Mieux protéger contre l'amiante sans partisanerie: Une trentaine d'organisations réclament que la norme québécoise sur l'amiante soit promptement resserrée
MONTRÉAL, le 20 févr. 2018 /CNW Telbec/ - Un impressionnant collectif d'organisations -- dont des syndicats et des associations professionnelles de travailleurs du milieu de la construction, des pompiers, des architectes, des victimes d'amiante de même que des organismes, associations et centres d'expertise des milieux de la santé et des questions environnementales -- a envoyé vendredi dernier une lettre commune aux chefs des quatre principaux partis politiques, les implorant de mettre de côté toute partisanerie et de s'entendre pour resserrer promptement la norme provinciale d'exposition professionnelle à l'amiante.
Rappelons que la norme de 0,1 fibre/ml ou moins est standard dans la plupart des pays de l'OCDE et des provinces canadiennes. Or, la norme québécoise est dix fois plus permissive et le gouvernement a demandé l'été dernier à un comité-conseil de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) d'examiner la pertinence d'abaisser la norme1 et, ce, alors que l'Institut national de santé publique recommande de la resserrer à 0,1 fibre/ml depuis 20032.
La norme actuelle est trop permissive
En conférence de presse plus tôt aujourd'hui, le groupe était accompagné par une victime de l'amiante, monsieur Yvon Savage, un électricien retraité de 73 ans qui a reçu en 2016 un diagnostic d'amiantose, une maladie pulmonaire chronique qui rend la respiration plus difficile. « Il s'avère que j'ai passé une bonne partie de ma vie professionnelle à poser des tuyaux et des fils électriques dans des plafonds isolés à l'amiante, incluant ceux des pavillons d'Expo 67. Pourquoi tolère-t-on encore de nos jours au Québec que les travailleurs de la construction soient exposés à des concentrations dix fois supérieures à ce qui est toléré dans les autres grandes provinces canadiennes? Est-ce que les poumons des travailleurs québécois valent dix fois moins que ceux des travailleurs de l'Ontario, de l'Alberta ou encore 100 fois moins que ceux de nos cousins français, chez qui la norme est 100 fois plus basse? », remarque monsieur Savage.
L'amiante tue plus de travailleurs que les accidents en milieu de travail
« En 2016, dernière année pour laquelle nous avons des données officielles, l'amiante a couté la vie à 121 travailleurs au Québec, ce qui est plus que toutes les autres causes de décès professionnelles réunies, incluant les accidents de travail. Un nombre qui croit d'année en année. Comment se fait-il que nos travailleurs soient 10 fois plus exposés qu'au Canada? C'est inacceptable. Personne ne devrait avoir à s'exposer à une maladie mortelle en allant travailler », a déclaré le directeur général de la FTQ-Construction, monsieur Yves Ouellet.
« Mon père est décédé des suites d'un mésothéliome, un cancer causé par l'exposition à l'amiante. Le voir perdre peu à peu son souffle, voir son endurance diminuer jour après jour devant mes yeux, ça me hante et m'attriste encore », explique monsieur Gilles Mercier, dont le père, un ferblantier, est décédé en juin dernier. Monsieur Mercier préside également l'Association des victimes de l'amiante du Québec (AVAQ).
« J'ai aussi travaillé pour la CNESST (auparavant la CSST) pendant 35 ans à titre d'inspecteur du travail. Quand j'ai débuté ma carrière, la norme d'exposition à l'amiante était la même que maintenant. Je peux affirmer qu'il est plus facile d'intervenir sur une machine dangereuse ou une problématique de chute de hauteur qui peut blesser gravement ou tuer un travailleur sur-le-champ plutôt que d'intervenir sur une problématique d'amiante, une fibre inodore et invisible dont la concentration dans l'air est inconnue, voire incertaine. Très peu d'intervenants sont conscients qu'une seule exposition à l'amiante, c'est une exposition de trop; c'est comme acheter un billet de loterie pour un gros lot que personne ne souhaite 'gagner'. Or, au Québec, la réglementation est plus permissive pour certains types d'amiante, voire beaucoup trop permissive pour l'amiante chrysotile. Nos politiciens doivent agir maintenant », ajoute monsieur Mercier.
Une mobilisation sans précédent
« Lorsqu'on a entendu le cri du cœur de la FTQ-Construction en septembre dernier, les scientifiques et les médecins ne pouvaient se contenter de rester dans leurs bureaux et établissements de santé à donner des services et des avis. On a beau tenter d'informer les gens, on a beau soigner les malades, ici, la guérison n'est pas possible alors il faut en faire davantage pour réduire l'exposition! Il importait donc de nous impliquer dans ce front commun pour implorer nos politiciens à resserrer la norme », remarque la docteure Isabelle Samson, présidente de l'Association des spécialistes en médecine préventive du Québec.
Force est de constater que les intervenants d'autres milieux en sont venus aux mêmes constats. En plus des directeurs de santé publique des régions de l'Abitibi-Témiscamingue, du Bas-Saint-Laurent, de la Capitale-Nationale, de l'Estrie, de la Gaspésie et des Îles, des Laurentides, de Laval, de la Mauricie-et-Centre-du-Québec, de la Montérégie, de Montréal, du Nord-du-Québec et des Terres-cries-de-la-Baie-James, le collectif comprend :
|
|
Appel à la diligence et au courage politique
« Dans le contexte préélectoral qui prévaut actuellement, nous craignons que l'enjeu soit encore politisé pour niveler vers le bas. Nous interpellons les dirigeants de tous les partis simultanément car pendant trop longtemps, les décisions en lien avec l'amiante ont été influencées par une certaine partisanerie visant à gagner le vote de quelques circonscriptions associées aux mines d'amiante et, ce, au détriment de certains enjeux élémentaires de santé. Maintenant, on craint que certains ne voient dans les activités de transformation des résidus miniers d'amiante un nouvel eldorado qu'il faudrait promouvoir en reportant le resserrement des normes. Au contraire, nous croyons que tous les partis devraient saisir l'opportunité qui leur est aujourd'hui offerte pour réitérer l'importance qu'a à leurs yeux la santé des Québécois, en resserrant les normes sanitaires sur l'amiante dans les plus brefs délais. Le temps est à l'action et, ce, sans partisanerie», conclut la docteure Louise Soulière, vice-présidente de l'Association pour la santé publique du Québec et ancienne directrice de santé publique pour la région de l'Estrie.
1 |
FTQ-Construction, communiqué, « Normes sur l'amiante au Québec -- Plus de 100 décès par année ! », 1 septembre 2017. http://ftqconstruction.org/normes-sur-lamiante-au-quebec-plus-de-100-deces-par-annee%E2%80%89/ |
|
2 |
Institut national de santé publique du Québec, Fibres d'amiante dans l'air intérieur et extérieur ET Épidémiologie des maladies reliées à l'exposition à l'amiante au Québec: Résumé et recommandations des rapports, 2003. https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/250-resumeamiante.pdf |
SOURCE Association pour la santé publique du Québec (ASPQ)
Pour entrevues : Dre Louise Soulière, Association pour la santé publique du Québec, 514.528-5811; Mme Geneviève Marsan, FTQ-Construction, 514.817-3097; Dre Isabelle Samson, Association des spécialistes en médecine préventive du Québec, 514.350-5138
Partager cet article