Un équilibre budgétaire déjà compromis avant la crise commerciale
« Même avec le ralentissement des dépenses annoncé lors de la mise à jour économique et financière de novembre dernier, Québec n'atteindrait pas l'équilibre selon l'échéance de 2029-2030 fixée par la Loi sur l'équilibre budgétaire, précise d'entrée de jeu Emna Braham, présidente-directrice générale de l'IDQ. Autrement dit, le Québec enregistrerait systématiquement des déficits. Alors, imaginez à quel point la situation est devenue préoccupante avec cette guerre tarifaire qui sévit actuellement avec les États-Unis. À court terme, ce conflit commercial ne fera qu'aggraver le déficit, avec une baisse prévisible des revenus fiscaux et une hausse nécessaire des dépenses de soutien, dont l'ampleur dépendra de la durée et de l'intensité des tensions. »
Plus inquiétant encore, la dette atteindrait 38,7 % du PIB d'ici 2032-2033, excédant ainsi le plafond fixé par la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations. Au cœur du problème : un important déficit de près de 11 milliards de dollars en 2024-2025 et le vieillissement de la population susceptible d'accroître considérablement les dépenses en santé au-delà du coup de barre actuel. À ce chapitre, notons qu'au cours des vingt prochaines années, la population des 25-54 ans, principaux contributeurs aux revenus de l'État, n'augmentera que de 128 000 personnes, alors que celle des 70 ans et plus, plus grande consommatrice de soins de santé, croîtra de 553 000 personnes. Malgré une hausse prévue des revenus légèrement supérieure à celle des dépenses après 2030 (soit 3,2 % contre 3,1 % par an), l'écart ne suffirait donc pas à redresser la situation.
Le gouvernement a déjà entrepris des mesures d'assainissement, incluant une révision des crédits d'impôt et un contrôle accru des dépenses publiques. Mais comment atteindre l'équilibre budgétaire tout en respectant les engagements gouvernementaux de maintenir les services essentiels sans alourdir le fardeau fiscal? Pour répondre à cette question, l'IDQ a élaboré, en collaboration avec le Conference Board du Canada, un scénario de retour à l'équilibre budgétaire qui respecte ces balises.
Ralentir les dépenses ne suffirait pas, il faudrait aussi accroître les revenus
Ce scénario de retour à l'équilibre prend à la fois en compte les mesures de contrôle des dépenses annoncées lors de la mise à jour budgétaire et la pression qu'exercera à long terme le vieillissement de la population sur les dépenses structurelles. Pour tous les autres domaines, les dépenses ont été limitées à une croissance annuelle de seulement 0,5 % jusqu'en 2029-2030. « Ces simulations ont démontré que de telles pressions, bien que substantielles et drastiques, s'avéreraient encore insuffisantes pour atteindre l'équilibre budgétaire dans les délais prévus. Et ce, sans parler du risque de compromettre la qualité des services publics », déclare Simon Savard, économiste principal et directeur adjoint de l'IDQ.
Pour relever le défi, une hausse des revenus serait donc également nécessaire, et l'augmentation des taxes à la consommation apparaît comme une option à envisager. D'une part, parce que contrairement aux transferts fédéraux, ce levier reste à la disposition du gouvernement du Québec. D'autre part, parce qu'une hausse fiscale semble peu envisageable après les récentes baisses d'impôt accordées aux particuliers et la nécessité de préserver la compétitivité fiscale des entreprises face aux pressions tarifaires américaines. Plus spécifiquement, ce scénario montre qu'il faudrait générer 1,6 milliard de dollars supplémentaires en revenus de taxes de vente en 2029-2030, en plus des réductions de dépenses déjà prévues. Pour mettre cette somme en perspective, cela équivaut à une hausse de 0,5 point de pourcentage de la TVQ.
Rétablir l'équilibre des finances publiques représentait déjà un exercice complexe avant la crise commerciale actuelle. La Loi prévoit désormais une clause d'exception en cas de détérioration importante des conditions économiques. Face aux menaces tarifaires américaines et au risque de récession, cette flexibilité pourrait ainsi devenir un élément clé des discussions entourant le budget.
« Au-delà des turbulences actuelles, le plus grand défi du Québec demeure démographique : une population vieillissante nécessitera plus de services alors même que la croissance des revenus de l'État décline. L'équilibre budgétaire n'est donc pas qu'une exigence légale, mais une nécessité pour l'avenir, soutient Emna Braham. Y parvenir exigera non seulement une prise de conscience collective des enjeux mais aussi une main tendue vers ceux qui, sur le terrain - syndicats, travailleurs, fonction publique et entreprises - devront contribuer à trouver des solutions concrètes pour améliorer la productivité et l'efficience des services publics. »
Pour en savoir plus
Téléchargez À quoi pourrait ressembler un plan de retour à l'équilibre budgétaire - Simulations de long terme des dépenses et des revenus du gouvernement du Québec
À propos de l'Institut du Québec
L'Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui axe ses recherches et ses études sur les enjeux socioéconomiques auxquels le Québec fait face. Il vise à fournir aux autorités publiques et au secteur privé les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique, compétitive et prospère.
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SOURCE Institut du Québec

Source : Liette D'Amours, Responsable des relations avec les médias, 514 649-2347, [email protected]
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