Livre blanc de la pharmacie communautaire : un secteur en pleine turbulence
Les politiques publiques des 10 dernières années ont chamboulé une industrie dont le modèle doit se renouveler
MONTRÉAL, le 26 sept. 2016 /CNW Telbec/ - Vives tensions entre les joueurs de l'industrie causées par des politiques publiques contre-productives, multiples changements législatifs, sous-utilisation du pharmacien, mode de rémunération désuet : de grandes turbulences secouent la pharmacie communautaire et affectent tous ses acteurs, du pharmacien aux fabricants et aux assureurs en passant par les chaînes et bannières. Plus inquiétant : le modèle d'affaires de l'ensemble de l'industrie semble périmé. Voilà les grands constats qui émanent d'un premier Livre blanc sur la pharmacie communautaire1 que dévoile aujourd'hui l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP).
« Ce Livre blanc constitue un outil de réflexion et de discussions unique à propos du rôle et de la place du pharmacien ainsi que du modèle d'affaires de la pharmacie communautaire dans le système de santé québécois. Grâce aux constats et aux pistes de solutions susceptibles d'améliorer la situation, le document cherche à mieux répondre aux préoccupations des patients québécois », explique Jean Thiffault, président de l'AQPP.
Échec des politiques de réduction des dépenses
Soucieuse d'obtenir un document rigoureux et objectif, l'AQPP a mandaté l'économiste Yanick Labrie pour brosser le portrait de la pharmacie communautaire. Ces derniers mois, l'auteur et sa collègue économiste Julie Frappier ont rencontré une soixantaine d'intervenants de l'industrie. « Les différends entre les acteurs de la pharmacie a dépassé ce que nous anticipions », souligne M. Labrie. Au terme des entrevues et analyses effectuées, les auteurs associent cette situation à l'échec des politiques de compressions des dépenses de médicaments et des honoraires des pharmaciens, lesquelles « ont engendré plus d'effets pervers que de bénéfices » et fragilisé la première ligne de soins de santé la plus accessible au Québec.
Sous-utilisation du pharmacien
Si l'importance du rôle du pharmacien dans le système de santé est pleinement reconnue par les acteurs de l'industrie, ils sont nombreux à décrier sa sous-utilisation. Les auteurs rappellent qu'en matière de services professionnels offerts par les pharmaciens, par exemple la vaccination et la revue de médication (MedsCheck), le Québec reste à la traîne par rapport aux autres provinces et à plusieurs pays.
Mode de rémunération désuet
Le modèle de rémunération des pharmaciens n'a pas suivi la transformation rapide de la profession depuis 20 ans, soulignent les auteurs. Leur rémunération dépend encore grandement d'allocations professionnelles qui leur sont versées par les compagnies de médicaments génériques. En restant très dépendants d'une rémunération plus axée sur la vente de médicaments, plusieurs pharmaciens ont dit craindre pour l'avenir de la profession, déjà affaiblie par les récentes compressions. Ils souhaitent donc que le modèle de rémunération soit revu en profondeur au Québec. L'AQPP partage cette conclusion et rappelle que les pharmaciens souhaitent se dissocier des allocations professionnelles et être rémunérés avant tout pour les services pharmaceutiques offerts aux patients. Lors des récentes négociations avec le MSSS, l'AQPP a d'ailleurs présenté une proposition ingénieuse et simple en ce sens, laquelle a été rejetée par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette. Les allocations professionnelles demeurent par contre essentielles dans le modèle actuel, car elles font partie intégrante de la rémunération des pharmaciens.
Dépenses en médicaments : pas de hausse marquée
Autre constat émanant du Livre blanc : contrairement aux idées reçues, les dépenses en médicaments et en services pharmaceutiques n'ont pas explosé au Québec au cours de la dernière décennie. Tout au plus, elles ont augmenté de 2,8 % par année depuis 2005-2006, soit à un niveau inférieur à la croissance économique. La hausse est également moindre que les dépenses liées aux principaux postes budgétaires en santé, notamment les services médicaux et les hôpitaux. À titre de comparaison, les dépenses liées à la rémunération des services médicaux ont connu une croissance annuelle de 7,9 % durant cette même période. Il est d'ailleurs à noter que la RAMQ a publié la semaine dernière son rapport annuel de gestion de 2015-2016, dans lequel il est indiqué que la croissance des services pharmaceutiques n'a été que de 1,5% par année au cours des 5 dernières années, tandis que l'ensemble des coûts de programmes ont augmenté en moyenne de 5,2% par année, et les services médicaux de 7,4%.
Le régime public et les régimes privés
Les écarts de prix en pharmacie entre les assurés des régimes public et privé ont été soulevés lors des entrevues. Les auteurs notent que ces divergences s'expliquent en grande partie par la position dominante du régime public (la RAMQ) qui peut fixer des honoraires à un niveau inférieur à celui qui prévaudrait dans un marché concurrentiel. D'un côté, la profession de pharmacien s'est complexifiée et les coûts pour offrir les services ont augmenté. De l'autre, les honoraires des services pharmaceutiques avec la RAMQ ont chuté de plus de 20 % en termes réels depuis 2002. L'AQPP est en accord avec ce constat, elle qui milite depuis plusieurs années pour un rehaussement du financement public afin de rémunérer les pharmaciens en fonction de leur réelle valeur ajoutée.
Le pharmacien au cœur d'un écosystème complexe
En deuxième portion, le Livre blanc brosse le portrait des acteurs-clés de l'industrie. L'exercice s'avère particulièrement utile pour comprendre les rapports de force entre les parties prenantes, leurs objectifs souvent divergents et la position fragilisée du pharmacien qui subit les répercussions des décisions de l'ensemble des joueurs économiques, gouvernementaux et opérationnels. « Au final, ce sont les patients qui font les frais d'un système qui doit impérativement se renouveler afin d'utiliser le plein potentiel des professionnels de la pharmacie communautaire », conclut Jean Thiffault.
À propos de l'AQPP
L'Association québécoise des pharmaciens propriétaires est constituée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels et elle représente les 2 071 pharmaciens propriétaires des 1 889 pharmacies du Québec, qu'ils soient affiliés ou non à une chaîne ou à une bannière commerciale.
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1 LABRIE, Yanick et FRAPPIER Julie, L'industrie de la pharmacie communautaire au Québec : un modèle à renouveler. Enjeux, constats et pistes de solutions, Livre blanc soumis à l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, 7 septembre 2016
SOURCE Association québécoise des pharmaciens propriétaires
Pour obtenir une entrevue avec un représentant de l'AQPP ou Yanick Labrie, veuillez contacter : Mylène Demers, conseillère principale, CASACOM 514 261-5840 [email protected]
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