Point sur la situation économique et financière du Québec - UN MOMENT CHARNIÈRE POUR REVOIR NOS FAÇONS DE FAIRE
MONTRÉAL, le 3 nov. 2023 /CNW/ - Après avoir consacré d'importantes sommes pour lutter contre la pandémie et aider les ménages à faire face à l'inflation, le gouvernement du Québec prévoit réduire considérablement la croissance de ses dépenses afin de retourner à l'équilibre budgétaire et de réduire sa dette. Dans une analyse publiée aujourd'hui, l'Institut du Québec souligne que s'il est normal de vouloir ralentir la croissance des dépenses après la crise sanitaire, il faut aussi admettre qu'y parvenir ne sera pas chose facile.
Ce retour à une croissance plus modeste des dépenses risque d'être ardu, alors que l'inflation, -- qui reste plus élevée que dans les prévisions du dernier budget --, continuera d'exercer des pressions sur les coûts. « Mais au-delà de la conjoncture actuelle, cette normalisation des dépenses soulève deux enjeux de taille, indique Emna Braham, directrice générale de l'Institut du Québec. D'une part, pourra-t-on ralentir la croissance des dépenses sans répercussions sur les missions de l'État et les services aux citoyens et, d'autre part, cet effort suffira-t-il, à long terme, pour assurer la soutenabilité des finances publiques? »
Plus spécifiquement, le dernier budget du gouvernement du Québec prévoyait que les dépenses de portefeuille n'augmenteraient que de 2,2 % par année entre 2023 et 2028. Or, cette croissance est non seulement bien inférieure à ce qui a été observé au Québec au cours des dernières années (7,3 % en moyenne entre 2017 et 2022), mais elle se compare aux périodes de grande rigueur budgétaire, voire d'austérité, que la province a connu au cours des dernières décennies, avec une croissance de 1,8 % par année entre 1993 et 1998 et de 2,6 % entre 2011 et 2016.
Avec des dépenses en santé et services sociaux qui accaparent déjà près de 43 % de l'ensemble des charges de l'État et qui affichent, en règle générale, des taux de croissance bien plus élevés que les autres postes budgétaires, tout porte à croire que les autres missions de l'État devront exercer un contrôle de leurs dépenses encore plus serré pour respecter le budget.
Ces choix seront d'autant plus difficiles à faire que les attentes des citoyens pour voir s'améliorer les services et les infrastructures sont grandissantes. Ainsi, à titre d'exemple, pour mettre à niveau le système de santé ou encore améliorer certains services comme la santé mentale ou les soins à domicile, il faudrait accroître encore plus rapidement les dépenses.
« Le Québec a su profiter des années 2010 où l'inflation était faible et stable pour réaliser des progrès importants en matière d'assainissement de ses finances publiques, mais revenir à la trajectoire budgétaire ne sera pas aisé alors que l'économie connaît des bouleversements démographiques, commerciaux et environnementaux, soutient Louis Lévesque, économiste et coauteur de l'analyse.
Avec une population en âge de travailler qui ne s'accroit à peu près plus, les enjeux liés à la rareté de main-d'œuvre pourraient avoir des impacts durables sur les finances publiques. D'une part, les pressions sur les salaires et les coûts de main-d'œuvre pourraient persister plus longtemps que prévu. D'autre part, les difficultés de recrutement pourraient limiter la capacité des gouvernements à mettre en place de nouvelles initiatives ou mesures.
La redéfinition des politiques industrielles, notamment avec le rapatriement de certaines activités économiques stratégiques en Amérique du Nord, accentue les pressions sur les coûts et pourrait nourrir l'inflation. La course aux investissements privés engendrée par les politiques fiscales américaines ajoute, quant à elle, une pression supplémentaire sur les finances publiques du Québec.
Enfin, la fréquence et l'intensité accrues des événements climatiques extrêmes - verglas, feux de forêt, inondations - indiquent qu'il ne faudra pas seulement injecter des fonds pour lutter contre les changements climatiques, mais également pour s'y adapter. Or, à l'heure actuelle, moins de 10 % des ressources financières du Plan pour une économie verte 2030 est destiné à des actions visant l'adaptation aux changements climatiques. Et surtout, ces risques ne sont pas pleinement intégrés dans les processus budgétaires.
Dans le cadre de son prochain budget, le gouvernement du Québec aurait donc tout intérêt à explorer de nouvelles approches pour mieux comprendre ces changements à venir et adapter sa planification budgétaire à un monde différent dans lequel les contraintes de ressources s'imposeront de plus en plus.
Voici quelques pistes de réflexion pour mieux évaluer les nouveaux risques et s'y préparer :
- Moderniser les façons de faire
Le retour à la normalité en matière de croissance des dépenses publiques sera ardu si on ne mise que sur la rationalisation des activités de l'État. D'importants virages devront être amorcés pour changer les façons de faire et ainsi, réaliser les gains d'efficacité nécessaires. L'alternative risque d'être la réduction des services, ce qui ne peut que provoquer des débats publics difficiles. - Établir des priorités
Face aux contraintes de ressources, -- humaines, physiques et financières --, il faudra aussi établir des priorités entre les nouveaux projets et initiatives et, étaler leur mise en place dans le temps. Cette façon de faire permettra également de ne pas accentuer la pression sur les coûts. - Évaluer les risques à plus long terme
Afin de mieux appréhender l'impact cumulatif des changements à venir au cours des prochaines décennies, l'utilisation d'un horizon à plus long terme autre que les planifications quinquennales usuelles pourrait être envisagée. De plus, l'analyse des risques du gouvernement devrait formellement inclure des éléments qui ne sont habituellement pas pris en considération, comme les risques climatiques. - Améliorer la qualité et la disponibilité des données
On ne peut qu'encourager le ministre des Finances dans ses intentions, exprimées récemment, d'ouvrir plus largement l'accès aux données relatives aux finances publiques. Les chercheurs, les analystes, les décideurs et la société civile ont notamment besoin de données détaillées. Ces informations doivent être accessibles pour prendre des décisions plus stratégiques et éclairer les choix.
Pour en savoir plus : téléchargez le rapport Point sur la situation économique et financière du Québec : un moment charnière pour les finances publiques du Québec
L'Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui publie des recherches et des études sur les enjeux socioéconomiques contemporains du Québec. Il vise à fournir aux autorités publiques, au secteur privé et à la société civile les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique et prospère.
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SOURCE Institut du Quebec
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