"Nous avons un besoin criant d'effectifs" - Charles Fortier, président de
l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec
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Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES)08 juin, 2010, 09:19 ET
MONTRÉAL, le 8 juin /CNW Telbec/ - L'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.) a rendu publics aujourd'hui les résultats de son enquête annuelle réalisée auprès des départements de pharmacie des hôpitaux du Québec qui décrivent la situation des effectifs prévalant au 1er avril 2010. Alors que la pression pour plus de soins pharmaceutiques dans les hôpitaux ne cesse de s'accroître, la pénurie de pharmaciens hospitaliers au Québec continue de se situer à un sommet historique de 20 %. Cette pénurie est de loin la plus sévère du réseau de la santé; toutes proportions gardées, elle est de quatre à cinq fois plus grave que celle observée dans la profession d'infirmière.
"Nous avons un besoin criant d'effectifs, a commenté le président de l'A.P.E.S., le pharmacien hospitalier Charles Fortier. Les experts des médicaments dans les hôpitaux sont de plus en plus en demande. Les effets de la pénurie de pharmaciens sur la qualité des soins sont amplifiés par la place grandissante des médicaments. De plus, ces derniers sont souvent associés à des problématiques particulières".
La pénurie ne connaît pas de frontières. Elle se vit en région comme dans les grands centres urbains. Les régions les plus durement touchées sont celles de la Côte-Nord (37 %), des Laurentides (29 %), de l'Abitibi-Témiscamingue (27 %), de la Mauricie et du Centre-du-Québec (25 %), du Bas-St-Laurent (25 %), de Montréal (22 %), de l'Estrie (22 %) et de la Montérégie (21 %).
"Il s'agit d'un manque généralisé d'effectifs. Les conditions de travail des pharmaciens hospitaliers doivent être concurrentielles afin de favoriser la venue d'un plus grand nombre de pharmaciens dans la profession. Il faut même immédiatement prévoir davantage de places à la maîtrise en pharmacie d'hôpital", a précisé M. Fortier.
Les pharmaciens hospitaliers sont sous payés par rapport aux pharmaciens salariés des pharmacies privées, et ce, malgré une formation universitaire plus longue. Il existe un écart de rémunération d'environ 30 % en début de carrière et de l'ordre de 20 % au sommet de l'échelle salariale (après 6 ans de pratique), sans compter la complexité des traitements pharmacologiques administrés en milieu hospitalier qui nécessite une formation complémentaire de deux ans.
La pression monte
Comme si la situation de pénurie ne suffisait pas, le besoin de pharmaciens dans les hôpitaux est sans cesse en augmentation. Au cours des dernières années, au moins trois rapports au Québec sont venus confirmer le besoin criant de nouveaux effectifs.
Le dernier en lice est le rapport du groupe de travail issu de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM) et du CSSS - Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke (IUGS) sur la nécessité d'adapter les soins prodigués aux personnes âgées en milieu hospitalier. Intitulé Approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier, le rapport souligne la sensibilité accrue des personnes âgées aux médicaments et les risques d'interactions augmentés du fait de la polymédication fréquente chez ces usagers.
Dans la foulée de ce rapport, l'Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) a recommandé que "la médication des personnes âgées fasse l'objet d'une plus grande surveillance". Il proposait notamment de "prévoir la présence d'un pharmacien à l'urgence (des hôpitaux) pour faire le bilan de la médication", et d'"intégrer le pharmacien aux équipes de soins de première ligne". La plus récente enquête de l'A.P.E.S. sur la présence du pharmacien à l'urgence, réalisée en 2007, a démontré que seulement 32,3 % des hôpitaux du Québec comptent un pharmacien à l'urgence.
Déjà en 2006, le Guide de gestion de l'urgence, publié par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), avait recommandé de "s'assurer de la présence d'un pharmacien à l'urgence selon les besoins". Le Guide expliquait notamment que "la disponibilité d'un pharmacien à l'urgence apparaît d'une importance croissante dans les unités d'urgence primaires, secondaires et tertiaires. Ce besoin est lié au fait que les patients sont désormais plus âgés, plus malades et plus dépendants de la médication. La présence d'un pharmacien sur place est un avantage certain pour la gestion et la qualité des soins dans les urgences où le volume d'activité le justifie.(1)"
Enfin, en 2007, dans son rapport d'enquête sur des décès survenus à l'Hôpital Honoré-Mercier, la coroner Catherine Rudel-Tessier reconnaissait que la pénurie de pharmaciens hospitaliers est un facteur de risque pour la prolifération des infections nosocomiales en ce sens qu'elle ne favorise pas une utilisation optimale des antibiotiques. Elle recommandait notamment "de trouver un moyen d'attirer et de garder dans ses établissements de soins plus de pharmaciens" et soulignait que "la reconnaissance d'un statut particulier et une rémunération concurrentielle avec le secteur privé sont importantes".
Peu de relève
La profession peine toujours à attirer suffisamment d'étudiants à la maîtrise en pharmacie hospitalière. Sur 70 places existantes, seulement 67 sont comblées pour l'année 2010-2011. Les données de planification de la main-d'œuvre du MSSS prévoient que plus de 100 nouveaux pharmaciens devraient être recrutés chaque année pour répondre aux besoins en matière de soins pharmaceutiques (besoins dus au vieillissement de la population, à la complexification des problèmes de santé et des traitements médicamenteux et aux départs de pharmaciens). Or, même le recrutement de 100 finissants par année ne permettrait pas de diminuer le taux de pénurie actuel, mais simplement de répondre à la croissance de la demande et de remplacer les pharmaciens qui quittent le réseau par épuisement, intérêt économique ou pour aller à la retraite. La moyenne d'âge des pharmaciens hospitaliers au Québec est actuellement de 43 ans.
"Alors qu'on devrait être en train d'augmenter le nombre de places dans les programmes de maîtrise pour répondre aux besoins, la relève ne vient pas et le recrutement stagne", s'est désolé M. Fortier.
Faits saillants de l'enquête annuelle de l'A.P.E.S. sur l'état des effectifs en pharmacie et sur l'étendue des impacts de la pénurie au 1er avril 2010
- Sur 126 départements de pharmacie, 107 ont participé à cette enquête, soit un taux de réponse de 85 %. La période d'enquête couvre le dernier exercice budgétaire des établissements de santé, soit du 1er avril 2009 au 31 mars 2010. - Il manque environ 235 pharmaciens à temps complet dans les hôpitaux répondants. La pénurie se vit en région comme dans les grands centres urbains. - La situation atteint un seuil critique dans un nombre significatif d'établissements où les postes vacants représentent plus du tiers des effectifs requis. Près de 16 % des départements de pharmacie répondants (17 sur 107) opèrent avec un manque d'effectifs de plus de 35 %. - Par ailleurs, 36 % des départements de pharmacie répondants (39 sur 107) opèrent avec un manque d'effectifs de 25 % ou plus. - De l'ordre de 20 %, la pénurie de pharmaciens hospitaliers est, toutes proportions gardées, de quatre à cinq fois plus sévère que celle des infirmières, considérée fort préoccupante. Impacts ------- - Hausse du dépannage : 55 % des départements de pharmacie répondants ont eu recours à des pharmaciens dépanneurs pour assurer des soins et services pharmaceutiques entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2010, pour un total de 9887 jours de dépannage durant cette période, en hausse de 24 % par rapport à l'année précédente (7986 jours de dépannage). - Diminution des soins aux patients hospitalisés : plus d'un département de pharmacie répondant sur deux (58 %) a coupé des soins pharmaceutiques à l'intention des patients hospitalisés aux différentes unités des établissements de santé. Ces soins comprennent, par exemple, l'élaboration du profil de consommation de médicaments d'un patient à son arrivée, la collaboration au choix des médicaments, l'évaluation complète de la pharmacologie ainsi que l'initiation et l'ajustement des thérapies médicamenteuses. Les secteurs les plus touchés par ces coupes sont ceux de la gériatrie et des soins de longue durée, ainsi que de la médecine interne et spécialisée, bien que l'on observe également des coupes dans d'autres secteurs de soins, comme ceux des soins intensifs et de la psychiatrie. - Diminution des soins aux patients vus en clinique ambulatoire : plus d'un département sur trois (36 %) a dû couper des soins pharmaceutiques prodigués aux clientèles ambulatoires. Par exemple, des départements de pharmacie ont mentionné une diminution des soins pharmaceutiques en clinique de traitement du diabète, d'insuffisance rénale, et même d'oncologie. - Diminution des services liés à la distribution des médicaments et réalisés à la pharmacie centrale de l'établissement : le manque de pharmaciens a entraîné une diminution des services dans un département de pharmacie sur quatre (25 %). Par exemple, la validation des ordonnances peut-être retardée (validation des doses, détection des contre-indications et des interactions médicamenteuses) ainsi que la distribution des médicaments sur les unités de soins.
À propos de l'A.P.E.S.
L'A.P.E.S. est un syndicat professionnel incorporé en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels (L.R.Q., chapitre S-40). Elle représente environ 1360 pharmaciens œuvrant dans quelque 125 établissements publics de santé du Québec, principalement des centres de santé et de services sociaux - CSSS (qui regroupent différents centres, tels que centres hospitaliers de soins généraux, de soins aigus, de soins de longue durée, centres hospitaliers universitaires ou affiliés, instituts, centres de réadaptation et CLSC).
(1) Ministère de la Santé et des Services sociaux et Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux, Guide de gestion de l'urgence, 2006, pp. 145 et 151.
Renseignements: France Bouffard, Sphère Communication, (514) 286-2772 poste 10, cell. (514) 718-4811; Source: Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.)
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