Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée suite aux événements du 31 mai 2015, survenus à Montréal, dans lesquels un homme a trouvé la mort
QUÉBEC, le 6 janv. 2016 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport d'enquête produit par la Sûreté du Québec dans le cadre d'une enquête indépendante relative au décès par balle d'un homme survenu le 31 mai 2015, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que les policiers du Service de police de la Ville de Montréal impliqués dans cet événement n'ont commis aucune infraction criminelle.
Conformément à la directive POL-1 du DPCP, l'examen du rapport d'enquête a été confié à un comité composé de deux procureurs. Ces derniers ont procédé à un examen exhaustif des faits rapportés au rapport d'enquête afin d'évaluer si ceux-ci révèlent la commission d'infractions criminelles. La décision des procureurs est basée sur le rapport d'enquête rédigé par la Sûreté du Québec. Les procureurs ont produit un rapport d'analyse, lequel a été soumis au directeur adjoint des poursuites criminelles et pénales pour décision finale. Les proches de la personne décédée ont été informés des motifs de la décision par un procureur qui a participé à l'analyse du dossier.
Critères à l'origine de la décision de poursuivre
En droit criminel, le fardeau de preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Ainsi, après examen du rapport d'enquête, le procureur doit d'abord évaluer la suffisance de la preuve en tenant compte de l'ensemble de la preuve admissible, y compris celle qui pourrait soutenir certains moyens de défense. À l'issue de cette analyse, le procureur doit être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu. Le cas échéant, il considère aussi les critères relatifs à l'opportunité d'engager une poursuite au regard de l'appréciation de l'intérêt public.
La norme applicable à la décision d'entreprendre une poursuite est prévue dans la directive ACC-3 du DPCP. La plupart des poursuivants publics au Canada disposent de directives qui imposent une norme semblable. Par ailleurs, les tribunaux reconnaissent que cette norme est plus exigeante que celle des simples motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction. Ils estiment aussi qu'un seuil moins élevé permettant l'introduction d'une poursuite serait incompatible avec le rôle du poursuivant en sa qualité d'officier de justice responsable d'assurer le respect et la recherche de la justice puisque la responsabilité première du procureur consiste en effet à s'assurer que justice soit rendue. Conséquemment, le procureur ne cherche pas à obtenir une condamnation à tout prix et doit éviter de porter des accusations si la preuve est insuffisante.
Le procureur doit procéder à une appréciation professionnelle du fondement juridique d'une poursuite et ce n'est pas son opinion personnelle sur la culpabilité qui importe. Son examen doit demeurer objectif, impartial et critique. La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur de possibles fautes civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments qui lui permettent de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
Événement du 31 mai 2015
Le rapport d'enquête établit essentiellement les circonstances des cinq coups de feu tirés par deux policiers du Service de police de la Ville de Montréal qui ont causé le décès d'un homme le 31 mai 2015. L'intervention policière s'est déroulée dans un appartement dans lequel les policiers se sont rendus à la suite d'un appel d'urgence les informant qu'un homme était en train d'étrangler une femme. Les policiers se sont présentés rapidement sur les lieux et trois d'entre eux sont entrés dans l'appartement. En arrivant dans le salon, ils ont localisé l'homme assis sur un divan et l'ont interpellé mais il a refusé d'obtempérer. Ce dernier semblait tenter de dissimuler ou de prendre quelque chose dans ou derrière le divan avec sa main droite, alors que les policiers lui répétaient sans cesse de montrer ses mains. À un certain moment, il s'est levé du divan et a foncé vers les policiers en tenant un long couteau au-dessus de sa tête et en pointant la lame vers eux. Les policiers ont tiré des coups de feu et l'homme s'est effondré au sol. Ils lui ont prodigué les premiers soins et les premiers répondants, dont les ambulanciers, ont pris la relève. Son décès a été constaté à l'hôpital.
Les faits rapportés par les policiers sont appuyés par les diverses expertises produites dans le cadre de l'enquête et corroborés par d'autres témoins qui étaient présents sur les lieux quant aux éléments essentiels : le couteau, l'agressivité de l'homme et l'imminence d'un assaut de la part de ce dernier à l'aide d'une arme susceptible de causer des blessures graves ou la mort. Le pathologiste conclut que le décès est attribuable à un traumatisme abdominal et thoracique secondaire à deux décharges d'arme à feu et le résultat de l'analyse toxicologique révèle la présence de drogues dans son organisme.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(3) du Code criminel sont remplies. Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et probables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances. Cette disposition précise qu'il est interdit au policier d'utiliser une trop grande force, c'est-à-dire une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves ou visant un tel but, à moins qu'il ne croie que cette force soit nécessaire afin de le protéger ou de protéger toute autre personne sous sa protection contre de telles conséquences.
Les tribunaux ont clairement établi que l'utilisation de la force ne devait pas être appréciée par rapport à une norme de perfection puisque les policiers sont souvent appelés à agir en urgence dans des situations explosives et en évolution rapide. À cet égard, on ne s'attend pas à ce que le policier mesure le degré de force appliqué avec précision. En outre, les policiers ne sont pas tenus d'utiliser uniquement le minimum de force nécessaire à l'atteinte de leur objectif, mais le degré de force employé doit être évalué en fonction des critères de proportionnalité, de nécessité et de raisonnabilité en tenant compte du contexte particulier de chaque affaire. Une utilisation de la force juridiquement acceptable est celle qui n'est pas gratuite et qui est appliquée de façon mesurée.
L'intervention était légale et faisait suite à un appel d'urgence. Les policiers pouvaient légalement agir sans mandat pour pénétrer dans l'appartement et procéder à l'arrestation de cette personne en vertu de l'article 529.3 du Code criminel puisqu'ils avaient des motifs raisonnables de croire qu'une infraction criminelle s'y déroulait, que le suspect s'y trouvait et qu'il y avait urgence d'agir, puisque la vie d'une personne était en péril. Les policiers croyaient qu'ils avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée contre l'homme était nécessaire pour leur protection contre la mort ou des lésions corporelles graves. Considérant l'ensemble de la preuve, le DPCP estime que cette croyance était plausible et qu'elle s'appuyait sur des motifs raisonnables.
Lignes directrices sur la publication des motifs
Le 11 décembre 2015, le DPCP a annoncé l'adoption de lignes directrices qui autorisent et encadrent la publication des motifs qui étayent sa décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers. La publication de ce type de motifs revêt un caractère exceptionnel qui repose non seulement sur des considérations de nature juridique, mais aussi sur l'importance de respecter la vie privée et la réputation des victimes et des personnes qui font l'objet d'une enquête lorsque la preuve est insuffisante pour permettre le dépôt d'accusations criminelles.
Ces lignes directrices justifient la publication des motifs d'une décision de ne pas porter d'accusation dans la plupart des dossiers d'enquête indépendante, c'est-à-dire lorsqu'une personne décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. Outre la nature et les circonstances particulières de ce type d'événement, ces affaires peuvent être déjà, en tout ou en partie, du domaine public puisque le ministère de la Sécurité publique émet systématiquement un communiqué dans les heures suivant les événements impliquant les enquêtes indépendantes. Il faut considérer aussi le fait que les policiers sont investis par l'État de pouvoirs exceptionnels dans l'exercice de leurs fonctions liées à la préservation de la sécurité publique, à la protection des membres du public et à la répression du crime. Ils peuvent notamment recourir à la force nécessaire, voire même une force mortelle, contre un de leurs concitoyens. Les policiers sont imputables de l'exercice de ces pouvoirs dont l'attribution repose d'ailleurs sur le maintien d'un haut niveau de confiance de la part du public.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes. Pour en savoir davantage : www.dpcp.gouv.qc.ca.
Source :
Me Jean Pascal Boucher
Porte-parole
Directeur des poursuites criminelles et pénales
418 643-4085
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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