Motion M-312 sur la personnalité juridique du fœtus : La FMSQ estime qu'il faut en finir avec les offensives conservatrices
MONTRÉAL, le 24 mai 2012 /CNW Telbec/ - La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) s'insurge contre la nouvelle offensive lancée récemment par le député conservateur de Kitchener-Centre, Stephen Woodworth, qui tente de faire adopter la motion M-312 visant à créer un comité spécial de la Chambre des communes qui serait « chargé d'examiner la déclaration figurant au paragraphe 223(1) du Code criminel selon laquelle un enfant devient un être humain lorsqu'il est complètement sorti du sein de sa mère ». La motion M-312 a fait l'objet d'une première heure de débats à la Chambre des communes le 26 avril dernier. Selon les plus récentes informations disponibles, la deuxième heure de débats est prévue pour le 7 juin et la motion devrait être mise aux voix le 13 juin.
« Si cette motion était adoptée, le processus visant la création de ce comité serait irréversible. Ce comité ferait défiler une batterie « d'experts » appelés à répondre à quatre questions impliquant notamment que l'on fasse la démonstration de la preuve médicale qu'un enfant est ou n'est pas un être humain avant le moment où il a complètement vu le jour. On imagine déjà le délire émotif et collectif dans lequel nous aurions tôt fait de nous retrouver si une telle motion devait être adoptée, sans compter les très probables errements démagogiques qui s'ensuivraient », a indiqué, d'entrée de jeu, le président de la FMSQ, Dr Gaétan Barrette.
Depuis 1987, des députés conservateurs d'arrière-ban multiplient les tentatives pour forcer la réouverture du débat sur l'avortement dans l'optique de parvenir à amender le Code criminel pour octroyer une personnalité juridique au fœtus - une notion qui n'existe pas dans le Code criminel actuel. Outre M-312, plus de 40 projets de loi ou motions ont été déposés devant la Chambre des communes, dont les plus récents C-484 en 2007, C-537 en 2008 et C-510 en 2010.
Le premier ministre du Canada, Stephen Harper, a indiqué publiquement à plusieurs reprises qu'il s'opposerait à n'importe quelle tentative de créer une loi sur l'avortement. Connu pour exercer une poigne de fer sur son caucus, M. Harper laisse pourtant l'entière liberté à ses députés de mener l'offensive comme dans le cas de cette motion.
Selon la FMSQ, « il est risible de voir Stephen Harper se réfugier derrière le droit, pour ses députés, de déposer motions ou projets de loi et de nous servir l'argument que le chef du parti ne contrôle pas ça! Un chef de parti a le pouvoir et le devoir de bloquer ce genre d'initiative. S'il ne le fait pas, c'est qu'il ne le veut pas », a poursuivi le président de la FMSQ.
Du point de vue de la FMSQ, les enjeux de la motion C-312 sont identiques à ceux qui entouraient le projet de loi C-484 : la défense des médecins spécialistes sur le plan professionnel et juridique en raison des poursuites qui pourraient être intentées advenant une modification au Code criminel; le déni du droit des patientes à recevoir des soins de qualité dans des conditions sécuritaires et appropriées; le déni du droit des femmes à disposer de leur corps comme bon leur semble; le bris du consensus social existant sur la question au Québec depuis 30 ans.
La FMSQ estime que l'heure n'est plus à l'ambiguïté face aux tentatives répétées des députés d'arrière-ban de présenter des projets de loi ou des motions dont l'objectif, à peine voilé, est d'octroyer une personnalité juridique au fœtus pour, ultimement, criminaliser à nouveau l'avortement. La paix sociale doit avoir préséance sur la diversité d'opinions personnelles - et surtout religieuses - sur cette question.
« Stephen Harper doit user de son autorité de premier ministre pour stopper définitivement ces initiatives. Il doit imposer une ligne de parti en demandant à ses députés de voter contre cette motion ou de s'abstenir de voter. Il en va de même pour le chef intérimaire du Parti libéral du Canada, Bob Rae, qui doit cesser de se cacher derrière des prétextes. Lui aussi doit prendre ses responsabilités », a conclu le président de la FMSQ.
La Fédération des médecins spécialistes du Québec regroupe plus de 9 000 médecins spécialistes détenant une certification dans l'une des 53 spécialités médicales reconnues.
Quelques rappels utiles :
- Le 5 mars 2008, le projet de loi C-484 était adopté en 2e lecture par la Chambre des communes par 147 voix contre 132. Des 122 députés conservateurs présents en Chambre, 118 ont voté en faveur de ce projet de Loi. À noter que 27 députés libéraux ont aussi voté en faveur (La Chambre des communes était alors composée comme suit : Parti conservateur (127), Parti libéral du Canada (104), Bloc Québécois (52), Nouveau Parti démocratique (30), Parti vert (1), députés indépendants (3). Total : 317);
- En avril 2008, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) intervenait publiquement pour dénoncer le projet de loi C-484 et contrer son adoption. Parmi l'arsenal médiatique déployé, une pétition électronique était lancée, recueillant la signature de plus de 40 000 personnes;
- Le 17 avril 2008, à l'invitation de la FMSQ, une motion unanime était adoptée par les membres de l'Assemblée nationale du Québec, rappelant « le consensus social qui existe au sein de la société québécoise à l'égard du droit des femmes de choisir de mener à terme ou non une grossesse » et indiquant au Parlement du Canada que « le projet de loi C-484 ne devrait pas être adopté puisqu'il pourrait engendrer une incertitude importante quant à la [récrimination] de l'avortement et au statut juridique du fœtus »;
- Le 25 août 2008, le ministre de la Justice du Canada annonçait le retrait du projet de loi C-484, quelques jours avant le déclenchement d'élections générales au Canada;
- Avant que le jugement de la Cour suprême vienne y mettre un terme, les poursuites juridiques intentées contre les médecins se sont étendues sur une vingtaine d'années, soit de 1968 à 1988;
- Le 28 janvier 1988, après 15 mois de délibérations, la Cour suprême du Canada déclarait inconstitutionnel l'article 251 du Code criminel qui était à la source des poursuites. La cause avait été portée devant l'instance en octobre 1986;
- Extrait du jugement de la Cour suprême du 28 janvier 1988, consigné par le juge en chef Brian Dickson au nom des 5 juges majoritaires : « Forcer une femme sous la menace de la sanction criminelle, à mener un fœtus à terme à moins qu'elle satisfasse à des critères sans rapport avec ses propres priorités et aspirations, est une ingérence grave à l'égard de son corps et donc une violation de la sécurité de la personne. […] Non seulement en privant les femmes du pouvoir de décision, on les menace physiquement, en outre, l'incertitude qui plane quant à savoir si l'avortement sera accordé inflige une tension émotionnelle. L'article 251 porte clairement atteinte à l'intégrité corporelle, tant physique qu'émotionnelle d'une femme »;
- Au Québec, la question a été « classée » il y a plus de 35 ans, le gouvernement ayant décidé de ne plus donner suite aux poursuites à compter de 1976.
Source :
Nicole Pelletier, ARP
Directrice des Affaires publiques et des Communications
Fédération des médecins spécialistes du Québec
Ligne média : 514 350-5160
Partager cet article