Seule destination québécoise dans le parcours international de cette exposition, le MNBAQ est fier de contribuer au rayonnement de plus de 50 artistes issus de 13 nations - déployées d'un océan à l'autre du territoire canadien -, permettant de découvrir près de 110 œuvres, passant des traditions d'hier aux pratiques contemporaines.
Ce vaste panorama, célébrant 200 ans de création, a été réalisé en collaboration avec des spécialistes autochtones sous l'éclairage de recherches récentes. Premiers jours présente une fine sélection d'objets, allant des insignes de cérémonie du 18e siècle au travail significatif d'artistes d'avant-garde des années 1960, 1970 et 1980, qui côtoient des œuvres d'artistes autochtones actuels.
Parmi les artistes incontournables de l'exposition : Caroline Monnet (anishinabeg, française), Norval Morrisseau (anishinaabe), Nadia Myre (anishinabeg), Meryl McMaster (métis crie des plaines, néerlandaise et anglaise), Kent Monkman (crie), Shuvinai Ashoona, Annie Pootoogook, Pudlo Pudlat et Nick Sikkuark (inuit), Dana Claxton (Wood Mountain Lakota), Lawrence Paul Yuxweluptun (cowichan-syilx), Carl Beam (ojibwa), Robert Houle (anishnabe, saulteaux) ainsi que Faye HeavyShield (káínawa), pour ne nommer que ceux-là.
Outre cette occasion rare de plonger dans la richesse et la diversité de l'art autochtone, l'exposition permet aussi d'observer notre relation à la terre et à nos ancêtres ainsi que les liens que nous entretenons les uns aux autres. Elle propose un rendez-vous unique avec des cultures vivantes, profondément ancrées dans l'histoire que nous partageons.
Le parcours thématique expliqué
En créant une mise en espace épurée, avec ses assemblages mégalithiques faisant écho au territoire et aux éléments naturels, l'équipe du design du Musée a voulu laisser toute la place aux œuvres d'art et aux artistes présentés.
Huit thèmes porteurs ponctuent l'exposition, permettant de plonger véritablement au cœur de l'histoire artistique des Peuples autochtones du territoire que l'on appelle aujourd'hui Canada : Ouvrir le dialogue avec l'humour, L'héritage de Norval Morrisseau, Artistes anishinaabe. Des voix distinctes, L'art de la côte du Nord-Ouest, Masques et objets, L'importance des femmes dans les cultures autochtones, Contacts et échanges coloniaux, Artistes inuit contemporains.
Ouvrir le dialogue avec l'humour met en lumière le travail d'artistes qui placent l'humour au centre de leur démarche créative afin d'ouvrir de nouveaux espaces de réflexion et de discussion propices aux échanges et à l'intercompréhension. Kent Monkman (crie) et Dana Claxton (Wood Mountain Lakota) en sont des exemples éloquents.
L'une des deux sections qui suivent, L'héritage de Norval Morrisseau et Artistes anishinaabe. Des voix distinctes, est consacrée à l'artiste Norval Morrisseau. Aussi appelé Miskwaabik Animiiki en anishinaabemowin, qui signifie « oiseau-tonnerre de cuivre », Morrisseau est considéré comme un pionnier de l'art contemporain autochtone canadien. Il fut aussi l'un des premiers artistes autochtones d'Amérique du Nord dont l'œuvre a été exposé dans des musées et des galeries d'art commerciales. Le public découvrira aussi des artistes influencés par ce dernier, dont Bob Boyer (métis) et Alex Janvier (denesuline, saulteaux) de la région des prairies qui font partie des artistes qui ont choisi la peinture abstraite et la création d'œuvres sur papier, inspirées d'idées et d'histoires qui défient les limites temporelles et spatiales.
Dans la zone consacrée à L'art de la côte du Nord-Ouest, l'expression artistique des cultures riveraines du Pacifique - dans ce que l'on appelle aujourd'hui la Colombie-Britannique, le Yukon et l'Alaska - se distingue par son style dynamique connu sous le nom de formline ou « ligne figurative ». Depuis plus de deux millénaires, les artistes de cette région réinventent et réorganisent ces ensembles de lignes fluides à l'épaisseur variable pour créer un univers visuel unique où événements historiques, figures emblématiques et oralité prennent vie. L'artiste Robert Davidson (haïda) figure parmi ceux qui ont su réinventer ce style. Les formes chères à ces communautés se retrouvent également brillamment incorporées dans les peintures de Lawrence Paul Yuxweluptun (cowichan-syilx).
La section Masques et objets rassemble des masques anciens de la côte du Nord-Ouest - datant du 19e siècle et du début du 20e siècle - et des modèles contemporains fabriqués pour le commerce. À partir des années 1970 et 1980, certains artistes autochtones se lanceront sur le marché de l'art grand public et créeront des œuvres aux formes traditionnelles, mais aux visées artistiques. Parmi ces créations, on peut apprécier des sculptures haïdas en argilite (pipes ouvragées, figures anthropomorphes), qui sont considérées comme l'une des premières formes de production artistique autochtone destinées aux échanges commerciaux avec les marins marchands et les colons.
Une autre section met en lumière toute L'importance des femmes dans les cultures autochtones. Parmi les œuvres saisissantes qui incarnent la force des femmes et conjuguent leurs efforts pour faire face à l'adversité, on peut apprécier les autoportraits de l'artiste Meryl McMaster et une œuvre sculpturale de Faye HeavyShield. Pour McMaster, ses mises en scène photographiques affirment son lien avec la terre et son ascendance mixte, nêhiyaw (crie) et européenne, alors que pour HeavyShield, son œuvre sculpturale témoigne de l'importance de la solidarité entre femmes, qui renforce les communautés et garde les familles unies.
Dans l'espace Le contact colonial et les échanges, les œuvres sont articulées autour d'une rare tenue cérémonielle de la région des Grands Lacs. Toutes les pièces, vêtements et parures présentées datent de la fin du 18e siècle. Certaines œuvres sont liées à l'usage de la ceinture wampum - un objet brodé de perles qui scellait les alliances ou les négociations -, alors que d'autres rappellent le traumatisme de la contagion. Elles auront une résonance certaine pour le public actuel, rappelant aussi les échanges souvent fatals qui ont eu lieu entre les colons et les Autochtones.
Enfin, la dernière section, L'Arctique canadien, offre un panorama d'artistes du Grand Nord. Depuis plus de 50 ans, il constitue un foyer d'innovations artistiques des plus audacieuses au pays. Plusieurs générations d'artistes inuit ont marqué l'histoire de l'art de façon distinctive et leurs œuvres sont aujourd'hui prisées dans le monde entier. Si, à la fin du 20e siècle, gravures, textiles et sculptures inuit représentaient l'essentiel des exportations depuis l'Arctique, depuis une vingtaine d'années, le dessin est devenu un genre en soi pour de jeunes artistes contemporains qui s'inspirent du legs de leurs prédécesseurs. Parmi les figures de proue de cette mouvance, il faut citer : Shuvinai Ashoona, Tim Pitsiulak, Annie Pootoogook et Pudlo Pudlat.
Bouquet d'œuvres choisies
Parmi les œuvres phares de l'exposition Premiers jours, il faut mentionner : Coiffe - Shadae (2019) de Dana Claxton; Chevelure de la Terre-Mère, chevelure indienne; yeux de la Terre-Mère, yeux indiens, yeux d'animaux de Duane Linklater; Oiseau-Tonnerre habité par l'esprit (vers 1978), de Norval Morrisseau; Sœurs (1993), de Faye HeavyShield; Nous sommes nombreux (2020), de Caroline Monnet et Le ravitaillement (2003-2004), d'Annie Pootoogook.
Coiffe - Shadae (2019), l'œuvre photographique de Dana Claxton, intrigue à priori avec ses imposantes coiffes colorées. Pour l'artiste (Wood Mountain Lakota), cette superposition excessive d'éléments (casquettes perlées d'inspiration hip-hop, chapeau de cèdre tissé et majestueux éventails de pow-wow et peyote) fonctionne comme une métaphore des différentes couches qui composent la richesse de l'identité autochtone. L'humour permet aussi de poser des questions fondamentales, du genre : « Voit-on véritablement une personne par-delà les suppositions que l'on se fait à son sujet? »
Norval Morrisseau sera exposé dès son enfance à toute une variété de croyances, auprès de ses grands-parents sur la rive sud-est du lac Nipigon en Ontario. Son grand-père, chaman, lui transmettra la culture et la spiritualité anishinabe, alors que sa grand-mère lui enseignera la religion catholique. Ces deux visions du monde influenceront grandement son œuvre. Oiseau-Tonnerre habité par l'esprit (vers 1978) en est un exemple révélateur. Cet autoportrait révèle un canal ouvert en haut et en bas, qui reflète d'importants concepts spirituels et métaphysiques des Ojibwas. L'artiste représente sa propre transformation en un être de pouvoir, en pleine montée vers le royaume du ciel, ou descendant dans la manifestation plus corporelle de la vie.
La fresque Chevelure de la Terre-Mère, chevelure indienne; yeux de la Terre-Mère, yeux indiens, yeux d'animaux de Duane Linklater (omaskêko ininiwak) évoque la murale créée par Norval Morrisseau pour le Pavillon des Indiens du Canada d'Expo 67. Intitulée Terre-Mère et ses enfants, représentant un enfant humain et un ourson, allaités par une figure anthropomorphique personnifiant la Terre-Mère, l'œuvre a été censurée à l'époque par le ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada, appuyé par les organisateurs d'Expo 67. Ils auraient exigé de l'artiste qu'il modifie le visuel jugé trop explicite. Lorsque vint le moment de peindre sa murale, l'artiste brilla par son absence. C'est son assistant, Carl Ray, qui compléta pour lui la réalisation. Afin de rappeler symboliquement l'absence de Morrisseau, Linklater a pris l'habitude de déléguer la réalisation de sa propre murale, qui s'inspire de l'iconographie de l'œuvre originale de Morrisseau. La murale présentée au MNBAQ a été reproduite par l'artiste Huronne-Wendate Manon Sioui. [l'œuvre peut être vue à la page 1]
Les formes chères aux communautés de la côte du Nord-Ouest se retrouvent brillamment incorporées dans la peinture aux couleurs vives de Lawrence Paul Yuxweluptun Paysage du nouveau climat [Changement climatique sur la côte nord-ouest] (2019). L'artiste cowichan-sylx vit et travaille à Vancouver, sur le territoire traditionnel des Salishs de la Côte, depuis plusieurs décennies. La forêt pluviale du littoral nord-ouest du Pacifique apparaît régulièrement au cœur de ses créations, soulignant l'attachement de l'artiste pour le territoire. Mais ce dernier n'hésite pas à critiquer l'utilisation et la violation des terres par les colons, ainsi que les machinations sournoises conçues par ces derniers pour extraire les ressources des terres autochtones. [L'œuvre peut être vue à la page 1.]
Sœurs (1993), l'œuvre sculpturale de l'artiste Faye HeavyShield est élégamment composée d'effigies de plâtre représentant douze chaussures de femmes grandeur nature disposées à égale distance les unes des autres en cercle, pointant vers l'extérieur. Le bout fendu des chaussures est une allusion aux sabots d'un cerf, suggérant les attributs d'élégance, de force et de délicatesse de l'animal. Certains y verront une représentation de l'artiste et de ses cinq sœurs, alors que l'œuvre se déploie telle une métaphore de la solidarité qui existe entre femmes renforçant les communautés et les familles.
Parmi les artistes du Grand Nord ayant participé à redéfinir l'art inuit contemporain, le nom d'Annie Pootoogook figure certainement en tête de liste. Son travail s'inscrit dans la lignée d'artistes établis, comme Shuvinai Ashoona et Pudlo Pudlat, mais elle fait partie de la célèbre famille Pootoogook de Kinngait (Cape Dorset). Ses dessins, réalisés au crayon, sont autobiographiques, percutants et originaux, représentant les scènes de la vie nordique contemporaine. L'œuvre Le ravitaillement (2003-2004) est loin des visions mythiques du Nord. Elle s'inscrit plutôt parmi les œuvres qui saisissent de manière implacable les conditions de vie changeantes dans le Nord.
Artiste multidisciplinaire d'ascendance anishinabeg et française, originaire de la région de l'Outaouais au Québec, Caroline Monnet n'hésite pas à combiner le vocabulaire visuel de la culture populaire et traditionnelle avec des éléments d'abstraction moderne pour créer un langage formel qui lui est propre. Nous sommes nombreux (2020) appelle à la contemplation. L'intrigante surface feuilletée noir de jais évoque tour à tour le fin plumage d'un corbeau, les craquelures du bois brûlé ou encore les pages calcinées d'un livre. Pour réaliser cette fascinante composition, Monnet a utilisé des fibres de Tyvek, un isolant utilisé en construction. En intégrant ce type de matériaux dans son œuvre, l'artiste peut évoquer symboliquement les effets terribles de la crise du logement, qui secouent les communautés autochtones. Monnet rappelle également que l'isolant reste fréquemment visible à l'extérieur des maisons des communautés autochtones fréquemment inachevées à cause des injustices sociales et de la pénurie de ressource. Le titre de l'œuvre, Nous sommes nombreux, souligne à la fois la gravité de la situation et la grande résilience des peuples autochtones.
Visiter l'exposition avec Xavier Watso
Pour celles et ceux qui aiment enrichir leur expérience en parcourant l'exposition à leur rythme et d'une façon plus intimiste, l'audioguide est l'outil par excellence. Accessible sur les appareils mobiles, en français ou en anglais, ce parcours audio de Premiers jours. Œuvres de la collection McMichael d'art canadien invite à découvrir et à apprécier les pratiques culturelles, les valeurs fondamentales et toute la créativité déployée par les artistes des Premières Nations, Inuit et Métis, et ce, tant ceux du passé que du présent. C'est en compagnie de Xavier Watso, animateur, chroniqueur et comédien abénakis et porte-parole de l'exposition, que les visiteuses et les visiteurs découvriront, à travers une vingtaine d'arrêts, les grands thèmes de l'exposition à travers une sélection d'œuvres qui mettent en lumière l'originalité, la réflexion et l'expression créatrice des artistes exposés.
POUR ÉCOUTER : Audioguide Premiers jours
Les crédits
L'exposition Premiers jours. Œuvres autochtones de la Collection McMichael d'art canadien a été organisée et mise en circulation par la Collection McMichael d'art canadien (Kleinburg, Ontario).
Commissariat et textes didactiques
Sarah MILROY
Directrice générale et conservatrice en chef, Collection McMichael d'art canadien
Pour la présentation à Québec, en collaboration avec
Eve-Lyne BEAUDRY
Directrice des collections et de la recherche, MNBAQ
Gestion
Marie-Hélène AUDET
Cheffe du Service de la médiation, MNBAQ
Yasmée FAUCHER
Cheffe du Service de la muséographie, MNBAQ
Design et graphisme
Philippe LEGRIS, MNBAQ
Médiation en salle
Florence GARIÉPY, MNBAQ
Le Musée national des beaux-arts du Québec est une société d'État subventionnée par le gouvernement du Québec.
Premiers jours. Œuvres de la Collection McMichael d'art canadien
Pavillon Pierre Lassonde
Du 17 octobre 2024 au 21 avril 2025
SOURCE Musée national des beaux-arts du Québec
RELATIONS DE PRESSE : Linda Tremblay, Responsable des relations de presse, MNBAQ, 418 262-4681, [email protected]; Montréal, Rosemonde Gingras, Rosemonde Communications, 514 458-8355, [email protected]
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