Le DPCP expose les motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 4 septembre 2017 à Montréal, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 13 sept. 2019 /CNW Telbec/ - Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) annonçait le 7 mars 2019 qu'il concluait que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant les blessures subies par un homme le 4 septembre 2017 à Montréal.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un comité composé de deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureurs). Ces derniers avaient procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révélait la commission d'infractions criminelles. Un procureur qui avait participé à l'analyse du dossier a informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le 4 septembre 2017 vers 9 h 15, à l'intersection des rues Garon et Charleroi, à Montréal-Nord, un homme armé d'un pistolet, prenant place à l'arrière d'un véhicule taxi, commet un vol en exigeant le portefeuille du chauffeur.
Le conducteur du taxi remet une somme d'argent au suspect qui quitte à pied. Le conducteur appelle la centrale 911 et donne une description du voleur en mentionnant qu'il suit le suspect à bord de son véhicule. Deux policiers à bord d'un véhicule patrouille localisent un homme correspondant à la description donnée sur les ondes radio dans un abribus au coin Pie‑IX et Charleroi.
Le véhicule patrouille fait alors demi-tour et s'immobilise près de l'abribus. Le policier passager sort, dégaine son arme à feu et s'approche de l'abribus en longeant le trottoir. Il interpelle l'homme se trouvant dans l'ouverture de l'abribus. Il lui ordonne en criant de montrer ses mains et de les mettre dans les airs. La policière le suit en parallèle afin de confiner l'individu dans l'abribus. L'homme ignore les consignes du policier. L'homme sort ensuite un pistolet de la poche droite de son chandail style kangourou puis le dissimule de nouveau dans ses vêtements. Le policier le somme de jeter son arme au sol, ordre auquel l'homme refuse toujours d'obtempérer. Il montre ses mains quelques secondes pour les remettre de nouveau dans ses poches.
Le policier ordonne à l'homme de se coucher au sol en lui indiquant qu'il s'agit du dernier avertissement. L'homme n'obtempère pas. Le policier, craignant pour sa vie, celle de sa collègue ou celle d'un passant, car le sujet est en mesure d'utiliser l'arme à tout moment, tire un coup de feu vers le bas du corps de l'homme sans toutefois l'atteindre. Le policier le somme à nouveau de se coucher au sol. L'homme n'obtempère pas. Le policier, évaluant que l'homme représente toujours une menace de causer la mort ou des blessures graves, fait feu deux fois en direction de l'homme qui s'écroule dans l'abribus.
L'homme est atteint d'un projectile à l'abdomen au côté gauche. Il est transporté à l'hôpital où il sera traité pour ses blessures.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les agents de la paix sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale. La preuve permet de conclure que les agents, au moment où ils interpellent le sujet, avaient des motifs raisonnables de croire que celui-ci était l'auteur du vol qualifié signalé plus tôt sur les ondes radio et qu'il était muni d'un pistolet. Les policiers devaient procéder à l'arrestation du sujet pour le vol qualifié et le désarmer.
L'homme refuse d'obtempérer aux ordres donnés à plusieurs reprises et démontre une attitude étrange et imprévisible pouvant également constituer une menace. Celui-ci, à la connaissance du policier ayant fait feu, venait de commettre un vol armé de son pistolet. En voyant l'homme remettre ses mains dans ses poches où se trouvait une arme, le policier avait alors des motifs raisonnables de craindre pour sa vie, celle de sa collègue et de passants. Rappelons que les policiers n'ont pas à attendre que la situation dégénère et que l'attaque se confirme pour agir. Ainsi, l'imminence du danger était réelle pour l'agent se trouvant à proximité. L'utilisation d'une arme à feu afin de neutraliser cette menace s'avérait à la fois adéquate et nécessaire pour la protection des policiers et celle du public contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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