Performance du système de santé et de services sociaux québécois - Apprendre des meilleurs : étude comparative des urgences du Québec
QUÉBEC, le 2 juin 2016 /CNW Telbec/ - Le commissaire à la santé et au bien-être, M. Robert Salois, présente aujourd'hui son rapport d'appréciation thématique de la performance du système de santé et de services sociaux : Apprendre des meilleurs : étude comparative des urgences du Québec. Neuf recommandations qui s'inspirent des meilleures pratiques mises en œuvre ici même au Québec émanent de ce rapport. « L'attente à l'urgence n'est pas une fatalité. Nous avons observé plusieurs États à travers le monde qui ont remédié à la situation. Plus près de nous, un leadership s'est aussi exprimé. C'est pourquoi nous avons mis en lumière des pratiques exemplaires québécoises, applicables à court terme, afin d'outiller les décideurs pour qu'ils puissent enclencher rapidement les changements nécessaires à l'amélioration de notre performance », déclare M. Salois.
Apprendre des meilleurs s'inscrit en complémentarité avec un premier rapport, qui a montré des différences très importantes dans les durées de séjour à l'urgence entre les hôpitaux du Québec. Ces séjours démesurés représentent un coût énorme pour la société. En 2015-2016, près de 1,5 million de visites dépassaient les normes de délai maximal d'attente établies par le ministère de la Santé et des Services sociaux, soit 45,5 % des 3,2 millions de visites annuelles. Ces visites hors normes engendrent plus de 13 millions d'heures d'attente en trop pour les patients de l'urgence. Au salaire horaire moyen du Québec, ces heures perdues équivaudraient à plus de 300 M$, et ce, sans compter les coûts supplémentaires pour le système.
Urgences performantes
Les urgences classées parmi les plus performantes du Québec ont plusieurs points communs, tant dans la philosophie de soins des équipes que dans les processus et les pratiques de travail novatrices. Voici, en bref, les principaux ingrédients d'une recette éprouvée : les hautes instances de l'établissement font de la performance de l'urgence une priorité; le médecin-chef et le gestionnaire de l'urgence exercent un fort leadership; les médecins et les infirmières collaborent de façon exemplaire; les instances responsables ont mis en place une véritable culture d'amélioration de la qualité et de la mesure de la performance. Certaines urgences ont même des bulletins qui permettent à leurs médecins de se comparer entre eux dans une optique d'amélioration. Voici d'autres exemples à suivre : l'organisation des soins aux urgences est centrée sur l'optimisation de l'expérience de soins des patients; les autres départements de l'hôpital et les services du centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) participent au bon fonctionnement de l'urgence; les instances responsables ont établi des mécanismes de collaboration et d'arrimage avec les cliniques de première ligne de leur territoire (corridor de services, accueil clinique, etc.), ce qui permet d'y diriger des patients et d'éviter aux médecins d'envoyer leurs patients à l'urgence pour obtenir des tests.
Urgences comparées
Pour dégager ses constats et ses recommandations, le Commissaire a analysé les données de 2014-2015 de l'ensemble des urgences du Québec. Il a aussi réalisé une enquête auprès des urgences pour déterminer leurs pratiques et leurs processus (taux de réponse de 94 %). Enfin, il a visité 5 urgences qui sont parmi les plus performantes et qui ont des pratiques novatrices, en plus de tenir une séance de délibération avec son Forum de consultation.
Au Québec, les cas les plus urgents représentent environ 40 % des visites à l'urgence, alors que les cas les moins urgents, qui pourraient souvent être traités ailleurs, en totalisent environ 60 %. Le séjour moyen pour toutes les visites à l'urgence, ambulatoires et sur civière, est d'environ 9 heures, soit plus du double des normes internationales, qui sont de 4 heures. En outre, 1 personne sur 3 attend 5 heures et plus à l'urgence. De grands écarts sont également observés entre hôpitaux comparables. Par exemple, dans les hôpitaux universitaires, le séjour moyen pour les visites sur civière avec hospitalisation varie de 14 à 37 heures, selon l'hôpital.
Par ailleurs, dans l'ensemble du Québec, 1 patient sur 10 se présente à l'urgence et la quitte sans avoir vu un médecin ou avoir été dirigé ailleurs; dans certaines urgences, c'est près de 1 patient sur 3. L'étude du Commissaire montre également que 90 % des urgences du Québec peuvent ajuster le nombre d'infirmières présentes en cas d'encombrement. Toutefois, 75 % d'entre elles ne peuvent ajuster le nombre de médecins. Cette situation contribue grandement au problème d'engorgement, puisque pratiquement tous les patients de l'urgence doivent voir un médecin. Enfin, les demandes pour la consultation d'un spécialiste sont les évènements qui occasionnent les plus longs délais aux urgences. En effet, dans près des deux tiers des hôpitaux (64 %), le délai moyen de réponse des spécialistes à une demande de consultation est supérieur à 4 heures. Pour l'ensemble du Québec, ce délai moyen est de 8 heures.
Recommandations du Commissaire
Apprendre des meilleurs vise trois grands objectifs : améliorer l'accès à la première ligne de soins et services; optimiser les ressources et les processus au sein de l'urgence et de l'hôpital; rendre compte à la population, de façon transparente, de la performance des urgences et favoriser ainsi une culture de l'excellence. À cet effet, le Commissaire a formulé 9 recommandations, qui sont détaillées dans son site Internet au www.csbe.gouv.qc.ca :
- Assurer une couverture médicale dans les GMF les soirs et les fins de semaine, et ce, en fonction du volume et des besoins des patients, et informer la population au fur et à mesure des changements apportés afin qu'elle se dirige aux bons endroits pour obtenir des services;
- Mettre en place l'« Accueil clinique » dans les établissements de santé détenant le plateau technique et les spécialistes requis afin de permettre aux patients qui en ont besoin d'obtenir un diagnostic rapide sans passer par l'urgence;
- Mettre en place un mécanisme permettant d'ajuster le nombre de médecins à l'urgence lorsque l'achalandage est élevé;
- Accroître les responsabilités des infirmières à l'urgence en rehaussant leur rôle dans le traitement des patients ayant des problèmes mineurs. Pour ce faire, envisager l'introduction des infirmières praticiennes spécialisées (IPS), l'ajout d'actes dans les ordonnances collectives et, enfin, l'adaptation du mode de rémunération des médecins pour favoriser le partage des responsabilités entre médecins et infirmières;
- Assurer la disponibilité des lits sur les étages lors d'un débordement à l'urgence, mieux planifier les séjours des patients hospitalisés afin d'en réduire la durée, se doter des ressources nécessaires en soins à domicile, en réadaptation et en hébergement afin d'éviter que des patients soient en attente de ces services dans un lit d'hôpital - sur une période d'un an, près de 1 000 lits d'hôpitaux sont occupés en permanence par des patients en attente d'un service à l'extérieur de l'hôpital;
- Définir des cibles de performance fondées sur les meilleures pratiques, mettre en place les processus et les outils pour mesurer ces cibles, suivre leur atteinte, diffuser les résultats, apporter les corrections nécessaires en continu, mettre à jour le Guide de gestion de l'urgence du Ministère en se basant sur les meilleures pratiques internationales (en particulier pour les délais) - il est impossible de s'améliorer si l'on ne se mesure pas et si l'on ne se compare pas;
- Mettre en place des processus et des outils pour mesurer la pertinence clinique et la performance des médecins à l'urgence afin de leur permettre de se comparer et d'améliorer leur pratique - on a encore beaucoup de résistance par rapport à la mesure de la performance des médecins. Or, comme le montrent les enquêtes du Commonwealth Fund, c'est une pratique courante dans les autres pays et même en Ontario, où 66 % des médecins voient leur performance clinique évaluée, contre seulement 13 % au Québec. Cette pratique d'évaluation, on l'observe également dans les urgences performantes du Québec;
- Adapter le mode de financement dans les urgences pour tenir compte de leur performance, tant pour les activités que pour l'accès et la qualité des soins, et ce, dans le but de soutenir une culture de performance;
- Rendre compte à la population, de façon transparente, de la performance des urgences en élaborant un rapport annuel d'appréciation de la performance des urgences et en le déposant à l'Assemblée nationale.
Mission du Commissaire à la santé et au bien-être
Rappelons que la mission du Commissaire à la santé et au bien-être est d'apporter un éclairage pertinent au débat public et à la prise de décision gouvernementale, dans le but de contribuer à l'amélioration de l'état de santé et de bien-être des Québécoises et Québécois. Pour ce faire, le Commissaire apprécie les résultats atteints par le système de santé et de services sociaux en s'intéressant aux différents facteurs qui influencent la santé et le bien-être, tout en intégrant les questions éthiques à son analyse. Il recommande au ministre des changements qui visent, entre autres, à accroître la performance du système.
SOURCE Commissaire à la santé et au bien-être
Pour information : Linda Lévesque, 1 877 393-3178, 514 242-8909 (cellulaire); Source : Commissaire à la santé et au bien-être, Elaine Bernier, 418 643-6086
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