Pendant que l'Ordre des pharmaciens du Québec et la Colombie-Britannique restreignent l'accès aux sachets de nicotine, le fédéral tarde encore à restreindre leur vente et promotion à l'échelle nationale
MONTRÉAL, le 8 févr. 2024 La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac applaudit l'Ordre des pharmaciens du Québec ainsi que le gouvernement de la Colombie-Britannique pour avoir agi de manière prompte et appropriée afin de protéger les jeunes contre l'autorisation malavisée et la mise en marché irresponsable des sachets de nicotine d'Imperial Tobacco. Ces produits peuvent engendrer une forte dépendance à la nicotine, ce qui peut engendrer de sérieux risques, notamment chez les jeunes dont le cerveau est encore en voie de développement.
Cela dit, « il importe pour le ministre fédéral de la santé d'intervenir de façon urgente pour protéger l'ensemble des jeunes du pays contre l'accès facile aux sachets nicotiniques et pour encadrer la promotion qui demeure pratiquement sans restriction et qui continue de favoriser l'usage de ces produits en tant que style de vie attrayant, social et à la mode, » affirme Flory Doucas, codirectrice et porte-parole de la Coalition.
Rappelons qu'en novembre dernier, face à des publicités troublantes en ligne et aux points de vente, plusieurs groupes de santé et de lutte contre le tabac ont sonné l'alarme concernant l'autorisation par Santé Canada (juillet 2023) des sachets nicotiniques aromatisés commercialisés par Imperial Tobacco à titre de produit de santé naturel pour le sevrage tabagique. Par conséquent, ces sachets peuvent être vendus aux enfants de tous âges et les règles entourant leur promotion sont si peu adaptées aux pratiques historiques de l'industrie du tabac qu'Imperial Tobacco peut diffuser des publicités à la télévision, sur des babillards publicitaires, dans les médias sociaux, telle que documentée. Jusqu'à tout récemment, seules les règles du Québec limitaient la vente des sachets nicotiniques aux pharmacies.
Constatant l'achat de ces produits par des mineurs, l'Ordre des pharmaciens du Québec a invité, le 24 janvier dernier, les pharmaciens du Québec à conserver les sachets nicotiniques derrière le comptoir du laboratoire, forçant ainsi une consultation avec le ou la pharmacien(ne) avant l'achat de ceux-ci. En effet l'Ordre expliquait à ses membres que sur la base de leur popularité apparente auprès des jeunes et des dangers associés à leur vente en libre-service, « les risques de mésusage sont grands, nous vous invitons à la plus grande vigilance. »
Hier, le premier ministre David Eby de la Colombie-Britannique et le ministre de la Santé Adrian Dix ont annoncé que la vente des sachets de nicotine sera restreinte aux pharmacies dans cette province, et que ces produits devront être placés derrière le comptoir. Comme au Québec, cette mesure aura pour effet d'imposer l'intervention d'un intervenant de santé et de réduire l'accès facile et direct par des mineurs et d'autres clientèles qui souhaitent en faire un usage plutôt récréatif.
Imperial Tobacco peut bien alléguer que ces sachets sont destinés aux fumeurs souhaitant cesser de fumer… mais ce même cigarettier a délibérément choisi de mettre en marché ces produits avec des saveurs alléchantes comme « brise tropicale », de les présenter dans des emballages multicolores et branchés et de les distribuer par la voie des dépanneurs à travers le pays (hormis au Québec et maintenant en Colombie-Britannique, qui limitent leur vente en pharmacie).
D'ailleurs, une nouvelle étude publiée il y a trois jours dans le BMJ Global Health conclut que la mise en marché de nouveaux produits nicotiniques comme les cigarettes électroniques et les sachets de nicotine est considérée par les multinationales du tabac (dont British American Tobacco, la maison-mère d'Imperial Tobacco) comme « la clé de la survie » d'une industrie qui opère dans un climat politique et social défavorable. En effet, par l'entremise de ces produits, il semblerait que l'industrie cherche à se repositionner en tant que fournisseur de nicotine « propre » tout en préservant et en augmentant leurs ventes de cigarettes combustibles là où c'est encore possible.
En d'autres mots, selon les chercheurs, la mise en marché des sachets de nicotine d'Imperial Tobacco fait partie de « la transition en vue de poursuivre l'épidémie de tabagisme dans les marchés matures en déclin, soit en utilisant des produits de nicotine de type pharmaceutique pour maintenir la dépendance à la nicotine, en sanctionnant des partenariats avec des scientifiques et législateurs, et en détournant l'attention des ventes actuelles de cigarettes dans les marchés en développement ». [Traduction libre]
Qu'attend le fédéral?
« Bien qu'il soit encourageant de voir le ministre fédéral de la santé, Mark Holland, saluer la Colombie-Britannique pour sa décision de restreindre la vente des sachets de nicotine et réitérer ses préoccupations face à leur marketing, il n'a pas encore utilisé les leviers qui sont à sa portée pour contrer le problème plus large à l'échelle canadienne. » En effet, le ministre pourrait faire usage de ses pouvoirs en vertu du Règlement sur les produits de santé naturels pour suspendre (article 18), du moins provisoirement, la licence de mise en marché de ces produits pour forcer la compagnie à limiter ses ventes aux pharmacies et donner aux autorités le temps d'ajuster les diverses lois et règlements. « N'ont-ils rien appris face à l'épidémie du vapotage chez les jeunes qu'a entrainé l'encadrement fédéral manifestement inadéquat des cigarettes électroniques? » demande madame Doucas.
SOURCE Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
Flory Doucas, 514-515-6780
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