Le DPCP expose les motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 14 décembre 2018 à Longueuil et à Brossard, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 11 sept. 2020 /CNW Telbec/ - Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) annonçait dans son communiqué intérimaire du 27 février 2020 qu'il concluait que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de l'agglomération de Longueuil (SPAL). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 14 décembre 2018 à Brossard.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révélait la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé la personne blessée de la décision.
Les procédures juridiques étant terminées, voici les motifs ayant mené le DPCP à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Événement
Le 14 décembre 2018, deux agents du SPAL circulent à bord de leur véhicule de patrouille sur le boulevard Taschereau en direction est à Longueuil. Vers 3 h, ils aperçoivent devant eux un véhicule sortir rapidement du stationnement d'un restaurant et s'engager sur le boulevard Taschereau en direction est. Le véhicule observé traverse les voies de circulation jusqu'à celle d'extrême gauche pour effectuer ensuite un demi-tour à l'angle du boulevard Churchill alors que le feu de circulation permettant ce virage est rouge.
À une centaine de mètres de cette intersection, les agents croisent le véhicule circulant maintenant en direction ouest sur le boulevard Taschereau. Ils décident de suivre le véhicule. Pour ce faire, la conductrice du véhicule de patrouille actionne les gyrophares et effectue un demi-tour alors que le feu de circulation est rouge. La circulation est pratiquement nulle.
Une fois la manœuvre de demi-tour complétée, la policière éteint les gyrophares. Les policiers constatent que le véhicule est à une bonne distance devant eux et circule à une vitesse estimée entre 170 et 180 km/h.
Le véhicule brûle un second feu rouge. L'intention de la policière n'est pas d'intercepter le véhicule à ce moment, cette manœuvre s'avérant impossible à réaliser en raison de la vitesse du véhicule. Son intention est plutôt de se rapprocher d'abord pour ensuite allumer les gyrophares et procéder à l'interception du véhicule. Les policiers perdent ensuite le véhicule de vue. La policière actionne les gyrophares et la sirène en vue de traverser la rue Regent puisque le feu de circulation est rouge. Les policiers perdent de nouveau de vue le véhicule en raison de la configuration du boulevard Taschereau caractérisée par une courbe débutant peu après la rue Lawrence. C'est à la sortie de la courbe que les policiers constatent au loin de la fumée. En se rapprochant, ils constatent qu'une collision est survenue impliquant deux véhicules sur la voie est du boulevard Taschereau et reconnaissent celui ayant brûlé deux feux rouges et roulant à grande vitesse.
La preuve, résultant notamment des caméras de surveillance, révèle que le conducteur du véhicule perd la maîtrise de son véhicule peu avant l'intersection de la rue Angèle, à Brossard. Le véhicule traverse le terre-plein central, frappe un lampadaire et poursuit son déplacement dans les voies de circulation inverses du boulevard Taschereau et entre en collision avec un autre véhicule immobilisé au feu rouge à l'intersection du boulevard Taschereau et de la rue Angèle. Le conducteur du véhicule fautif a été transporté à l'hôpital pour le traitement de ses blessures.
Analyse du DPCP
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel (article 249 au moment des événements), se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants ou les avertisseurs sonores ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du Code.
Dans ce dossier, la preuve révèle que la policière au volant du véhicule de patrouille n'agissait pas dans le cadre d'une poursuite et que cette dernière ne s'est pas approchée à moins de 350 mètres du véhicule circulant à haute vitesse. La preuve démontre également que la policière n'a pas causé la collision et que le véhicule de patrouille n'est pas impliqué dans la collision.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par la policière du SPAL impliquée dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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