QUÉBEC, le 3 mai 2018 /CNW Telbec/ - Selon un sondage interne effectué à la fin d'avril en collaboration avec la firme Raymond Chabot Grant Thornton, une forte majorité (62 %) des membres de l'Association des économistes québécois jugent préoccupante la montée du protectionnisme qu'ils voient comme un obstacle à la croissance économique.
En ce qui a trait plus particulièrement aux menaces protectionnistes du gouvernement américain, les économistes estiment pour la plupart (61 %) que la meilleure réponse du Canada consiste à diversifier les marchés d'exportation alors qu'un peu plus du quart (26 %) croient plutôt qu'il faut privilégier le recours aux mécanismes d'arbitrage de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l'Accord de Libre-Échange Nord-Américain (ALÉNA). Selon Yves St-Maurice, président du Comité des politiques publiques de l'Association, « ces résultats indiquent clairement que les répondants préfèrent l'ouverture des frontières plutôt que le repliement sur l'économie nationale, et que pour eux la négociation est préférable à l'affrontement ».
Les économistes consultés sont partagés quant aux objectifs qui doivent être visés dans les négociations commerciales avec les autres pays. Ainsi, 41 % des répondants croient que l'objectif prioritaire doit être d'améliorer la capacité concurrentielle des entreprises canadiennes, mais 19 % d'entre eux jugent que c'est le maintien d'emplois de qualité pour les Canadiens qui doit être privilégié et un autre 18 % penchent plutôt pour le respect des normes en matière sociale et environnementale.
À la question à savoir quel est le meilleur atout de l'économie québécoise dans un contexte où il y a à la fois mondialisation et protectionnisme, près de la moitié (47 %) des répondants préconise de s'appuyer sur des pôles d'excellence tels que l'aérospatiale, l'intelligence artificielle et le multimédia. Dans une proportion moindre, les économistes consultés s'en remettent plutôt à la qualité de la main-d'œuvre (21 %) et aux avantages que représentent l'énergie et les ressources naturelles (17 %).
Enfin, dans une proportion de 40 % les économistes estiment que la productivité insuffisante constitue le principal obstacle que doit surmonter le Québec pour accroître sa présence dans l'économie mondiale.
Les économistes québécois auront l'occasion d'approfondir ces enjeux lors du congrès annuel de leur association qui doit se tenir les 14 et 15 mai prochains à Montréal. Le programme du congrès porte précisément sur le thème « Mondialisation et protectionnisme : Vers un changement du paradigme économique ? » et les questions suivantes, entre autres, seront abordées dans différents ateliers:
- Ce que devient la mondialisation,
- Les nouveaux risques et les nouvelles possibilités de négociation d'accords commerciaux,
- Les technologies numériques et la concurrence mondiale,
- L'attraction des talents de haut calibre,
- Le rôle des villes dans la nouvelle dynamique mondiale,
- Les options et les pistes de solutions pour le Québec.
L'Association des économistes québécois effectue régulièrement des sondages auprès de ses membres sur des questions en rapport avec l'actualité économique ou des enjeux de politique publique. Les résultats détaillés de ce sondage sont en annexe. Les sondages antérieurs sont disponibles à l'adresse : http://economistesquebecois.ca/programmes_et_activites/sondages.
Annexe
Au total, 126 membres de l'Association des économistes québécois ont répondu au sondage réalisé par Internet du 20 au 27 avril 2018.
Question 1 : La montée du protectionnisme
Pour les flux mondiaux de commerce, d'investissement et de main-d'œuvre, veuillez indiquer ce que représente la montée du protectionnisme dans certains pays :
Une menace importante à la croissance économique |
61,9% |
Un phénomène politique sans portée économique profonde, étant donné la forte intégration de l'économie mondiale |
12,7% |
Un réalignement des économies nationales à la fois vers la consolidation des industries existantes et vers de nouveaux secteurs de croissance basés sur les besoins du marché intérieur |
21,4% |
Autre (veuillez préciser) : |
4,0% |
Autres réponses/commentaires :
- Une combinaison des deux premiers choix. Le protectionnisme encourage les firmes inefficaces, mais les autorités ne peuvent pas nécessairement imposer des barrières tarifaires où bon leur semble, car par exemple les autres pays peuvent répondre par d'autres mesures protectionnistes.
- Une réponse politique à des ajustements majeurs de certains secteurs économiques nationaux, à la montée en puissance de l'IA et à l'automatisation (modification à la demande structurelle d'emploi), à l'incapacité de certaines classes sociales à conserver leur pouvoir d'achat et à la montée en puissance de certaines sociétés d'état (Chine)
- Difficile à dire. À court terme, l'intégration des marchés semble amoindrir les effets mais si la montée du protectionnisme pénètre réellement dans les pensées politiques de pays importants, ça pourrait être une menace importante à la croissance économique.
- Un réalignement de la balance commerciale mondiale qui n'est tout simplement pas viable à long terme. Ceci devrait avoir un impact très faible sur le Canada, à moins de mauvaise foi démesurée de la part de certains pays qui ont une balance commerciale très négative.
Question 2 : Le Canada et le protectionnisme américain
Pour ce qui est du protectionnisme américain, veuillez indiquer ce que le Canada devrait privilégier :
Des mesures de rétorsion d'effets équivalant à celles imposées par son partenaire commercial |
3,2% |
Le recours aux mécanismes de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce ou de l'Accord de libre-échange nord-américain |
26,2% |
La diversification plus prononcée de ses marchés d'exportation |
61,1% |
Une nouvelle politique nationale misant davantage sur le développement de son marché intérieur |
4,0% |
Autre (veuillez préciser) : |
5,6% |
Autres réponses/commentaires :
- Mesures de rétorsion coordonnées avec les autres blocs commerciaux de préférence (ex: UE) car je vois difficilement comment le Canada peut tenir longtemps sans alliés.
- Sécuriser des ententes durables avec les États-Unis tout en diversifiant ses marchés d'exportations.
- La diversification plus prononcée de ses marchés d'exportation
- Le recours aux mécanismes de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce ou de l'Accord de libre-échange nord-américain
- De réelles politiques industrielles pour permettre à nos entreprises de prendre leurs places sur les différents marchés (intérieur et extérieur).
- Une réponse unique serait un mauvais choix économique. Il faudrait plutôt développer plusieurs avenues économiques de diversification, d'augmentation du commerce avec l'Asie et l'Afrique, de mise en place réelle du libre-échange canadien, etc. La rétorsion ne conduirait à rien de plus qu'à une plus grande perte de marché américain, plus de représailles, que le Canada ne peut se permettre.
- Ça dépend des mesures concrètes que prendra le gouvernement américain.
Question 3 : Les objectifs des négociations commerciales
Quel devrait être le premier objectif du Canada dans les négociations commerciales avec ses différents partenaires?
Équilibrer les échanges de biens et de services avec le reste du monde |
6,4% |
Améliorer la capacité concurrentielle des entreprises canadiennes |
40,5% |
Assurer le respect de normes minimales en matière de droits de la personne, de travail et d'environnement |
18,3% |
Protéger des secteurs clés, comme l'agriculture, l'éducation, la santé et la culture |
10,3% |
Maintenir et créer des emplois de qualité pour les Canadiens |
19,1% |
Autre (veuillez préciser) : |
5,6% |
Autres réponses/commentaires :
- Améliorer le niveau de vie des Canadiens et la capacité concurrentielle des entreprises canadiennes.
- Nos entreprises souffrent d'un manque de productivité, ce qui diminue leurs capacités à exporter.
- S'assurer que les entreprises canadiennes aient accès le plus possible aux marchés étrangers et que les citoyens canadiens aient accès aux produits et services étrangers au meilleur coût possible, dans la mesure où les autres pays offrent au Canada un traitement réciproque.
- Donner à nos entreprises un accès privilégié aux marchés étrangers.
- Toutes ces réponses. Il n'y a pas de réponse unique qui puisse s'appliquer car la situation est différente selon les secteurs d'activités, selon l'endroit où on s'insère dans la chaîne de valeur / production, etc. Il faut accepter des pertes d'emplois dans des secteurs qui seront compensées ailleurs.
- Politique "agressive" de marketing et de pénétration des marchés dans le reste du monde.
Question 4 : Les atouts de l'économie du Québec
Quel est le meilleur atout de l'économie québécoise dans un contexte où il y a à la fois mondialisation et protectionnisme?
L'énergie et les autres ressources naturelles |
16,7% |
La qualité de vie |
8,7% |
Ses pôles d'excellence (aérospatiale, intelligence artificielle, multimédia, etc.) |
46,8% |
La qualité de sa main-d'œuvre |
21,4% |
Autre (veuillez préciser) : |
6,4% |
Autres réponses/commentaires :
- Toutes ces réponses. Je crois que le meilleur atout du Québec est que nous sommes une société ouverte et démocratique, multiculturelle et bilingue qui est la porte d'entrée entre les États-Unis et l'Europe.
- Toutes ces réponses !
- Le cout de la vie assez faible, les programmes sociaux.
- Il est difficile de se faire une idée claire sur la question. Les données officielles sur les échanges commerciaux sont plutôt partielles, car elles se concentrent généralement bien plus sur les produits que sur les services. Cela traduit un besoin pour davantage d'information et d'analyse qui nous permettraient alors de voir de manière plus exhaustive les atouts de l'économie québécoise.
- L'énergie propre et bon marché pour attirer les investissements, les ententes existantes pour nos grandes entreprises et l'agilité pour nos PME innovantes.
- La connaissance, l'expérience, les milieux de recherche.
Question 5 : Les difficultés à surmonter
Quelle est la principale difficulté que doit surmonter le Québec pour accroître sa présence dans l'économie mondiale?
Le resserrement des conditions d'accès au marché américain |
6,4% |
Le vieillissement de sa population |
27,0% |
Un entrepreneuriat insuffisant |
7,9% |
Des carences en matière d'innovation |
11,1% |
Une productivité insuffisante |
39,7% |
Autre (veuillez préciser) : |
7,9% |
Autres réponses/commentaires :
- La principale difficulté est une pénurie probable de main d'œuvre qualifiée. La clé est d'investir dans l'éducation, mais aussi dans une politique d'immigration proactive pour attirer les meilleurs talents et aussi en reconnaitre les compétences et diplômes s'ils rencontrent certains critères de base.
- Fiscalité des particuliers à revoir pour améliorer les incitatifs au travail.
- La faiblesse des investissements des entreprises, la tendance à se limiter au marché québécois et la tendance à utiliser les gouvernements pour se protéger de la concurrence étrangère.
- Le Québec devrait changer de statut politique afin de négocier et signer lui-même ses accords internationaux comme tout État souverain et indépendant.
- Un manque d'engagement et d'audace à travailler les marchés extérieurs.
- Pénurie de main d'œuvre.
- Toutes ces réponses
- Un système d'éducation qui ne répond pas entièrement aux attentes.
SOURCE Association des économistes québécois (ASDEQ)
Yves St-Maurice, président, Comité des politiques publiques, 514-776-6546; Bernard Barrucco, directeur général, Association des économistes québécois, 418-681-9247
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