Loi sur le tabac de 2015 inadéquate pour protéger les jeunes contre le vapotage et mettre fin aux ristournes liées à la vente de tabac
MONTREAL, le 26 nov. 2020 /CNW Telbec/ - Aujourd'hui, le Rapport de mise en œuvre (2015-2020) de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme adoptée il y a 5 ans a été déposé à l'Assemblée nationale au nom du ministre de la Santé Christian Dubé. Ce rapport se veut un regard critique sur l'application des mesures législatives et réglementaires touchant le tabagisme et le vapotage. Les constats et recommandations constituent des pistes pour une mise à jour éventuelle de la loi.
« Avec plus de 13 000 décès annuels au Québec liés au tabagisme et la popularité grandissante du vapotage chez les jeunes, le Québec se doit d'examiner toutes les failles et faiblesses dans la loi dont les objectifs visent à soutenir et renforcer la prévention de l'usage du tabac, la protection des non-fumeurs et l'abandon du tabagisme, en plus de prévenir le vapotage chez les jeunes, » commente Flory Doucas, codirectrice et porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. En effet, le ministre lui-même souligne que « la grande popularité et l'accessibilité des produits de vapotage … représentent une nouvelle réalité qui nous amène à revoir nos priorités et l'intensité de nos actions. »
Sans surprise, le rapport reconnait le manquement de la loi à protéger les jeunes contre la mise en marché des nouveaux produits de vapotage (constat no 2). En effet, la gamme des tactiques de marketing sournoises des grands fabricants a sans aucun doute contribué au nouveau phénomène du vapotage chez les jeunes qui, selon Santé Canada, a substantiellement augmenté auprès des élèves du secondaire IV et V du Québec ces dernières années, passant de 14% en en 2016/17 à 22% en 2018/2019, alors que dans certaines régions, c'est près du tiers (32%) des élèves du secondaire. Le rapport reconnait l'encadrement inadéquat des produits de vapotage et recommande de « renforcer le cadre législatif et réglementaire des produits de vapotage, afin de diminuer l'attrait pour ces produits et de restreindre leur accessibilité chez les jeunes. »
« Malgré les mesures sur le vapotage adoptées en 2015, les fabricants ont pu attirer une génération de jeunes dans le piège insidieux de la dépendance à la nicotine en plus de les exposer à de sérieux risques pour la santé. C'est pourquoi nous attendons avec grande anticipation la concrétisation de l'engagement du gouvernement, annoncé il y a un an, pour instaurer des mesures visant à contrer le vapotage chez les jeunes d'ici la fin de l'année, » ajoute madame Doucas. Le gouvernement avait d'ailleurs mis sur pied des groupes de travail composés de médecins, chercheurs et autres pour dresser une liste de mesures à mettre de l'avant pour contrer le vapotage chez les jeunes, ce qu'a fait la Coalition en soumettant une série de recommandations en mars dernier.
« Bien qu'il soit normal que la crise de la COVID-19 demeure la priorité du gouvernement, il importe de prendre en compte le fait que le partage des vapoteuses à l'école et le vapotage en soi chez les jeunes contribuent, eux aussi, à la propagation du virus. Plusieurs chercheurs croient même que le vapotage augmente les risques de symptômes graves, comme c'est le cas du tabagisme. Plusieurs autres provinces ont adopté des mesures sur le vapotage en pleine pandémie, et il n'y a pas de raison de penser que le Québec ne pourrait pas en faire autant. Les pouvoirs réglementaires existent pour agir rapidement, par exemple pour limiter l'aromatisation ainsi que la teneur en nicotine des liquides de vapotage. C'est ce que la Nouvelle-Écosse et d'autres provinces ont déjà fait, » explique-t-elle.
À maintes reprises, le rapport souligne le manque de ressources et de leviers pour intervenir efficacement tant pour assurer le respect des interdictions de fumer que pour veiller à la conformité des dispositions sur la vente et la promotion des produits de vapotage en ligne qui sont en principe interdites au Québec. « Il est clair que les effectifs alloués à l'inspection devront être bonifiés, autant avec des ressources de terrain qu'à l'aide de spécialistes dans les technologies numériques pour pouvoir mieux détecter les fabricants qui utilisent les plateformes sur l'Internet pour rejoindre les jeunes. D'ailleurs, le gouvernement a l'autorité de réclamer de l'industrie des rapports détaillés concernant les budgets et d'autres détails de ses activités promotionnelles, ce qui donnerait un gros coup de main aux inspecteurs, » dit madame Doucas.
Programmes de ristournes et autres avantages
De plus, le rapport précise que les dispositions concernant l'interdiction des ristournes et d'autres avantages associés à la vente de tabac chez les dépanneurs sont peu ou mal respectées, soulignant que « certains fabricants ou distributeurs utilisaient encore des programmes de ristournes, de gratifications ou d'autres formes d'avantages auprès de leurs clients. »
« Il est très décevant de constater que les dispositions de 2015 n'ont pas été assez suffisantes pour mettre fin aux 'programmes de performances' déployés par les grands cigarettiers auprès des détaillants. En plus de récompenser des employés qui effectuent des référencements ou des ventes de produits du tabac, l'industrie continue à travers ces programmes d'imposer aux détaillants des cibles de vente, à défaut de leur prescrire des prix beaucoup plus chers pour leurs commandes et de les rendre moins compétitifs face à leurs concurrents avoisinants. »
« Il est donc essentiel de réviser la loi de manière à empêcher ce genre de tactiques qui mettent énormément de pression sur les dépanneurs pour qu'ils écoulent leurs stocks de cigarettes et de produits de vapotage, en plus de maintenir des prix artificiellement bas, » souligne madame Doucas. En effet, en 2015, les représentants des partis d'opposition, dont la CAQ, avaient proposé d'aller plus loin en instaurant des contrôles plus spécifiques sur les prix, ce que le rapport réitère en recommandant d'explorer l'adoption de stratégies ayant des répercussions sur le prix ou l'accessibilité des produits. « C'est certainement vers de telles approches qu'il faudra se tourner pour contrer les stratagèmes des cigarettiers qui touchent le prix. »
Les autres enjeux d'applications de la loi concernent les interdictions de fumer et de vapoter à l'extérieur et la protection inadéquate contre la fumée secondaire pour les travailleurs qui dispensent des soins à domicile. « En plus de bonifier les campagnes de sensibilisation et d'information, une révision de la loi s'impose pour corriger ses lacunes et bâtir sur ses acquis, » conclut madame Doucas.
ANNEXE - Mesures réglementaires réclamées pour contrer le vapotage chez les jeunes
- Interdire des saveurs (sauf celle du tabac) dans les produits de vapotage (les saveurs pourraient cependant être permises dans les versions certifiées et vendues en tant qu'aide à la cessation dans les pharmacies)
- Limiter la teneur en nicotine à 20 mg/ml de nicotine, comme le font déjà les pays de la communauté européenne et trois provinces canadiennes
- Réduire l'accès financier à ces produits auprès des jeunes en instaurant une taxe sur les liquides de vapotage
- Instaurer un système de permis tarifé de vente, de distribution et d'importation
- Interdire des nouveaux points de vente de tabac et boutiques de vapotage à moins de 250 mètres d'une école
- Encadrer l'apparence des dispositifs et des liquides afin de les rendre moins attrayants pour les jeunes
- Ajouter des mises en garde concernant les risques pour la santé.
SOURCE Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
Contact et information : Flory Doucas: 514-515-6780; [email protected]
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