Le DPCP expose les motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 5 juillet 2017 à Montréal, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 7 août 2020 /CNW Telbec/ - Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) annonçait dans son communiqué intérimaire du 10 avril 2019 qu'il concluait que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 5 juillet 2017 à Montréal.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un comité composé de deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ces derniers avaient procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révélait la commission d'infractions criminelles. Un procureur ayant participé à l'analyse du dossier a informé la personne blessée des motifs de la décision.
Les procédures juridiques étant terminées, voici les motifs ayant mené le DPCP à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Événement
Le 5 juillet 2017 vers 22 h 45, le service d'urgence 9-1-1 reçoit deux appels provenant de la résidence d'un homme dans un court intervalle de temps. Des proches de l'homme indiquent que l'homme est agressif envers eux.
À 23 h 12, deux agents se présentent à la résidence située dans l'arrondissement Pierrefonds-Roxboro. À l'extérieur de la résidence, ils rencontrent les proches de l'homme et recueillent de l'information concernant ce dernier.
Ils comprennent alors que l'homme est impliqué dans un incident de violence conjugale. Il aurait eu une altercation avec un proche de sa famille. Il est physiquement imposant et fortement intoxiqué.
Une fois dans la maison, les agents localisent l'homme. Il est couché sur le sofa du salon, en état d'ébriété. Un agent l'avise qu'il est en état d'arrestation pour violence conjugale et le somme de se coucher sur le ventre pour qu'on procède à son arrestation.
L'homme résiste et démontre des signes imminents d'attaque. Un agent utilise donc le bâton télescopique de manière sécuritaire pour convaincre l'homme de se rendre.
À la suite d'une charge de l'homme sur un des agents, les policiers ont de nouveau recours au bâton télescopique, ainsi qu'au poivre de Cayenne. Un des coups portés avec le bâton télescopique, destiné au bras gauche de l'homme à la hauteur du biceps, dévie vers le visage de ce dernier à la suite d'un mouvement de l'homme. En résultent une fracture de l'arcade sourcilière et une blessure à l'œil gauche.
À 23 h 53, les ambulanciers arrivent sur les lieux et conduisent l'homme à l'hôpital.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent avec précision le degré de force appliquée.
Dès le début de l'intervention, l'homme montre l'intention de s'en prendre physiquement aux agents, ce qu'il fait dès que la procédure débute. Maîtriser l'homme est difficile pour les deux agents, même s'il est blessé à l'œil. Le poivre de Cayenne est utilisé sans effet probant.
L'intervention physique des deux agents, ainsi que des proches de l'homme, est requise pour le maîtriser. Ce n'est que grâce à l'intervention d'un troisième agent que l'homme est menotté.
Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Les policiers avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour leur protection contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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