Le DPCP expose les motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 31 décembre 2016 à Montréal, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 10 sept. 2020 /CNW Telbec/ - Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) annonçait dans son communiqué intérimaire du 31 juillet 2018 qu'il concluait que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant les blessures subies par un homme survenu le 31 décembre 2016 à Montréal.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un comité composé de deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureurs). Ces derniers avaient procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révélait la commission d'infractions criminelles. Un procureur qui avait participé à l'analyse du dossier a informé la personne blessée des motifs de la décision.
Les procédures juridiques étant terminées, voici les motifs ayant mené le DPCP à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Événement
Le 31 décembre 2016, entre 2 h 55 et 2 h 59, trois appels sont faits à la centrale 911 demandant l'aide des policiers en raison d'une bagarre dans un édifice situé sur la rue Sainte-Catherine Est. Une femme indique qu'il y aurait eu des coups de feu. Cette information est donnée sur les ondes et quatre policiers se rendent sur les lieux. À son arrivée, l'un des policiers est en mesure de voir un homme qui a la main droite au niveau de sa ceinture et voit une crosse de pistolet de couleur noire. L'homme réussit à prendre la fuite en courant en direction de la rue Saint-Dominique. Le policier mentionne sur les ondes radio que le suspect en fuite est en possession d'une arme à feu. Trois policiers poursuivent à pied le suspect.
Deux policiers à bord de leur véhicule de patrouille et ayant entendu les informations sur les ondes radio se dirigent vers lieux de la fuite et sont informés de la direction prise par le fuyard. Le véhicule s'engage sur la rue de Bullion vers le sud et les agents à bord du véhicule de patrouille voient un homme courant qui se retourne vers eux à quelques reprises en portant sa main à sa ceinture. Les policiers constatent que l'homme tient une arme à feu noire à la main. L'individu continue sa course sur le boulevard René-Lévesque vers l'est et se retourne encore une fois vers le véhicule de patrouille en adoptant une position de tir face aux policiers. C'est à ce moment que le véhicule est immobilisé et que les deux agents en sortent et font feu à plusieurs reprises en direction de l'individu.
Des agents portent secours à l'homme blessé au sol et une arme à feu se trouvant au niveau du ventre de l'individu est alors saisie et sécurisée.
Une caméra de surveillance située de l'autre côté de la rue permet d'apercevoir, venant de la direction nord, un homme courir devant un véhicule de patrouille en mouvement dans la même direction. Juste après avoir franchi l'intersection de la rue de Bullion et du boulevard René-Lévesque vers l'est, l'homme se retourne vers le véhicule tout en continuant à courir et semble avoir les mains devant son corps. Quelques mètres plus loin, il perd pied et tombe sur le dos. Le suspect semble tenter de se lever en faisant face aux policiers. Le véhicule s'immobilise au même moment et on voit le passager en sortir alors qu'on entend immédiatement des coups de feu.
L'arme à feu retrouvée sur l'individu est un pistolet semi-automatique qui s'est avéré fonctionnel. Cette arme était chargée et en condition de tir. Selon l'analyse balistique, aucun coup de feu n'aurait vraisemblablement été tiré par ce pistolet lors de cet événement.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime.
La preuve révèle que les agents sont à la poursuite d'un individu armé, possiblement impliqué dans une fusillade. Considérant les informations reçues, l'individu prenant la fuite pouvait faire l'objet d'une arrestation et détention pour fin d'enquête. Par ailleurs, la preuve révélant que les policiers constatent qu'il est armé d'un pistolet, ceux-ci devaient procéder à son arrestation. Cet individu devait donc être arrêté et désarmé. Le devoir des policiers était de mettre fin à la menace représentée par l'individu armé, en tentant de le désarmer et en procédant à l'arrestation de celui-ci. La caméra de surveillance montre les policiers sortant de leur véhicule et faisant face à un individu, qui même tombé au sol, est vraisemblablement toujours en possession d'une arme à feu et il existait une possibilité réelle que l'homme fasse feu en direction des agents.
Les policiers croyaient qu'ils avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée contre l'homme était nécessaire pour leur protection contre la mort ou des lésions corporelles graves. Considérant l'ensemble de la preuve, le DPCP estime que cette croyance était plausible et qu'elle s'appuyait sur des motifs raisonnables.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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