Lock-out au Journal de Québec en 2007-2008 - La Cour suprême refuse d'entendre les plaidoiries des syndiqués
MONTRÉAL, le 5 avril 2012 /CNW Telbec/ - La Cour suprême du Canada vient de faire savoir qu'elle n'entendra pas le pourvoi des syndiqués concernant le recours à des travailleurs de remplacement par Quebecor lors du lock-out décrété par celui-ci à l'encontre de ses employés en 2007-2008.
Les syndiqués souhaitaient que le plus haut tribunal examine et détermine si le recours aux travailleurs de remplacement par l'employeur contrevenait aux dispositions anti-scabs du Code du travail du Québec.
Le refus d'entendre la cause, que la Cour suprême vient de confirmer, a déçu Denis Bolduc, secrétaire général du SCFP-Québec. Au moment du conflit, Denis Bolduc était président du syndicat de la rédaction et porte-parole des tous les employés syndiqués du Journal de Québec.
« Nous sommes évidemment déçus que la Cour ne nous permette pas d'en appeler. Une chose demeure claire pour tout le monde cependant. Durant le lock-out au Journal de Québec, Quebecor a pu compter sur plusieurs dizaines de travailleurs de remplacement que, nous, nous appelons des scabs », a commenté Denis Bolduc.
« Le refus de la Cour de nous entendre renvoie le dossier au législateur. En novembre dernier, rappelle Denis Bolduc, la Commission de l'économie et du travail de l'Assemblée nationale a recommandé que soit revue « la notion d'établissement et d'employeur du Code du travail pour tenir compte de l'évolution des réalités économiques et technologiques, et ce, afin d'établir un juste équilibre du rapport de force entre les parties négociantes lors d'un conflit de travail. »
Ce rapport de la Commission de l'économie et du travail, intitulé La modernisation des dispositions anti-briseurs de grève prévues au Code du travail, peut être téléchargé à partir du site de l'Assemblée nationale du Québec.
http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CET/mandats/Mandat-14425/index.html
« Le sujet est d'une très haute importance pas seulement pour nous mais pour tous les syndiqués, fait valoir Denis Bolduc. Aujourd'hui il est possible à un journaliste d'envoyer son texte par internet. C'est vrai pour une très grande quantité de travailleurs qui peuvent travailler à distance grâce aux technologies. Ce n'était évidemment pas le cas en 1977 quand le législateur a adopté les dispositions anti-scabs. Autrement dit la question qui se pose maintenant est la suivante : est-ce que le journaliste ou n'importe quel travailleur doit être moins protégé en 2012 qu'il ne l'était avant l'introduction des dispositions anti-briseurs de grève dans le Code du travail. Les scabs, c'était inacceptable en 1977 et on pense qu'en 2012 c'est toujours aussi inacceptable. »
Rappel des événements
Le conflit au Journal de Québec a duré plus de 15 mois. Le 22 avril 2007, l'employeur a mis en lock-out les employés de bureau et de la rédaction. Le jour même, les employés de l'imprimerie déclenchaient la grève par solidarité envers leurs collègues. Le surlendemain, le 24 avril, les syndiqués entamaient la publication du quotidien gratuit MédiaMatinQuébec, qu'ils ont distribué cinq jours par semaine dans les rues de Québec jusqu'à la toute fin du conflit. À la suite d'une entente négociée, le retour au travail s'était fait à la mi-août 2008. Le Journal de Québec a continué d'être publié pendant le conflit. Pour ce faire, l'employeur comptait sur plusieurs dizaines de travailleurs en remplacement des syndiqués en conflit. En 2007, les syndicats se sont adressés à la Commission des relations du travail (CTR) pour obtenir une ordonnance empêchant le Journal de Québec d'utiliser les services de remplaçants. L'ordonnance de la CRT a été rendue après la fin du conflit.
Les décisions des tribunaux en résumé
Sur le recours à des travailleurs de remplacement par Quebecor, les décisions suivantes ont ponctué ce conflit de travail.
Dans un premier temps, le 23 août 2007, quatre mois après le début du lock-out, suite aux plaintes déposées par les syndiqués, la CRT avait émis une ordonnance à l'endroit de quatre personnes pour qu'elles cessent de travailler en remplacement de salariés du Journal de Québec en conflit. Les mêmes ordonnances avaient été émises à l'endroit du Journal pour qu'il cesse d'utiliser leurs services. La décision est accessible en ligne à l'adresse: http://scfp.qc.ca/librairies/sfv/telecharger.php?fichier=8093.
Dans un second temps, au terme de 12 jours d'audition, le 12 décembre 2008, la CRT concluait que Quebecor/Sun Media avait contrevenu à la loi en utilisant des travailleurs illégaux pour remplacer des journalistes, des photographes et un messager (Yann Perron). La décision est accessible en ligne à l'adresse:http://www.crt.gouv.qc.ca/decisions/2008/2008QCCRT0534.pdf .
Puis, en septembre 2009, la Cour supérieure a invalidé les conclusions de la CRT du 12 décembre 2008 à l'égard du recours à des journalistes et photographes de remplacement, s'en remettant à une vision «briques et pierres» de l'établissement, nécessairement plus restrictive. La Cour supérieure n'a toutefois pas invalidé la décision de la CRT qui concluait à l'utilisation illégale d'un messager (Yann Perron) pendant le conflit. La décision de la Cour supérieure est accessible en ligne à l'adresse: http://www.scfp.qc.ca/librairies/sfv/telecharger.php?fichier=17112 .
Le 14 septembre 2011, la Cour d'appel rejette le pourvoi des appelants (partie syndicale) contre la décision de la Cour supérieure.
http://jugements.qc.ca/php/decision.php?liste=55740424&doc=AF018E07BC8D14717498A6E6D36995B94700BBE63697E2FB7201DC4E604D4C6A&page=1
Le 5 janvier 2011, la CRT rend une décision concernant l'application de la Loi sur les normes du travail. On y apprend que, pendant le lock-out, la compagnie Côté Tonic inc. suppléait aux besoins du Journal de Québec par la mise sur pied d'une équipe qui « grossira jusqu'à [compter]une quarantaine de personnes, salariés et pigistes. » La décision intégrale est reproduite à l'annexe 2 de ce document.
http://www.scfp.qc.ca/librairies/sfv/telecharger.php?fichier=18194&menu=74&sousmenu=44
Le 5 avril 2012, la Cour suprême refuse la permission d'en appeler. Les questions en cause sont les suivantes : « Les services de remplacement de lock-outés ou grévistes doivent-ils être rendus dans l'immeuble de l'entreprise pour être illégaux? - La Cour d'appel remet-elle en cause la compétence exclusive de la Commission des relations du travail pour interpréter une disposition de sa loi constitutive dont l'application se situe au cœur même de sa mission? - La Cour d'appel restreint-elle l'accomplissement des objets de la loi eu égard aux réalités actuelles de l'organisation du travail? - Code du travail, L.R.Q. ch. C-27, art. 109.1. »
SOURCE : SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE (FTQ)
Renseignements :
Denis Bolduc, secrétaire général SCFP-Québec, cell. 418 564-8772
ou
Robert Bellerose, Information SCFP, cell. 514 247-9266 ou [email protected]
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