Mémoire du Barreau du Québec sur l'avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile - Il faut poursuivre le travail si on veut atteindre les objectifs
MONTRÉAL, le 2 févr. 2012 /CNW Telbec/ - Le Barreau du Québec estime que la procédure civile doit être au service des citoyens et s'ajuster afin de mieux répondre à leurs besoins, soit un accès facilité à une justice de qualité, dans des délais satisfaisants et à un juste coût. Cette prémisse sert de fil conducteur aux commentaires et observations formulées par le bâtonnier du Québec, Me Louis Masson, Ad. E. et le directeur général du Barreau du Québec, Me Claude Provencher, devant la Commission des institutions sur l'avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile.
« À l'évidence, le consensus au sein de la communauté juridique est très présent sur la nécessité d'améliorer l'accès à la justice. Toutefois, au stade de l'avant-projet de loi, où pour une première fois tous les acteurs de la justice peuvent s'exprimer sur le caractère plus opérationnel de certaines mesures, nous réalisons qu'il n'existe pas une solution unique. C'est plutôt un ensemble de mesures qui seront nécessaires pour mieux répondre aux besoins de la population. Nous devons poursuivre notre recherche de solutions adaptées pour atteindre les objectifs souhaités par la réforme», explique le bâtonnier du Québec, Me Louis Masson, Ad. E. Le bâtonnier Masson a par ailleurs rappelé que « le Barreau du Québec prépare le terrain depuis une bonne dizaine d'années en misant sur la prévention, la formation et l'information. En témoignent la création d'organismes tels que Éducaloi, Pro Bono Québec, le développement et la promotion de l'assurance juridique, la coproduction de la série télévisée Le Droit de savoir et l'information sur la justice participative. »
La réforme proposée vise une justice civile plus rapide et moins coûteuse. Le Barreau est d'avis que certaines dispositions importantes de l'avant-projet de loi ne permettent pas d'atteindre ces objectifs et méritent d'être réexaminées. D'autre part, le Barreau estime l'enjeu fondamental de la qualité de la justice doit être affirmé davantage dans cet avant-projet de loi. De même, la version anglaise du projet de loi doit recevoir une attention particulière. « Nos concitoyens de langue anglaise ont droit à une version qui reflète l'intention du législateur et qui évite les difficultés d'interprétation», commente le directeur général du Barreau, Me Claude Provencher.
Les commentaires du Barreau se regroupent selon trois enjeux principaux : l'accès, l'efficacité et la qualité de la justice. Voici quelques faits saillants tirés du mémoire du Barreau.
L'accès aux tribunaux et aux modes privés de règlement des différends
L'accès à un tribunal impartial et indépendant est un droit inscrit dans la Charte. « Nous sommes heureux de constater que tout en intégrant des modes privés de résolution des différends, le législateur prévoit des mesures pour faciliter l'accès aux tribunaux, notamment aux petites créances où le plafond est haussé à 10 000 $ pour les trois prochaines années, puis à 15 000 $ », commente le bâtonnier du Québec, Me Louis Masson, Ad. E.
Depuis 2005, le Barreau du Québec fait la promotion des modes appropriés de règlement des différends et forme ses membres à cet effet. Ces avenues, tout en étant intéressantes, ne peuvent remplacer l'accès aux tribunaux et doivent faire partie de la panoplie de solutions offertes aux citoyens qui doit volontairement, avec l'aide de son avocat, décider de la meilleure façon de régler son différend. Le Barreau du Québec demande au législateur de retrancher de son avant-projet l'article 7 qui prévoit l'obligation d'utiliser les modes privés de règlement des différends. « L'utilisation de ces modes doit demeurer sur une base volontaire pour le citoyen, puisque leur succès dépend de la volonté des parties d'emprunter des voies non litigieuses », a déclaré le bâtonnier Masson.
Par ailleurs, le législateur devrait introduire au Code des mesures incitatives pour faciliter et accélérer le déroulement des affaires où les parties ont eu préalablement recours aux modes privés de règlement de différend. Les parties pourraient, par exemple, bénéficier automatiquement d'une conférence de gestion dès l'introduction du recours ou de la fixation d'une date de procès par préférence. Cette mesure, comme d'autres proposées, commande des investissements importants puisque l'autorité morale du juge à cette étape est un gage de succès important.
Il importe pour le Barreau de maximiser le nombre de mesures destinées à une meilleure efficacité et une qualité accrue de la justice. Le Barreau a notamment insisté sur certaines points.
Viser l'efficacité
● Des solutions sur mesure
Le Barreau insiste : il ne faut pas mettre en place des mesures destinées à être appliquées uniformément. « Le Code de procédure civile doit rester un outil adapté aux différentes réalités connues et particulièrement celles du droit familial, qui touche un grand nombre de citoyens. Par exemple, le choc émotif vécu au moment de la rupture du noyau familial représente un sérieux bémol pour la prise de décision efficace. Les personnes qui se séparent ou qui divorcent ont besoin d'un certain temps pour reprendre leur vie en main. Le Barreau du Québec estime que le temps, en ce domaine, a un effet thérapeutique et c'est pourquoi il recommande l'augmentation des délais prévus au chapitre de la gestion de l'instance en matière familiale», explique le directeur général du Barreau, Me Claude Provencher.
● Exécution des jugements
La privatisation de la procédure d'exécution des jugements par un transfert substantiel des pouvoirs du tribunal à l'huissier, prévue dans l'avant-projet, risque d'augmenter les coûts pour les bénéficiaire du jugement. Le Barreau croit que le public est mieux protégé quand la surveillance de l'exécution des jugements est effectuée par le tribunal.
Création d'un tribunal unifié de la famille
Au Québec, les demandes relatives au divorce, à la séparation de corps, à la garde d'enfants, au droit d'accès et à l'autorité parentale sont de la compétence de la Cour supérieure, alors que les matières concernant la protection de la jeunesse et de l'adoption relèvent de la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec. Cette division des compétences empêche les citoyens de solutionner leur litige dans le cadre d'une seule et même audition, risque d'entraîner des décisions contradictoires et engendre des délais et des coûts supplémentaires. Le Barreau du Québec souhaite la création d'un tribunal unifié de la famille au sein de la Cour supérieure, composé de juges de la Cour supérieure et de la Cour du Québec.
Une justice de qualité
● Cadre des pouvoirs de gestion
Dans l'exercice de ses pouvoirs de gestion et en vertu du principe de proportionnalité, le juge ne devrait pas tenir compte de facteurs extrinsèques au dossier qui lui est soumis pour décision. Le devoir pour les juges, tel que le prescrit cet avant-projet de loi, de tenir compte de la bonne marche de l'ensemble des affaires qui lui sont soumises risque de porter atteinte à l'indépendance des tribunaux et au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs si les décisions des juges doivent être limitées par des contraintes administratives et politiques. Les intérêts de l'État ne peuvent primer sur les droits du public sans qu'il y ait atteinte au droit d'être entendu.
● Interrogatoires au préalable
L'avant-projet de loi impose des limites à la durée des interrogatoires prévus dans la procédure civile. Le Barreau juge que les durées proposées pour ces interrogatoires ne sont pas adéquates et suggère de les hausser.
Il est aussi primordial de maintenir la règle actuelle voulant que seule la partie ayant procédé à l'interrogatoire puisse décider de son dépôt au dossier. Si l'intention du législateur est de modifier l'état actuel du droit en ce qui a trait à la production des interrogatoires, le Barreau s'y oppose vigoureusement. Il s'agit d'une mesure importante pour assurer la qualité de la justice. Le caractère exploratoire et confidentiel de l'interrogatoire doit être protégé afin de favoriser les règlements qui peuvent en découler.
Investir et mesurer
Le Barreau est préoccupé par le phénomène du décrochage judiciaire et la problématique de l'accès à la justice. L'accès à la justice constitue une condition essentielle et fondamentale de vie en société démocratique. Afin de mettre en œuvre des solutions concrètes pour répondre à ces besoins des citoyens, il faut investir dans la justice. « Pour réduire les délais et rendre une justice de qualité, les ressources nécessaires doivent être déployées. Tout les maux de la justice ne peuvent être réglés par la seule réforme de la procédure civile », commente le directeur général du Barreau du Québec, Me Claude Provencher.
Le Barreau du Québec souhaite aussi que des mesures objectives d'évaluation soient prévues pour évaluer le nouveau Code de procédure civile. « Nous manquons cruellement de données pour évaluer si les réformes mises en place fonctionnent et si l'accès s'améliore », souligne Me Provencher.
« Quand la tenue d'un procès est nécessaire, les pouvoirs de gestion judiciaire et la coopération des avocats doivent permettent la tenue de procès dans le respect des exigences de la proportionnalité, c'est à dire en déployant les moyens proportionnels au montant en litige. Et ce, avec efficacité et dans le respect du mandat confié par les clients. C'est l'esprit avec lequel tous les acteurs doivent travailler, avec ouverture, à la bonification de nos façons de faire», conclut le bâtonnier Masson.
Pour prendre connaissance du mémoire du Barreau du Québec :
http://www.barreau.qc.ca/actualites-medias/positions/index.html
Le Barreau du Québec
Le Barreau du Québec est l'Ordre professionnel de quelque 24 000 avocats et avocates. Afin de remplir sa mission qui est la protection du public, le Barreau maximise les liens de confiance entre les avocats et les avocates, le public et l'État. Pour ce faire, le Barreau surveille l'exercice de la profession, fait la promotion de la primauté du droit, valorise la profession et soutient les membres dans l'exercice du droit.
Martine Meilleur, coordonnatrice
Service des communications
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