MONTRÉAL, le 14 avril 2025 /CNW/ - Une équipe de l'INRS découvre une nouvelle famille d'enzymes capable d'induire des coupures ciblées dans l'ADN simple brin.
Il y a quelques années, l'arrivée d'une technologie appelée CRISPR constituait une percée majeure dans le monde scientifique. Dérivée du système immunitaire de bactéries, CRISPR permet de couper de doubles brins de nucléotides dans l'acide désoxyribonucléique (ADN). Cela donne la possibilité de modifier spécifiquement un gène ciblé dans des cellules de plantes, d'animaux et d'humains. Ultimement, CRISPR devenait une voie privilégiée dans la recherche de traitement pour des maladies acquises ou héréditaires.
Récemment, le professeur Frédéric Veyrier et son équipe de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS) ont développé un nouvel outil génétique basé sur une famille d'enzymes spécifiques nommée Ssn, qui permet d'induire des coupures ciblées exclusivement dans l'ADN simple brin.
Les résultats de leurs travaux ont été publiés récemment dans la revue Nature Communications. Cette avancée majeure lève le voile sur un mécanisme génétique crucial qui pourrait révolutionner de nombreuses applications en biotechnologie.
Une forme d'ADN au rôle essentiel
L'ADN composé d'un seul brin de nucléotides est moins courant que celui à double brin. Il est souvent présent dans certains virus et joue un rôle déterminent dans certains processus biologiques, notamment la réplication ou la réparation cellulaire. L'ADN simple brin est utilisé aussi dans de nombreuses technologies (séquençage, édition génétique, diagnostic moléculaire, nanotechnologies).
Jusqu'à maintenant, aucune endonucléase (enzymes qui coupent l'ADN) n'avait été décrite comme ciblant exclusivement une séquence de l'ADN simple brin. Cette absence constituait un frein au développement de technologies basées sur ce type d'ADN.
Or, pour la première fois en laboratoire, l'équipe du professeur Veyrier a identifié une famille d'enzymes capables de couper une séquence précise dans l'ADN simple brin: la famille des endonucléases Ssn.
Pour y arriver, l'équipe de recherche basée au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l'INRS a d'abord caractérisé une nouvelle famille d'endonucléases appartenant à la superfamille GIY-YIG baptisées Ssn. Plus précisément, les scientifiques se sont attardés à une de ces enzymes dans la bactérie Neisseria meningitidis. Cette dernière est aussi connue sous le nom de méningocoque. L'enzyme ciblée dans le cadre de l'étude est déterminante dans l'échange et la modification du matériel génétique, ce qui influence l'évolution.
« En l'étudiant, nous avons découvert qu'elle reconnaît une séquence spécifique, présente en de nombreux exemplaires dans son génome, et joue un rôle clé dans la transformation naturelle de la bactérie. Cette interaction influence directement la dynamique du génome bactérien », explique le professeur Veyrier, spécialiste en bactériologie génomique et évolution.
Au-delà de cette découverte fondamentale, les scientifiques de l'INRS ont identifié des milliers d'autres enzymes similaires. « Nous avons démontré leur capacité à reconnaître et à couper spécifiquement leur propre séquence d'ADN simple brin. Des milliers d'enzymes ont donc cette propriété avec leur propre spécificité », ajoute Alex Rivera-Millot, postdoctorant dans l'équipe du professeur Veyrier et co-premier auteur de l'étude.
Un atout indéniable pour la recherche en santé
Ces résultats, qui représentent ni plus ni moins un nouvel outil pour la reconnaissance et l'échange d'ADN, sont importants. Ils ouvrent la voie à de nombreuses applications inédites en biologie et en médecine. D'une part, la compréhension de ce mécanisme pourrait aider à mieux lutter contre les bactéries en question et leurs infections.
D'autre part, la découverte des enzymes spécifiques à l'ADN simple brin permet de développer des outils de manipulation génétique plus précis et plus efficaces. Cela pourrait notamment améliorer les méthodes d'édition génétique, de détection d'ADN et de diagnostic moléculaire. Ces enzymes pourraient aussi être utilisées pour détecter et manipuler de l'ADN dans diverses applications médicales et industrielles, comme la détection de pathogènes ou la manipulation génétique à des fins médicales et thérapeutiques.
Toutes ces voies d'avenir représentent des ouvertures très prometteuses pour répondre à de nombreux défis qui touchent à la santé des populations. D'ailleurs, un brevet concernant les résultats de ces travaux est en cours d'homologation.
À propos de l'étude
Chenal, M.*, Rivera-Millot, A.*, Harrison, L. B. et al., Discovery of the widespread site-specific single-stranded nuclease family Ssn. Nature Communications 16, 2388 (2025). https://doi.org/10.1038/s41467-025-57514-1.
Ces travaux ont été financés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et le Fonds de recherche du Québec - Santé (FRQS).
À propos de l'INRS
L'INRS est un établissement universitaire dédié exclusivement à la recherche et à la formation aux cycles supérieurs dans des créneaux stratégiques au Québec. Depuis 55 ans, il contribue activement au développement économique, social et culturel du Québec. L'INRS est premier au Canada en intensité de recherche. Il est composé de quatre centres de recherche et de formation interdisciplinaires, situés à Québec, à Montréal, à Laval et à Varennes, qui concentrent leurs activités dans des secteurs stratégiques : Eau Terre Environnement, Énergie Matériaux Télécommunications, Urbanisation Culture Société et Armand-Frappier Santé Biotechnologie. Sa communauté compte plus de 1 500 membres étudiants et étudiantes, stagiaires au postdoctorat, membres du corps professoral et membres du personnel.
SOURCE Institut National de la recherche scientifique (INRS)

Source : Chantal Lemieux, Service des communications et des affaires publiques, Institut national de la recherche scientifique, [email protected]
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