Pénuries de main-d'œuvre et élections fédérales - déconnexion entre le discours politique et la réalité économique
MONTRÉAL, le 15 sept. 2021 /CNW Telbec/ - La présente campagne électorale, qui se déroule au moment où le Canada doit penser l'après-pandémie, représentait l'occasion idéale pour les formations politiques de proposer de nouvelles façons de penser le développement économique et de revisiter nos politiques de main-d'œuvre. Or, force est de constater, en analysant les différentes plateformes électorales, qu'elles ont malheureusement toutes échoué à ce chapitre, déplore Mia Homsy, présidente-directrice générale de l'Institut du Québec. L'exemple le plus patent : les trois principaux partis ont amorcé la campagne en promettant chacun à leur façon de créer un million d'emplois alors que le nombre de postes à combler augmente dans plusieurs régions et pour plusieurs professions. De telles promesses avaient sans doute leur raison d'être à l'époque où le taux de chômage fracassait des records au Canada mais elles sont aujourd'hui déconnectées de la réalité. Face aux défis de 2021, les politiciens auraient plutôt intérêt à proposer une nouvelle vision du développement économique qui place l'employabilité, la formation tout au long de la vie et le développement des compétences de la main-d'œuvre au cœur de leurs engagements. »
Les effets du vieillissement de la population se font sentir et provoquent un resserrement du marché travail au Canada, mais surtout au Québec. Ce phénomène se traduit surtout par une hausse du nombre de personnes âgées par travailleur, une baisse du bassin de travailleurs potentiels dans plusieurs régions et professions, et une pression additionnelle sur les réseaux de santé et les finances publiques. À cela, s'ajoute une accélération du virage numérique qui engendre une véritable course à l'acquisition de nouveaux talents et de compétences numériques.
Pour faire le point sur la place réservée aux enjeux de main-d'œuvre dans la présente campagne, l'Institut du Québec a passé en revue les engagements des principaux partis politiques sur cette question. Globalement, cette analyse révèle que ces propositions demeurent encore bien ancrées dans une vision traditionnelle du développement économique basée sur la création d'emploi comme finalité absolue. Bien que certaines promesses tentent de répondre aux nouveaux défis de la main-d'oeuvre, elles demeurent dans l'ensemble bien trop timides face à l'urgence d'agir et à l'ampleur des enjeux.
Exemples de mesures que l'Institut du Québec aurait aimé voir débattues au cours de cette campagne :
- Disponibilité et transformation de la main-d'œuvre : la politique industrielle devrait être adaptée en fonction des contraintes liés aux enjeux de rareté de main-d'œuvre en priorisant et en visant la transformation plutôt que la création d'emplois. Tout nouvel investissement public majeur devrait faire l'objet d'une analyse de l'impact sur la main-d'œuvre et d'une stratégie pour s'assurer de sa disponibilité;
- Aide aux entreprises : l'aide aux entreprises devrait être liée à la nécessité d'adapter la main-d'œuvre et aux impacts sociaux et climatiques. Le critère de création d'emplois devrait être remplacé par des critères plus modernes et novateurs : productivité, innovation, meilleure planification de la gestion des effectifs et des compétences des travailleurs, formation continue des travailleurs, amélioration des conditions de travail, présentation d'un plan de carboneutralité, indicateurs de bonne gouvernance, etc.;
- Adaptation et formation de la main-d'œuvre : Des mesures de soutien des travailleurs devraient être proposées pour la requalification et le développement de compétences, principalement des compétences numériques, de littératie et de numératie. Plusieurs outils existants, comme le crédit canadien pour la formation, pourraient être bonifiés, notamment en y greffant un régime d'épargne avec contribution du gouvernement, ou encore en bonifiant le soutien au revenu lors de la formation au-delà du 55 % de revenu prévu à l'assurance-emploi;
- Assurance-emploi : Pour que l'assurance-emploi permette de relever ces défis de taille, il faudrait d'abord garantir la viabilité financière de la caisse de l'assurance-emploi. De gros enjeux sont à prévoir alors que le déficit de la caisse devrait atteindre 19 G$ en 2022-2023. Les partis devraient se prononcer sur les moyens d'assurer un financement adéquat des mesures actives d'emploi. Or, ces mesures ne représentent encore qu'un dixième des dépenses de la caisse d'assurance-emploi;
« Bien que les plateformes du Parti libéral du Canada et du Bloc Québecois soient celles qui montrent la meilleure compréhension des enjeux de main-d'œuvre, elles ne présentent aucune réelle modernisation de la vision économique et ne proposent rien de nouveau sur ces enjeux. Rien n'indique que la formation tout au long de la vie, le développement des compétences des travailleurs et la gestion des pénuries de main-d'œuvre seront dorénavant intimement liés au développement économique. Et pourtant, c'est la seule façon de traverser une décennie de stagnation du bassin de travailleurs potentiels avec le moins de conséquences sur l'économie et les services publics », conclut Mia Homsy.
Pour en savoir plus
Téléchargez la note Pénuries de main-d'œuvre, vieillissement, et transition numérique: La vision économique des principaux partis politiques n'est pas adaptée aux défis de notre époque.
À propos de l'Institut du Québec
L'Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui publie des recherches et des études sur les enjeux socioéconomiques contemporains du Québec. Il vise à fournir aux autorités publiques, au secteur privé et à la société civile les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique et prospère.
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SOURCE Institut du Quebec
Source : Liette D'Amours, Responsable des relations avec les médias, 514 649-2347, [email protected]
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