Lettre d'opinion - Demain : État d'urgence pour les personnes les plus vulnérables
Par : Léonie Couture, fondatrice et directrice générale de La rue des Femmes, et Anne-Gaël Whiteman, coordonnatrice de la Maison Jacqueline.
MONTRÉAL, le 31 mai 2018 /CNW Telbec/ - Lors des grands froids, le besoin de sécurité des personnes en état d'itinérance chronique les plus vulnérables est souvent un sujet d'actualité sur la place publique, et donne lieu à des mesures hivernales d'hébergement d'urgence qui prennent fin, évidemment, avec la fin de l'hiver. Pourtant, en été, il existe une hausse dramatique des agressions contre les personnes sans abri, particulièrement les femmes. Ce sujet qui retient peu d'attention n'entraîne pas l'établissement de mesures semblables. Est-il donc plus acceptable de mourir d'agression que de mourir de froid?
À Montréal, il y a un réel problème de manque de places en hébergement d'urgence pour les personnes en état d'itinérance, les plus vulnérables. Malheureusement, La rue des Femmes est aussi affectée par cette problématique. C'est à des femmes épuisées, qui ont passé la nuit à marcher pour éviter les agressions ou les viols, et qui arrivent à nos centres en suppliant de les garder, à qui nous devrons refuser l'accès à un lit d'urgence, par manque de place.
Les mesures d'urgence mises en place par le CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, la Ville de Montréal et plusieurs partenaires communautaires sont maintenant terminées, avec la fermeture de 10 lits d'urgence supplémentaires de la Maison Jacqueline le 31 mai. Ces mesures hivernales visaient à s'assurer qu'il y ait une offre d'hébergement d'urgence suffisante pour répondre à la demande quotidienne.
Un manque criant de place
À partir de demain, 1er juin, nous sommes en situation d'urgence. C'est à partir de cette date que le problème d'hébergement d'urgence sera amplifié et le nombre de manque de places augmentera considérablement pour les plus vulnérables. Cela veut tout simplement dire que ces personnes seront littéralement dans la rue tout l'été, sans aucune autre option, autant de jour que de nuit.
Le besoin est urgent. Rien ne s'annonce pour pallier à cette situation, qui se répète chaque année. Ne soyez donc pas surpris de voir cet été le tissu urbain envahi de personnes en état d'itinérance chronique présentant des troubles de santé mentale et des problématiques de consommation.
20 à 30 refus par jour…multipliés par 3!
Actuellement à La rue des Femmes, le nombre de femmes que nous sommes forcées de refuser par manque de place est effarant : entre 20 et 30 femmes par jour. Ce nombre triplera suite à la fermeture de nos 10 lits supplémentaires de la Maison Jacqueline. Aux refus, il faut aussi ajouter le nombre de femmes que nous ne pouvons référer et envoyer nulle part ailleurs. En cause : la gravité de leur état.
Les besoins sont si grands que nous n'avons pas d'autre choix que de déborder régulièrement. Nous faisons quotidiennement plusieurs appels auprès des autres ressources d'hébergement, sans succès, pour des femmes dans la rue, déboussolées, qui se sentent en grand danger (avec raison). Et nous n'avons malheureusement aucune réponse ou suggestion à leur fournir.
Il est devenu pratiquement impossible de trouver une place pour une femme dans les autres hébergements.
Depuis quelque temps, nous sommes confrontées à des femmes qui nous demandent quels sont les « endroits sécuritaires » où elles pourraient se cacher, que ce soit derrière des restaurants, dans des fonds de ruelles ou autres…
Nos équipes vivent le découragement et l'impuissance face au manque de possibilités, de soutien et d'accessibilités. Il nous est très difficile de laisser ces femmes retourner dans la rue, dans un tel état de vulnérabilité et de précarité extrême. Pourtant, nous n'avons d'autre choix que d'être témoin de cette situation critique.
En sommes-nous vraiment rendus là?
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SOURCE La rue des Femmes
Sophie Laisney, Coordonnatrice, communications et relations publiques, La rue des Femmes, C. 514 435-3491, B. 514 284-9665, poste 286, [email protected]
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