QUÉBEC, le 2 févr. 2022 /CNW Telbec/ - Le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) accueille avec fierté huit œuvres majeures de l'artiste québécois Paul-Émile Borduas offertes en don par les grands mécènes et collectionneurs britanno-colombiens, M. Michael Audain et Mme Yoshiko Karasawa. Ce geste remarquable s'inscrit dans la foulée de la promesse du don de 39 œuvres de l'artiste Jean-Paul Riopelle consenti au Musée par M. Audain et Mme Karasawa, de leur fondation familiale, accompagné d'une somme de 10 M$ pour la construction de l'Espace Riopelle, qui sera inauguré en 2025 à l'occasion des célébrations entourant le centenaire de naissance de l'artiste.
D'une valeur de près de 9 M$, les huit tableaux de Borduas, essentiellement des œuvres des années 1950, représentent non seulement l'une des plus importantes donations au MNBAQ, mais la valeur artistique de ces œuvres est inestimable. « La générosité de M. Audain et de Mme Karasawa est exemplaire, empreinte d'une passion et d'un respect sans précédent pour l'œuvre de l'artiste. Leur don permet non seulement de rapatrier au Québec les œuvres iconiques d'un artiste indissociable de l'histoire de l'art québécois, mais il contribue aussi à raviver la mémoire collective d'une époque déterminante pour notre province. Ces collectionneurs d'exception méritent de recevoir notre reconnaissance pleine et entière ainsi que notre profonde gratitude. », de s'enthousiasmer M. Jean-Luc Murray, directeur général du MNBAQ.
Pour sa part, M. Michael Audain a émis le souhait que le Québec puisse célébrer la mémoire et la contribution de Borduas au patrimoine culturel québécois et canadien. « Mon épouse et moi apprécions depuis longtemps les œuvres tardives de Borduas, que nous considérons comme un grand maître et un visionnaire. Par cette donation, Yoshi et moi voulons souligner l'audace, le courage et la quête de la liberté artistique absolue de cet artiste. Ses peintures étaient à la fois novatrices et captivantes. Mais au-delà de son style, nous croyons que par son enseignement à l'École du meuble de Montréal, Borduas a incité toute une génération de jeunes hommes et de jeunes femmes à s'affranchir de pratiques artistiques stériles pour embrasser le droit à la liberté culturelle. Bien que les œuvres nous manqueront, nous sommes enchantés de retourner une part importante du travail de Borduas à son Québec natal. »
Dans un souci de partage, le public pourra admirer ces chefs-d'œuvre de Borduas dès le 24 février 2022. Ils seront au cœur d'une nouvelle exposition présentée au MNBAQ, Les Énergies latentes. Paul-Émile Borduas au présent. La donation de Michael J. Audain et de Yoshiko Karasawa.
Les Énergies latentes ou la puissance de l'œuvre de Borduas en dialogue à celles des artistes d'aujourd'hui
Que nous réserve l'exposition Les Énergies latentes. Paul-Émile Borduas au présent. La donation de Michael J. Audain et de Yoshiko Karasawa? Elle s'articule a priori autour de la donation exceptionnelle des tableaux de Paul-Émile Borduas au MNBAQ, qui seront en dialogue avec les œuvres d'artistes actuels : Dominique Blain, Michel Campeau, Nadia Myre, Alain Paiement, Jean-Paul Riopelle et Michaëlle Sergile.
La première portion du titre Les Énergies latentes fait référence aux énergies qui existent, sans être apparentes, à ces changements d'état de la matière et aux polarités multiples qui s'expriment dans la création et la pensée de Paul-Émile Borduas. Les Énergies latentes couvent tour à tour dans la matière, dans le corps et dans l'esprit, entre le Soi et l'Autre, dans la lumière et dans l'ombre, dans le temps et dans l'espace, dans le trauma et dans la résilience, autant de polarités qui témoignent de la complexité de la nature humaine.
De Borduas à aujourd'hui, plusieurs artistes ont ancré leurs recherches esthétiques dans un territoire et une géographie, qui recèlent de ces forces incomparables, autant que dans les liens affectifs, identitaires et politiques qui façonnent l'humain et son expérience au monde. Les œuvres de la donation seront donc en dialogue avec plusieurs acquisitions récentes de la collection nationale du MNBAQ, car la production de Borduas continue de nous questionner sur l'existence, la création, l'engagement et la diversité.
Pourquoi ces huit Borduas sont-ils si importants?
Les tableaux de Borduas de la généreuse donation Audain et Karasawa réjouiront les visiteurs. Grenouille sur fond bleu (1944) est l'une des rares œuvres produites par Borduas à l'hiver 1944, alors qu'il travaille dans l'atelier d'Ozias Leduc à Saint-Hilaire. Arabesque (1955), quant à elle, aurait été produite dans les derniers temps du séjour new-yorkais de Borduas vers la fin de sa vie et porte les marques de l'influence de l'expressionnisme abstrait américain. Dans le même esprit, Graphisme (1955) serait l'une des dernières peintures produites par Borduas cette année-là, alors qu'il arrive tout juste à Paris et manifeste les influences combinées de Jackson Pollock et de Georges Mathieu. L'œuvre Modulation aux points noirs (1955) appartient à une production de Borduas dans les semaines suivant son arrivée à Paris en 1955. Ce dernier semble avoir entamé, dans ce tableau son « bond simplificateur » qui le mènera aux grandes compositions en noir et blanc de l'année suivante. Le tableau Figures schématiques (1956), probablement peint en août, est l'un des plus grands formats produits par Borduas dans sa carrière. L'œuvre deviendra une des icônes de la production parisienne de l'artiste. Chatterie (1957) produite dans une phase de travail particulièrement fertile pour Borduas, est décrite par François-Marc Gagnon - historien et critique d'art, écrivain et professeur - comme « une tentative de suggérer le mouvement et le rythme dans l'espace ». Le Sans titre (1957) montre une tendance à la structuration très contrôlée de la surface picturale, éloignant Borduas de sa période new-yorkaise et des influences de la peinture gestuelle (action painting), tout autant que de sa période automatiste. Cette phase structuraliste de Borduas correspond à un dialogue avec l'œuvre de l'artiste néerlandais Piet Mondrian, un des fondateurs de la peinture abstraite. Enfin, Sans titre (1959) semble avoir été exécuté d'un coup, sans préparation, mais le geste puissant que représente ce tableau n'est qu'une illusion. L'œuvre est produite dans une période très prolifique qui voit naître plusieurs œuvres à la fois gestuelles et calligraphiques dont le MNBAQ ne conservait aucun exemple.
Un enrichissement majeur pour la collection nationale du MNBAQ
La collection nationale du MNABQ comptait, jusqu'à tout récemment, 21 œuvres de Paul-Émile Borduas, l'un des artistes ayant eu le plus d'impact sur le développement de l'art moderne au Québec, voire au Canada. Dans ce contexte, la donation de M. Michael Audain et de Mme Yoshiko Karasawa permettra d'enrichir la collection et de combler des lacunes, favorisant l'intégration de l'artiste dans les expositions consacrées aux collections du Musée, et contribuant encore davantage à faire connaître l'œuvre et la pensée de Borduas depuis la première exposition collective que le Musée lui a consacrée en 1949.
Paul-Émile Borduas, en bref
C'est dans l'atelier d'Ozias Leduc, en 1921, que Paul-Émile Borduas entame son apprentissage. Il y fera ses premières mains, assistant le maître dans de nombreux projets de décoration d'églises et de chapelles. En 1923, il s'inscrit à l'École des beaux-arts de Montréal, où il s'y distingue par la réception de nombreux prix. De 1928 à 1930, il poursuit sa formation en France, auprès de Maurice Denis, lui permettant de s'initier à une expression artistique plus contemporaine, notamment le courant du surréalisme, qui marque un tournant dans sa production. La lecture des ouvrages d'André Breton, qui définissait le surréalisme comme « automatisme psychique pur », aura sur lui un grand impact.
Borduas devient professeur à l'École du meuble de Montréal en 1937 et, deux ans plus tard, fait partie, avec John Lyman et Robert Élie, des membres fondateurs de la Société d'art contemporain, créée dans le but de promouvoir l'art abstrait au Canada. Le rayonnement de ses idées sur l'art s'élargit alors et un groupe de peintres se rassemble autour de lui. Jean-Paul Mousseau, Fernand Leduc, Pierre Gauvreau, Marcelle Ferron, Jean-Paul Riopelle, entre autres, formeront avec lui le groupe des « automatistes ». Animé de la volonté de renforcer les positions et la philosophie du groupe, il rédige et publie en 1948 le manifeste Refus global, dont les répercussions seront telles qu'elles lui feront perdre son poste d'enseignant à l'École du meuble de Montréal.
Il s'adonne dès lors complètement à son art, non sans ressentir amèrement sa mise à l'écart des institutions culturelles. Il part pour New York en 1953 où il confronte sa démarche aux plus récents développements de l'expressionnisme abstrait, en particulier au travail de Jackson Pollock et de Franz Kline. Son travail y trouve une résonnance certaine et quelques occasions d'exposition se présentent à lui, mais c'est à Paris que Borduas espère obtenir la reconnaissance de ses pairs. Son installation dans la capitale française en 1955 est toutefois difficile, et ce n'est qu'en 1959 que se tient une première exposition de ses œuvres à la Galerie Saint-Germain. En 1962, deux ans après son décès, une vaste rétrospective de sa carrière fut présentée à Montréal, à Québec, à Ottawa et à Toronto.
Michael Audain, en bref
Michael Audain est président de Polygon Homes Ltd., l'un des chefs de file de l'immobilier résidentiel de la Colombie-Britannique. Issu de la cinquième génération d'une lignée britanno-colombienne, il a fait ses études à l'Université de la Colombie-Britannique et à la London School of Economics.
Ardent défenseur des arts visuels, M. Audain est président de la Fondation Audain, de la Fondation Jean Paul Riopelle et de la Fondation du Musée d'art Audain. Auparavant, il a été président du conseil d'administration du Musée des beaux-arts du Canada, de celui du Musée des beaux-arts de Vancouver et de la fondation de cette même institution.
M. Audain est membre de l'Ordre du Canada et de l'Ordre de la Colombie-Britannique. Il est également récipiendaire de doctorats honorifiques décernés par cinq universités et médaillé des jubilés de diamant et d'or de la Reine.
SOURCE Musée national des beaux-arts du Québec
Musée national des beaux-arts du Québec, 418 643-2150 ou 1 866 220-2150 /mnbaq.org
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