Pour Me Jean-Pierre Ménard, Conseil d'administration du Barreau du Québec a perdu toute crédibilité et toute légitimité
MONTRÉAL, le 10 juill. 2015 /CNW Telbec/ -
Les faits
Le 1er juillet 2015, à la séance de 10h15, le Conseil d'administration du Barreau du Québec adopte une résolution par laquelle, compte tenu des informations publiées dans La Presse le même jour, il requiert la démission de la bâtonnière.
Le même jour, à la séance de 15 heures, le conseil d'administration considérant les informations transmises par la bâtonnière lors de la séance du 30 juin 2015, et considérant que la bâtonnière a refusé de démissionner, décide de la suspendre « jusqu'à nouvel ordre ». Dans cette résolution, le conseil d'administration appuie sa décision sur le serment prêté par la bâtonnière lors de son assermentation du 11 juin 2015 de même que sur l'article 4 du Code de déontologie des avocats qui prévoit que l'avocat agit avec honneur, dignité, intégrité, modération et courtoisie.
Le 2 juillet 2015, le conseil d'administration, considérant « l'importance de traiter cette situation conformément au mécanisme d'application prévu aux articles 28 à 30 du Code d'éthique et de déontologie des membres du Conseil d'administration et des comités du Barreau du Québec, décide de créer un Comité d'éthique et de gouvernance et de lui confier le mandat d'analyser la situation révélée par La Presse le 1er juillet 2015 et les commentaires publics et privés de la Bâtonnière à l'égard de cette situation. Le conseil d'administration requiert du Comité d'éthique un rapport complet dans les meilleurs délais.
Par lettre, datée du 7 juillet 2015, le président du Comité d'éthique formé le 2 juillet 2015 recommande que « vu les circonstances particulières de cette affaire, il serait préférable que ce mandat soit confié à un comité ad hoc composé de personnes qui n'ont aucunement été impliquées dans les décisions antérieures mettant en cause la Bâtonnière ».
Le 9 juillet 2015, le conseil d'administration est informé de la décision du Comité de gouvernance et d'éthique de se récuser dans ce dossier particulier et par résolution, nomme les membres du Comité de gouvernance et d'éthique ad hoc et confie à ses membres le même mandat d'analyser la situation, en application de l'article 28 du Code d'éthique et de déontologie des membres du conseil d'administration et des comités du Barreau du Québec, et de faire rapport de leur analyse, de leurs motifs et de leurs recommandations dans les meilleurs délais au conseil d'administration. S'appuyant sur l'article 29 du même Code d'éthique, la résolution spécifie que le conseil d'administration et la Bâtonnière doivent en être informés.
Analyse
En décidant, le 9 juillet 2015, de soumettre le cas de la bâtonnière à un comité ad hoc en vue d'analyser son cas de lui faire des recommandations sur les mesures à prendre, le Conseil d'administration du Barreau du Québec a foulé aux pieds l'un des principes les plus fondamentaux des règles de justice naturelle soit la règle de l'impartialité. Cette règle, dont l'expression latine qualifie bien le contenu soit « nemo judex in sua causa » prévoit qu'une personne ou un organisme ne peut être à la fois juge et partie dans sa propre cause. C'est un principe fondamental de notre droit que le Conseil d'administration du Barreau du Québec, formé principalement d'avocats, ne peut ignorer ou écarter.
C'est pourtant ce qu'il a fait dans le cas de la bâtonnière. Après avoir exigé sa démission, dès la publication du reportage de La Presse, sans suivre ses propres règles pourtant très claires à ce sujet et décidez par la suite de la suspendre sans suivre encore une fois les règles applicables, il tente face à la résistance de la bâtonnière et d'un grand nombre d'avocats et de Barreaux de section, de légitimer après coup son coup de force avorté. Cependant, puisqu'il a déjà décidé de demander le 1er juillet 2015 la démission de la bâtonnière, en raison des faits révélés par La Presse, comment pourrait-il prendre une autre décision que celle du 1er juillet 2015, après avoir reçu les recommandations du Comité ad hoc, sans perdre toute crédibilité et légitimité?
La procédure mise en place par le Conseil d'administration du Barreau le 9 juillet est au mieux un simulacre d'évaluation et d'analyse dont le résultat final est déjà connu. Il faut espérer que les trois avocats qui ont été nommés sur le Comité ad hoc pour examiner le cas, se désistent tout simplement et refusent de se prêter à une parodie de justice où la décision finale du Conseil d'administration du Barreau est déjà connue et prévisible avant même que le processus commence.
Le Conseil d'administration actuel du Barreau du Québec est en voie de discréditer grandement l'image du Barreau et celle de tous les avocats du Québec en poursuivant sa fuite en avant dans un dossier où il devrait simplement reconnaître ses erreurs et réintégrer immédiatement la bâtonnière dûment élue par plus de 63% des voix des avocats.
Il est paradoxal de voir le Conseil d'administration du Barreau agir contre la bâtonnière au nom des exigences élevées de la fonction de celle-ci et de l'idéal de justice que doit préconiser le Barreau du Québec alors que ces mêmes administrateurs foulent au pied de façon grotesque des principes juridiques beaucoup plus fondamentaux que ceux qu'ils reprochent à la bâtonnière.
Le temps est venu de mettre fin à cette saga qui discrédite tous les avocats du Québec et mine grandement la crédibilité du Barreau. Le Conseil d'administration n'a d'autre choix que de démissionner en bloc et laisser la place à d'autres avocats qui voudront enfin se préoccuper des besoins de la population dont l'accès à la justice n'est pas le moins important. Nous avons la bâtonnière pour ce faire mais pas le bon Conseil d'administration.
Jean-Pierre Ménard, Ad. E.
SOURCE Ménard, Martin, avocats
Me Jean-Pierre Ménard, 514-253-8044
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