Le DPCP expose les motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 10 janvier 2020 à Tourville, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 11 mars 2021 /CNW Telbec/ - Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) annonçait dans son communiqué intérimaire du 19 janvier 2021 qu'il concluait que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par la policière de la Sûreté du Québec (SQ). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 10 janvier 2020 à Tourville.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révélait la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé la personne blessée de la décision.
Les procédures juridiques étant terminées, voici les motifs ayant mené le DPCP à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Événement
Le 10 janvier 2020, vers 14 h 10, une policière de la SQ effectue de la surveillance radar lorsqu'elle capte un véhicule roulant à une vitesse supérieure à celle permise. Elle s'engage sur la route et actionne les gyrophares afin de procéder à l'interception du véhicule fautif. À ce moment, celui-ci accélère. La policière suit le véhicule sur une distance d'environ 1,5 kilomètre avant de le perdre de vue en raison de sa vitesse et de la topographie de la route.
Ayant perdu le véhicule de vue, la policière met fin à la poursuite et éteint les gyrophares. Elle continue toutefois ses recherches afin de relocaliser le véhicule. Elle aperçoit à une intersection des traces de pneus qui tournent sur un rang et aperçoit au loin un nuage de neige. Elle s'engage dans le rang afin d'effectuer des vérifications. À 1,5 kilomètre de l'intersection, elle remarque des traces de dérapage dans la neige et aperçoit en bordure de la route le véhicule suspect accidenté.
La policière s'approche du véhicule et aperçoit le conducteur coincé dans le véhicule fortement endommagé. Le conducteur blessé est transporté par ambulance à l'hôpital le plus près puis transféré rapidement vers un second centre hospitalier où il sera soigné pour ses blessures. Il obtiendra son congé de l'hôpital dix jours plus tard.
Analyse du DPCP
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière (Code) contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants ou les avertisseurs sonores ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du Code.
La policière qui est intervenue lors de l'incident a suivi le véhicule suspect à distance, sans avoir à utiliser une conduite qui aurait pu mettre sa vie ou celle des citoyens en danger. La policière a utilisé les gyrophares sur une courte période et a cessé de les utiliser lorsqu'elle a perdu le véhicule de vue. Elle a gardé une vitesse sécuritaire, a suivi le véhicule suspect à distance, perdant même le contact visuel avec le véhicule qu'elle suivait à cause de la topographie de la route et de la vitesse excessive à laquelle roulait le véhicule suspect.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par la policière de la SQ impliquée dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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