Photo d'une femme portant le voile intégral: un jugement qui porte atteinte à la liberté de presse
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FEDERATION PROFESSIONNELLE DES JOURNALISTES DU QUEBEC29 sept, 2014, 10:01 ET
MONTRÉAL, le 29 sept. 2014 /CNW Telbec/ - La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) estime dangereuse la décision de la Cour supérieure du Québec de condamner l'éditeur d'un journal de Québec pour la publication d'une photo de presse qu'elle juge d'intérêt public. Cette décision porte atteinte à la liberté de presse, un droit fondamental au Canada.
La photo, publiée en 2012 dans le journal Les immigrants de la Capitale, accompagnait un article portant sur la réaction des personnes au marché aux puces de Sainte-Foy à la vue d'une femme portant le voile intégral. Le sujet principal du cliché était cette femme vêtue d'un voile intégral aux côtés de son conjoint et de leur enfant.
Le couple, auquel le journaliste n'avait pas demandé le consentement avant de publier la photo, s'en est offusqué et décider de le poursuivre pour perte de jouissance de la vie, atteinte à sa liberté de religion, à sa dignité et à sa réputation.
Le 23 septembre dernier, le juge de la Cour supérieure Marc Paradis a condamné le journaliste et rédacteur en chef du journal, Mihai Claudiu Cristea, à payer 7 000 $ au couple. Il a ainsi écarté du revers de la main la notion d'intérêt public.
La FPJQ s'explique mal pourquoi cette photo, prise dans un espace public à la suite du débat public sur les accommodements raisonnables qu'était la commission Bouchard-Taylor, et aux balbutiements d'un débat qui deviendrait celui de la Charte des valeurs, n'a pas été jugée d'intérêt public. Si un marché aux puces n'est pas un espace public, qu'est-ce qu'un espace public? Si le port du voile intégral en public n'est pas d'intérêt public, qu'est-ce qui est d'intérêt public?
Dans son jugement, le juge Paradis s'appuie sur une décision de la Cour suprême de 1998 connue sous le nom de l'arrêt Aubry, dans lequel la Cour suprême élabore le concept de droit à l'image et de droit à l'anonymat sur la place publique. La FPJQ estime qu'il s'agit ici d'une extension abusive du jugement Aubry au domaine de l'information et de la photo de presse.
Le rôle du photographe de presse est de donner de l'information. Cette photo d'une femme portant le voile intégral dans un marché de Québec était une information. L'information ne doit pas être restreinte : elle ne doit pas être subordonnée à l'intérêt privé de la personne qui ne souhaite pas être prise en photo. En effet, le droit à la vie privée n'existe pas en absolu; il doit être pondéré avec le droit du public à l'information.
Un autre argument inquiétant du juge Paradis est que l'article en question aurait pu être écrit sans photo à l'appui. Cette affirmation cause un précédent dangereux pour la liberté de presse. Est-ce à un magistrat de décider ou non si la publication d'une photo est « nécessaire » pour accompagner un article? La réponse est non. Il ne revient pas aux juges de jouer les rédacteurs en chef en décidant si une photo, ou tout autre élément d'information, sont essentiels ou non.
La FPJQ s'inquiète de l'impact que ce jugement pourrait avoir sur l'exercice de la profession journalistique. Elle encourage le journaliste Mihai Claudiu Cristea d'en appeler de cette décision. Afin que les citoyens puissent recevoir l'information qui leur est due, la liberté de presse doit être protégée, et non restreinte davantage.
SOURCE : FEDERATION PROFESSIONNELLE DES JOURNALISTES DU QUEBEC
Pierre Craig, président de la FPJQ : 514 953-3673; FPJQ, 514 522-6142
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