Performance du système de santé et de services sociaux : Entendre la voix citoyenne pour améliorer l'offre de soins et services
QUÉBEC, le 6 oct. 2016 /CNW Telbec/ - Le Commissaire à la santé et au bien-être rend public aujourd'hui le Rapport d'appréciation thématique de la performance du système de santé et de services sociaux 2016 - Un état des lieux : Entendre la voix citoyenne pour améliorer l'offre de soins et services. De tous les sujets relatifs à la performance des systèmes de santé et de services sociaux, peu soulèvent autant de controverse et d'inquiétude que la nature et l'étendue de la couverture publique des soins et services (panier de services). « Le diagnostic citoyen qui se dégage de nos consultations est clair et sans équivoque. L'offre publique de services de santé et de services sociaux peine à s'adapter. Elle comporte des lacunes importantes vis-à-vis des besoins actuels des personnes et de la société. Les propos citoyens présentent des pistes de solution réalistes, qui témoignent d'une grande intelligence collective », déclare Anne Robitaille, commissaire par intérim et directrice générale.
Pour savoir ce qui importe aux citoyennes et citoyens, le Commissaire a mené une vaste consultation en ciblant leurs préoccupations et leurs valeurs. Ces dernières mettent en lumière ce à quoi notre société aspire. Ce rapport témoigne donc des finalités valorisées par les citoyens, de leurs valeurs éthiques et de certains principes et critères d'allocation des ressources qu'ils estiment cohérents avec ces finalités et valeurs. Pour les citoyens, trois grandes visées font consensus quant aux finalités du système québécois : 1) la santé et le bien‑être comme une ressource collective et un droit fondamental à préserver sans concession; 2) la nécessité de véritablement mettre la personne, ses besoins et ceux de ses proches au centre des soins et services; 3) le caractère public du système. « Il nous est apparu essentiel de témoigner de toute la richesse des propos recueillis et de les rapporter fidèlement afin qu'ils puissent être pris en considération lors des décisions à venir », souligne Véronique Déry, commissaire adjointe aux analyses et politiques de santé et de bien-être, qui a piloté cette vaste consultation.
À l'origine de ces travaux, le Commissaire avait prévu de produire plusieurs rapports sur le sujet, étant donné sa complexité et les réactions qu'il suscite. L'annonce de la cessation des activités du Commissaire, dans le budget provincial de mars 2016, l'a contraint à proposer un format de rapport différent, soit un état des lieux comprenant les propositions des citoyens pour améliorer le système. Les grands consensus qui émergent de la consultation citoyenne et leur convergence avec les conclusions des divers comités, commissions, groupes de travail ministériels ou universitaires sur la question de la couverture publique démontrent que peu de chemin a été parcouru depuis près de 30 ans au Québec sur plusieurs des aspects soulevés par les citoyens.
Grands constats
Pour les Québécoises et Québécois, la couverture publique actuelle des soins et services est incomplète, inadaptée, incohérente, inefficiente et inéquitable. Ils reconnaissent néanmoins la qualité des services de santé et des services sociaux reçus lorsqu'ils y accèdent. Ils apprécient également le professionnalisme, la générosité et le dévouement des centaines de milliers de femmes et d'hommes qui œuvrent au sein du système de santé et de services sociaux. Consultés par le Commissaire, les citoyens ont exprimé leurs craintes, leurs inquiétudes et leurs observations vis-à-vis du contenu de l'offre publique de services. De leurs propos ont émergé de grands thèmes de préoccupations, qui mettent en lumière le fait que le panier de services comporte six principales limites :
- Le panier de services, déjà incomplet, s'effrite. L'offre demeure centrée autour de l'hôpital, des services médicaux et des médicaments, tout aussi essentiels soient-ils, au détriment notamment de la prévention et des services sociaux;
- L'offre publique peine à s'adapter, à la fois aux besoins des personnes plus vulnérables ou encore aux besoins changeants de la population, comme la prévalence croissante des maladies ou des troubles chroniques;
- Le panier de services montre des signes d'incohérence en l'absence de processus systématisés et transparents, de même que de critères clairs et explicites, pour la prise de décision. Par exemple, des technologies et des médicaments coûteux sont intégrés au panier de services, alors que des solutions non médicales, souvent peu coûteuses et préventives, n'y sont pas;
- Les services sont souvent difficiles d'accès, dans certains cas inaccessibles. Les citoyens dénoncent une offre de services variable selon le lieu ou le territoire, alors qu'à revenu égal, les mêmes impôts sont payés par tous;
- L'offre de services manque d'efficience et les citoyens déplorent une gestion non optimale des ressources. La surprestation et le chevauchement de services, de même que les coûts reliés aux médicaments et à la technologie, paraissent hors de contrôle;
- La couverture publique induit des iniquités, notamment en raison des inégalités dans l'accès aux services pour certaines populations particulièrement vulnérables.
Voies de solution fondées sur les valeurs sociales
La vision citoyenne de la santé et du bien-être est large et cohérente. Elle englobe le curatif, mais tout autant la prévention, la promotion de la santé et du bien-être ainsi que les services sociaux. Elle aspire à un meilleur équilibre entre les services de santé et les services sociaux. Elle est d'abord configurée autour de la personne, de ses besoins et de ses proches. Elle est publique et universelle, accessible à toutes et tous, solidairement.
Selon les citoyens consultés, une place plus importante doit être faite à la prévention et à la promotion de la santé et du bien-être : plusieurs dénoncent le désinvestissement dans les dernières années à cet égard. Le Québec investit la moitié moins en la matière que l'ensemble du Canada ou l'Ontario. En outre, pour les citoyens, il est aussi primordial de réduire l'écart entre santé et services sociaux. Plus de 70 % des mémoires reçus défendent effectivement un panier de services mieux pourvu en services sociaux. À l'unanimité, les citoyens proposent un grand virage qui centrerait les services sur les besoins des personnes plutôt que sur l'offre. On souhaite ainsi une offre de services personnalisée et interdisciplinaire, accessible en première ligne, assortie davantage de services de proximité facilitant par le fait même l'accès pour tous, mais particulièrement pour les personnes vulnérables et démunies. De plus, les citoyens privilégient une approche axée sur la santé et le bien-être de la population, c'est-à-dire qu'il faut aller bien au-delà des soins curatifs et créer entre autres des conditions favorables à la santé et au bien-être. Finalement, la gouvernance du système est interpellée à travers les mesures proposées, notamment en vue d'une plus grande transparence et d'une meilleure efficience.
Démarche de consultation
Afin de prendre en compte ce qui importe aux citoyennes et citoyens dans l'offre de soins et services, le Commissaire a procédé à une vaste consultation publique en six temps : 1) un sondage populationnel représentatif, administré par voie téléphonique et électronique; 2) des groupes de discussion en régions; 3) un appel de mémoires; 4) un appel de témoignages; 5) des rencontres de consultation et d'échanges; 6) une série de cinq séances de délibération de son Forum de consultation. Ainsi, en considérant l'ensemble des personnes consultées d'une façon ou d'une autre dans le cadre de ce dossier, près de 6 000 citoyens se sont prononcés sur cette question. Si l'on inclut le nombre de personnes représentées par les organismes ayant déposé un mémoire, on peut estimer que c'est plus d'un million de citoyens qui ont exprimé leur voix et énoncé ce qu'ils attendent de l'État québécois. Ce fait est sans précédent.
Quelques données
En 2015, les dépenses totales en santé au Québec ont atteint 46,9 milliards de dollars, dont 70 % des dépenses étaient publiques, soit une part comparable à celle de la moyenne canadienne (71 %). Cependant, les dépenses des particuliers semblent plus importantes qu'ailleurs selon l'enquête du Commonwealth Fund de 2015. En effet, plus du quart (26 %) des répondants québécois âgés de 55 ans et plus disaient avoir dépensé 1 000 $ et plus pour des traitements médicaux non assurés (16 % en Ontario et 5 % au Royaume-Uni). Au Québec, comme au Canada et en Ontario, l'argent en 2015 va d'abord aux hôpitaux et aux autres établissements (40 %), aux médicaments (19,3 %) et aux médecins (15,4 %). En santé publique, le Québec stagne : il n'accorde à ce secteur que 2,8 % de son budget de la santé, par rapport à 5,5 % pour l'ensemble du Canada et à 5,8 % pour l'Ontario.
En 2010, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait que de 20 % à 40 % de toutes les dépenses de santé étaient gaspillées en raison de l'inefficience des systèmes de santé. L'Association médicale du Québec a conclu en 2013 qu'en éliminant le surdiagnostic et le surtraitement à tous les niveaux, l'État pourrait économiser jusqu'à 5 milliards de dollars par année.
Mission du Commissaire à la santé et au bien-être
Rappelons que la mission du Commissaire à la santé et au bien-être est d'apporter un éclairage pertinent au débat public et à la prise de décision gouvernementale, dans le but de contribuer à l'amélioration de l'état de santé et de bien-être des Québécoises et Québécois. Pour ce faire, le Commissaire apprécie les résultats atteints par le système de santé et de services sociaux en s'intéressant aux différents facteurs qui influencent la santé et le bien-être, tout en intégrant les questions éthiques à son analyse. Il recommande au ministre des changements qui visent, entre autres, à accroître la performance du système.
SOURCE Commissaire à la santé et au bien-être
Linda Lévesque, 1 877 393-3178, 514 242-8909 (cellulaire); Commissaire à la santé et au bien-être, Elaine Bernier, 418 643-6086
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