Le DPCP expose les motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 19 juillet 2018 à Trois-Rivières, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 31 mars 2021 /CNW/ - Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) annonçait dans son communiqué intérimaire du 14 novembre 2019 qu'il concluait que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de la sécurité publique de Trois-Rivières (SPTR). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 19 juillet 2018 à Trois-Rivières.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révélait la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé les proches de la personne décédée de la décision.
Les procédures juridiques étant terminées, voici les motifs ayant mené le DPCP à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Événement
Le 19 juillet 2018 vers 11 h 45, un policier du SPTR est à l'extérieur de son véhicule de patrouille près de l'intersection de la rue Plouffe et du boulevard des Forges. À ce moment, l'alarme du lecteur de plaque d'immatriculation du véhicule de patrouille s'active à la lecture de la plaque d'une voiture de couleur grise.
L'agent s'approche du véhicule qui s'est immobilisé à un arrêt obligatoire. Il crie et frappe à quelques reprises dans la vitre du conducteur sans réussir à obtenir son attention. Le conducteur continue à ignorer le policier et poursuit sa route en tournant à droite sur le boulevard des Forges. L'agent monte à bord de son véhicule de patrouille et active les gyrophares et la sirène de son véhicule afin de tenter de rejoindre le véhicule. Une poursuite s'engage et, au cours de celle-ci, le fuyard commet quelques infractions au Code de la sécurité routière ainsi qu'un délit de fuite en heurtant un véhicule immobilisé face à un feu rouge.
Environ 1,1 kilomètre après le début de la poursuite, le véhicule fuyard frappe violemment un véhicule à bord duquel prend place un homme, causant sa mort. Plusieurs véhicules de civils sont impliqués dans cette collision. Le véhicule de patrouille arrive sur les lieux quelques secondes plus tard et n'est pas impliqué dans les collisions.
Analyse du DPCP
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel (article 249 au moment des événements), se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants ou les avertisseurs sonores ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du Code.
L'ensemble de la preuve révèle que le policier prend certaines précautions lors de la poursuite qui a lieu sur une courte distance, soit 1,1 km. Il actionne gyrophares et sirènes lorsqu'il constate que le fuyard brûle des feux de circulation et conduit de plus en plus vite. Plusieurs témoins affirment avoir entendu les sirènes avant même de voir le véhicule de patrouille et décrivent la conduite du policier comme étant prudente malgré qu'il roulait plus vite que la vitesse permise. Les témoins déclarent qu'il semblait prendre ses précautions avant de passer sur un feu rouge, qu'il ralentissait et qu'il était en contrôle de son véhicule, contrairement au fuyard.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par les policiers du SPTR impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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