Le projet de loi 56 entravera la défense de l'intérêt public
MONTRÉAL, le 12 juin 2015 /CNW Telbec/ - Le projet de loi 56, déposé aujourd'hui à l'Assemblée nationale par le ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques, monsieur Jean-Marc Fournier, modifie la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, entre autres en assujettissant les organismes sans but lucratif (OSBL) à cette loi.
Distinction avec les lobbyistes professionnels
« La majorité des OSBL réalisant des activités d'influence le font dans l'intérêt public, et ni eux ni leurs membres n'en tirent de bénéfice. Leurs activités d'influence ne devraient donc pas être considérées comme du 'lobby' au même titre que celui qui s'exerce pour l'intérêt privé, voire pécuniaire, d'une entité ou de ses membres. Nous sommes très déçus de voir que la loi ne fait aucune distinction en faveur du travail faisant la promotion de politiques publiques. Améliorer la santé de la population, protéger l'environnement, réduire la violence, défendre les droits de citoyens ou venir en aide aux personnes moins nanties, c'est différent du travail des lobbyistes professionnels ou d'entreprises visant la promotion d'intérêts corporatifs, constituant la définition classique et courante du lobbyisme, » commente Dre Geneviève Bois, porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.
Par ailleurs, précise-t-elle, « les exemptions touchant les OSBL ne reflètent pas la différence de nature des activités d'influence des OSBL, ainsi que leur réalité et leurs ressources, généralement inférieures à celles des entreprises. » Les coalitions d'intérêt public supportent le constat qu'il faut améliorer la transparence des activités d'influence au Québec, compte tenu de certains abus. Malheureusement « l'assujettissement des OSBL à la loi, sans nuances significatives, crée plus de problèmes qu'il n'en règle. »
Selon Corinne Voyer, directrice de la Coalition québécoise sur la problématique du poids, « nous aurions été ouverts à un assujettissement dans le but de minimiser les abus et d'exposer certains intérêts corporatifs cachés, mais seulement dans la mesure où les modalités sont équitables -- c'est-à-dire distinctes de celles appliquées aux lobbyistes d'entreprises et adaptées à la réalité des organismes non corporatifs. »
Pour les coalitions d'intérêt public, l'enjeu n'est pas l'assujettissement à la loi, mais les modalités d'application auxquelles les OSBL seront soumis. « L'exercice de la transparence ne devrait pas entraver l'expression des intérêts publics, » dit Martine Chatelain, présidente de la Coalition Eau Secours!
« Ce projet de loi découragera l'exercice de la participation démocratique. Cela aura pour conséquence de limiter la pluralité des opinions entendues par les titulaires de charges publiques. La somme de ces contraintes légales et administratives s'ajoutent aux nombreux défis que connaissent déjà les OSBL, » poursuit Dre Geneviève Bois.
Par exemple, l'envoi de lettres aux titulaires de charges publiques constitue l'un des principaux moyens à la disposition des OSBL pour défendre une cause. Or, le projet de loi considère comme une activité de lobbyisme l'envoi d'une lettre à un député. Donc, chaque fois qu'une coalition invite ses membres à communiquer avec leurs élus, ils devront s'inscrire comme lobbyistes, soumettre des rapports trimestriels et risquer des amendes.
« Compte tenu des écarts de ressources, les entreprises sont avantagées par leur accès à une plus importante gamme d'outils de communication et d'influence, » renchérit madame Chatelain. « Les modalités d'application proposées augmentent l'iniquité déjà existante. »
« Les coalitions d'intérêt public agissent déjà sous le principe de la transparence. Nos objectifs et activités de mobilisation sont publics car ayant des moyens limités, les débats publics reprenant nos buts et argumentaires représentent la composante majeure de notre capacité d'influence, » ajoute-t-elle. À cela s'ajoutent d'importantes redditions de compte, dont des rapports d'activités exhaustifs et une vérification comptable par des auditeurs externes, surtout celles qui reçoivent du financement public.
Pas de détails sur le financement corporatif
Le projet de loi oblige le dévoilement des sources de financement de toutes les organisations visées. « C'est un pas dans la bonne direction, mais nettement insuffisant. Sans savoir les montants impliqués, ni la proportion du budget que cela représente, il est impossible de savoir qui tire les ficelles. Le ministre ferme les yeux sur cette manière de déceler les 'groupes façades', soit des pseudo-OSBL défendant des intérêts corporatifs et se cachant derrière des mandats trompeurs ou d'apparence bienveillante, » conclut Dre Bois.
SOURCE Coalition québécoise sur la problématique du poids
Pour entrevues : Dre Geneviève Bois, porte-parole, Coalition québécoise pour le contrôle du tabac : 514-598-5533, cell : 514-602-2508; Corinne Voyer, directrice, Coalition québécoise sur la problématique du poids : 514-566-4605
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