Ligne Québec - New Hampshire - Pas d'interconnexion sans consultation
PESSAMIT, QC, le 19 juill. 2016 /CNW Telbec/ - Le chef du Conseil des Innus de Pessamit, M. René Simon, a fait parvenir, au nom des membres de sa communauté (les Pessamiulnuat), une lettre au ministre québécois du Développement durable et de l'Environnement, M. David Heurtel, dans laquelle il réclame que le projet de ligne d'interconnexion Québec - New Hampshire fasse l'objet d'un examen public tenu sous l'égide du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). En l'absence d'une telle mesure, Pessamit est prête à porter le dossier sur la scène nationale et internationale.
Disjonction sur toute la ligne
« Nous entendons faire la démonstration devant le BAPE que dans le cas du projet d'interconnexion Québec - New Hampshire, le gouvernement néglige de se conformer à l'esprit de ses propres lois, soit celle sur la qualité de l'environnement et celle sur le développement durable, a déclaré le chef Simon. Ainsi, dans son étude d'impact, Hydro-Québec ne tient aucun compte des effets cumulatifs de son projet. » On constate en effet une disjonction entre les principes établis par ces lois, et le cadre réducteur de cette étude d'impact. Hydro-Québec Production y joue le rôle de demandeur sans imputation environnementale auprès d'Hydro-Québec TransÉnergie. Selon nous, il n'est pas normal que ce projet soit analysé en fonction d'une segmentation corporative, avec la résultante que l'aspect production est passé sous silence. La volonté du législateur en matière d'environnement nous semble incompatible avec la fragmentation de la logique environnementale, à plus forte raison dans ce projet où le cadre d'analyse correspond à la structure interne de la société d'état.
Une situation sans précédent
Avec la mise en chantier, entre 1952 et 1956, des centrales Bersimis-1 et Bersimis-2 sur la rivière Betsiamites en Haute-Côte-Nord, Québec posait les premiers jalons d'un gigantesque projet qui allait inclure le complexe Manicouagan-Outardes. Ces centrales, implantées et opérées de façon illégitime sur le Nitassinan (territoire traditionnel) des Pessamiulnuat, représentent 29 % de la puissance installée d'Hydro-Québec. À une exception près, (Toulnoustouc), elles furent construites sans étude d'impact, sans l'accord de Pessamit et sans la moindre compensation : un fait unique au Québec! Elles ont entraîné l'ennoiement de quelque 2 675 km2 de terres vierges productives, exclusivement prélevées à même le Nitassinan de Pessamit. Le milieu aquatique a également été massivement dénaturé. Ainsi, la rivière Betsiamites, où l'on enregistrait entre 1940 et 1950, des captures de l'ordre de 1000 saumons par année, a vu chuter ce nombre de plus de la moitié dès la mise en place des barrages au début des années '60. Les dernières statistiques colligées par Pessamit indiquent des captures de 75 et 77 saumons pour les années 2012 et 2013. Selon la courbe des tendances établie de 1948 à 2013, la population de saumon pourrait potentiellement disparaître dans un horizon d'une dizaine d'années.
Variation de débit : des questions sans réponse
Dans un contexte où le projet d'interconnexion Québec - New Hampshire impliquera la contribution de centrales dites « de pointe » spécifiquement conçues pour répondre à des pics de demande de courte durée, et compte tenu que les centrales Bersimis-1 et Bersimis-2 correspondent à ce genre d'installations, on peut s'attendre à ce que les exportations vers les États de la Nouvelle-Angleterre provoquent un accroissement de la fréquence des variations de débit qui sont déjà considérables (130 m3/s à 650 m3/s, quatre à six fois par jour). Il en va de même pour les niveaux d'eau oscillant à répétition de 1,5 mètre dans une même journée, au gré de la demande énergétique. Quelle est l'incidence de la gestion hydraulique actuelle de la rivière Betsiamites sur l'arrachement des œufs des frayères, sur le lessivage des alevins hors des sites d'alevinage, et sur la chute dramatique de la productivité salmonicole? Cette situation incompatible avec la notion de développement durable et le principe sous-jacent de précaution, risque-elle désormais de s'aggraver? La dénaturation irrévocable d'une rivière à saumon liée depuis des temps immémoriaux à l'histoire des Pessamiulnuat s'entrevoit désormais comme étant plus que probable à court terme.
Au détriment des engagements internationaux
L'étude d'impact d'Hydro-Québec, en plus de ne faire aucun cas des préoccupations précitées, piétine littéralement la Convention pour la conservation des saumons dans l'Atlantique Nord et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, toutes deux ratifiées par le Canada en 2003. En matière de ressources biologiques, ces conventions sont fondées sur la pérennité d'exploitation, la protection et la restauration, et font appel à l'approche de précaution. En ce qui concerne la rivière Betsiamites, il est clair que la performance du Canada, signifiée par la façon de faire d'Hydro-Québec et la complaisance du Québec, est en-deçà de ses engagements internationaux.
Développement durable vs impératifs commerciaux
Pessamit réclame avec insistance la tenue d'audiences publiques du BAPE afin que soient étudiés les impacts anticipés et non déclarés du projet d'interconnexion Québec - New Hampshire. La rivière Betsiamites ayant fait l'objet d'aliénations illégales, répétées et préjudiciables sur le plan environnemental et social, il est temps de remettre en perspective les principes de développement durable que Québec entend subordonner à des impératifs commerciaux.
SOURCE CONSEIL DES INNUS DE PESSAMIT
Jack Picard, 418 445-0987, [email protected]
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