les heures suivant les événements impliquant les enquêtes indépendantes. Il faut considérer aussi le fait que les policiers sont investis par l'État de pouvoirs exceptionnels dans l'exercice de leurs fonctions liées à la préservation de la sécurité publique, à la protection des membres du public et à la répression du crime. Ils peuvent notamment recourir à la force nécessaire, voire mortelle, contre un de leurs concitoyens. Les policiers sont imputables de l'exercice de ces pouvoirs dont l'attribution repose d'ailleurs sur le maintien d'un haut niveau de confiance de la part du public.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes. Pour en savoir davantage : www.dpcp.gouv.qc.ca.
Source :
Me Jean Pascal Boucher
Porte-parole
Directeur des poursuites criminelles et pénales
418 643-4085
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
Partager cet article