Performance du système de santé et de services sociaux québécois - Les médicaments d'ordonnance : Agir sur les coûts et l'usage au bénéfice du patient et de la pérennité du système
QUÉBEC, le 19 mars 2015 /CNW Telbec/ - Le commissaire à la santé et au bien-être, M. Robert Salois, présente aujourd'hui son rapport d'appréciation thématique de la performance du système de santé et de services sociaux : Les médicaments d'ordonnance : Agir sur les coûts et l'usage au bénéfice du patient et de la pérennité du système. Le rapport établit quatre grands objectifs que soutiennent les dix recommandations qu'il formule. « Nous sommes très préoccupés par la forte croissance des coûts des médicaments. L'usage qui en est fait inquiète également, déclare M. Salois. Le patient se trouve actuellement confronté à une situation où l'on observe à la fois des iniquités d'accès, des problèmes d'usage et des évènements indésirables liés à la médication. Il y a urgence d'agir! »
Usage problématique
Au Québec, 55 % des Québécoises et Québécois consomment au moins un médicament d'ordonnance régulièrement ou en permanence. De 1997 à 2013, le nombre d'ordonnances chez les personnes de 65 ans et plus assurées par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) a augmenté de 367 %, alors que le nombre de personnes assurées dans cette tranche d'âge n'a augmenté que de 52 %. De plus, des évènements indésirables sont associés à l'usage des médicaments. Par exemple, selon le dernier rapport issu du Registre national des incidents et accidents du ministère de la Santé et des Services sociaux, 32 % des évènements indésirables survenus en établissement auraient été causés par la médication (tout établissement et groupe d'âge confondu). L'usage que l'on fait des médicaments n'est pas toujours optimal, compte tenu, entre autres, des prescriptions non appropriées. En effet, des prescriptions qui ne sont pas basées sur des normes reconnues ou encore qui posent des risques d'effets indésirables plus grands que les effets bénéfiques attendus ont été observées. De même, l'utilisation de certains médicaments interpelle. Par exemple, les psychostimulants ont été jusqu'à deux fois plus prescrits au Québec que dans le reste du Canada. Les enfants qui consomment ce type de médicaments seraient aussi surreprésentés en milieu défavorisé.
Iniquités d'accès
Les iniquités constatées entre les personnes couvertes par les volets public et privé du régime général d'assurance médicaments (RGAM) du Québec sont fortement décriées. Les deux types de couverture mènent à des écarts de coûts, parfois importants, pour une même ordonnance. En outre, le montant payé pour les médicaments diffère selon les pharmacies pour les personnes couvertes par le volet privé du régime. Autre iniquité, les primes des régimes collectifs privés sont variables et non proportionnelles au revenu, contrairement à celles du régime public.
L'accès équitable et raisonnable aux médicaments qui ne répondent pas aux critères standards d'évaluation soulève également des enjeux importants. Certains médicaments ne sont pas sélectionnés aux fins de remboursement public en raison, entre autres, de preuves d'efficacité difficiles à obtenir ou de leurs prix élevés. Les responsabilités relatives à l'utilisation de médicaments dans des situations exceptionnelles sont éclatées entre les établissements et la RAMQ. Les variations observées quant à l'accès entre les établissements ou entre les cliniciens responsables soulèvent des questions éthiques majeures.
Quelques données
La liste des médicaments couverts par le RGAM comprenait, en 2014, plus de 7 000 médicaments disponibles sur ordonnance. Depuis 2004, le Québec compte parmi les provinces qui inscrivent le plus grand nombre de nouveaux médicaments sur leur liste. Bien que les ajouts soient continuels, aucun mécanisme de révision relatif à la pertinence des médicaments inscrits n'est mis en œuvre. Selon les dernières données disponibles pour 2014, le coût brut du régime public d'assurance médicaments (RPAM) en médicaments prescrits s'est élevé à 4,2 milliards de dollars, une augmentation de 200 millions de dollars par rapport à l'année précédente. Quant au nombre d'ordonnances pour le RPAM, il augmente d'environ 10 millions par année : de 2009 à 2014, il est passé de 140 millions d'ordonnances à 187 millions. De plus, le recours croissant aux mesures d'accès exceptionnel a fait en sorte que les coûts de la mesure du patient d'exception (en milieu ambulatoire) sont passés de 6,2 millions de dollars à plus de 112 millions de dollars de 2006 à 2013. Par ailleurs, selon les données comparatives les plus récentes disponibles, les dépenses totales en médicaments d'ordonnance (régime public et privé) représentaient, en 2014, près de 7,7 milliards de dollars pour le Québec et 28,8 milliards de dollars pour le Canada. Elles occupaient ainsi 17 % des dépenses totales en santé du Québec. Depuis 1995, les dépenses en médicaments prescrits par habitant, au Québec, sont toujours supérieures à celles du reste du Canada.
Ce que le Commissaire recommande
Quatre grands objectifs sont visés par les recommandations du Commissaire : 1) Favoriser l'usage des médicaments répondant le mieux aux besoins de santé tout en contrôlant les coûts; 2) Permettre un accès équitable et raisonnable aux médicaments qui ne répondent pas aux critères standards d'évaluation; 3) Améliorer la pratique prescriptive, la prise en charge pharmacologique et l'usage des médicaments; 4) Réduire les iniquités entre les personnes couvertes par les volets public et privé du RGAM. Les dix recommandations se résument comme suit :
- Déposer à l'Assemblée nationale un rapport annuel sur les contributions fournies par l'industrie pharmaceutique aux établissements de santé et aux GMF, incluant les échantillons;
- Réviser périodiquement la Liste des médicaments du RGAM et celle des établissements;
- Adapter les processus d'inscription pour les médicaments qui ne répondent pas aux critères standards d'évaluation;
- Mandater l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) pour assumer l'ensemble des responsabilités relatives à l'utilisation des médicaments dans les situations exceptionnelles, en établissement et en milieu ambulatoire;
- Adopter un plan d'action provincial sur la prescription et l'usage des médicaments;
- Intégrer les pharmaciens cliniciens dans les équipes de soins au sein des GMF;
- Implanter un plan de soins pharmaceutiques de congé standard pour faciliter le transfert d'informations du pharmacien d'établissement au pharmacien communautaire et au médecin traitant;
- Simplifier le processus d'élaboration et de révision des listes de médicaments encadrant la pratique prescriptive des infirmières praticiennes spécialisées, des sages-femmes, des optométristes et des podiatres;
- Encadrer le coût des ordonnances de médicaments pour les personnes couvertes par les régimes collectifs privés en fixant un plafond sur le coût de ces ordonnances et en exigeant des factures détaillées en pharmacie;
- Autoriser les régimes collectifs privés à plafonner le remboursement du médicament breveté au coût du produit générique disponible et exiger qu'ils offrent l'option d'adhérer uniquement à la couverture prévue par le RPAM.
Ces dix recommandations représentent des leviers d'action ayant un large potentiel d'impact sur la performance du système de santé et de services sociaux. Il incombe au gouvernement de fournir des orientations claires et d'encadrer l'usage du médicament en cohérence avec les valeurs sociales. Une nouvelle politique du médicament est non seulement nécessaire, mais son développement et sa mise en œuvre doivent être présidés par un leadership fort et proactif.
Mission du Commissaire à la santé et au bien-être
Rappelons que la mission du Commissaire à la santé et au bien-être est d'apporter un éclairage pertinent au débat public et à la prise de décision gouvernementale, dans le but de contribuer à l'amélioration de l'état de santé et de bien-être des Québécoises et Québécois. Pour ce faire, le Commissaire apprécie les résultats atteints par le système de santé et de services sociaux en s'intéressant aux différents facteurs qui influencent la santé et le bien‑être, tout en intégrant les questions éthiques à son analyse. Il recommande au ministre des changements qui visent, entre autres, à accroître la performance du système.
SOURCE Commissaire à la santé et au bien-être
Linda Lévesque, 1 877 393-3178, 514 242-8909 (cellulaire); Source : Commissaire à la santé et au bien-être, Elaine Bernier, 418 643-6086
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