Présentation de l'ACSAQ sur le Projet de loi 56
Nouvelles fournies par
Association des commissions scolaires anglophones du Québec28 mars, 2012, 17:00 ET
MONTRÉAL, le 28 mars 2012 /CNW Telbec/ -
Mémoire présenté à la
Commission de la culture et de l'éducation
sur le
Projet de loi no 56
Loi visant à lutter contre l'intimidation et la violence à l'école
par
l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec
Introduction
L'Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ) se réjouit de cette opportunité d'offrir ses commentaires au sujet de la loi 56, une Loi visant à lutter contre l'intimidation et la violence à l'école. L'ACSAQ félicite la ministre Line Beauchamp et son gouvernement pour attirer l'attention du public sur ce phénomène troublant et complexe. Aucune priorité n'est plus urgente que le bien-être et la sécurité de nos enfants. L'implication et la recevabilité de tous les partenaires vis-à-vis cette priorité revêt une importance capitale. C'est dans cet esprit que l'ACSAQ a examiné et analysé le projet de loi.
L'ACSAQ et ses neuf commissions scolaires membres ont depuis longtemps reconnu le rôle impératif de l'éducation, la prévention et l'engagement dans la lutte contre l'intimidation et la violence au sein des 340 écoles primaire et secondaire, de même que des centres d'éducation pour adultes et formations professionnels qui sont sous leur gouverne. Les quelque 100,000 élèves que nous desservons ont tous et chacun le droit et la responsabilité d'établir une communauté scolaire saine et sécuritaire. Des tragédies survenues récemment ont accentué la sensibilisation et l'inquiétude du grand public quant à l'intimidation et la violence en milieu scolaire, l'impact dévastateur que cela peut avoir sur la sécurité et le bien-être des élèves. Alors que les défis en ce domaine ont évolué avec le temps, les approches positives de nos enseignants, professionnels, administrateurs et conseil des commissaires ont également évolué. Ceci n'est pas une observation désinvolte que l'ACSAQ offre, mais bien un rappel important qui reflète notre grande surprise et, pour être franc, notre déception envers un projet de loi qui a) définit l'intimidation, b) diagnostique les causes, c) propose des mesures de prévention et d) impose des sanctions disciplinaires, le tout reposant sur la présomption explicite que l'administration actuelle des commissions scolaires du Québec échoue dans chacun de ces domaines importants.
Soyons clairs : les commentaires qui suivent reposent sur la meilleure façon de lutter contre l'intimidation et la violence à l'école. Nos commissions scolaires ont la responsabilité de s'y attaquer et de rendre compte de leurs résultats au public, de même qu'au ministre. Notre intention n'est pas de présenter une défense restreinte des pratiques actuelles, ni des commissions scolaires qui les emploient. Cela dit, l'ACSAQ est d'avis que la législation qui sera éventuellement adoptée devra reposer sur les meilleures pratiques, ressources et expertises actuelles, de manière à protéger nos élèves le plus efficacement possible. Ce projet de loi ne peut simplement s'attaquer à ce défi à l'aide d'objectifs, de sanctions et de protocoles non testés.
L'ACSAQ propose d'aborder la définition de l'intimidation et la violence, l'évaluation du défi tel qu'il se présente actuellement, les solutions proposées et les sanctions disciplinaires dans le projet de loi. Nous allons examiner et valider certaines de pratiques les plus efficaces qui sont déjà en place et proposer quelques approches sur la façon d'améliorer le projet de loi qui nous est présenté.
Définition
L'ACSAQ, à l'instar de plusieurs associations constituantes de notre réseau scolaire public anglophone, tient à exprimer ses préoccupations concernant la définition de l'intimidation dans le projet de loi (article 13.1.1). D'abord, elle ne parvient pas à identifier les éléments que la plupart des experts considèrent comme étant pertinents quant à la définition du problème en question : l'intimidation est plus qu'un simple acte d'agression, gratuit ou non, mais bien un comportement persistant, discriminatoire et ciblé, défini par un rapport de force inégal et un abus de pouvoir. Deuxièmement, la définition doit identifier l'auteur d'un acte d'intimidation et de violence comme étant un élève, si nous avons bien compris qu'il s'agit là de la présomption contenue dans le projet de loi. Si tel n'est pas l'intention du projet de loi, il y a un problème récurrent de cohérence dans les articles subséquents du texte. Troisièmement, la définition ne correspond pas à celle du Plan d'action pour traiter la violence du gouvernement actuel. Quatrièmement, il existe dans la version anglaise du projet de loi la notion d'intention qui ne se trouve pas dans la version française. Cinquièmement, la définition proposée n'offre aucune indication sur la marche à suivre dans le cas d'un élève ayant des besoins spéciaux dont les symptômes pourraient inciter à commettre un acte d'agression impulsif à l'égard d'un de ses pairs. L'intention de même que la fréquence, doivent être considérées comme étant des critères essentiels pour déterminer si un comportement agressif représente vraiment un acte d'intimidation. Enfin, le projet de loi n'inclut pas une définition du terme « violence ». Sans doute peut-on avancer des arguments crédibles pour ne pas présenter une définition légale de ce terme, mais étant donné que le terme « intimidation » est inclus et défini dans le texte, cette omission risque de porter à confusion.
Dans le but de concentrer l'action, les ressources, l'éducation et les efforts de préventions sur les situations qui requièrent une attention particulièrement soutenue, l'ACSAQ se joint à un certain nombre d'autres organismes qui comparaîtront devant cette Commission pour privilégier la définition suivante :
«… l'intimidation est un comportement intentionnellement blessant et agressif à caractère répétitif où il y a un déséquilibre des forces entre l'agresseur et sa victime.»1
Diagnostic du problème
Le projet de loi contient une exigence plutôt vague, soit que « le directeur d'école doit appuyer tout regroupement d'élèves désirant réaliser des activités qu'il estime utiles pour lutter contre l'intimidation et la violence » (article 96.8). Outre cette référence, le reste du texte semble contenir peu de reconnaissance sur le rôle essentiel que doivent jouer les programmes d'éducation eux-mêmes dans la prévention de l'intimidation et de la violence. Également, il n'y a aucune reconnaissance de la multitude de facteurs qui contribuent au problème et qui surement vont au-delà de la compétence des écoles et commissions scolaires locales. Au sujet de la question complexe de la cyberintimidation, les commissions scolaires sont-elles responsables des cas d'abus en dehors des heures d'école ? La responsabilité de confronter les enfants qui commettent des actes d'intimidation et de violence n'est-elle pas celle des parents tout autant que celle des institutions scolaires ?
Bien que l'ACSAQ reconnaisse qu'un projet de loi ne peut aborder tous les éléments touchant les écoles, il est important que des stratégies individualisées et adaptées soient mises de l'avant. Ainsi, les causes profondes du phénomène et sa prévention diffèrent entre une école rurale de 150 élèves à Arundel et une école secondaire de 2 000 élèves dans un milieu urbain tel Greenfield Park.
Le projet de loin ne prend pas en considération un certain nombre d'autres circonstances qui sont généralement propres à notre réseau scolaire public anglophone. Par exemple, souvent les services sociaux en langue anglaise pour traiter les victimes et les auteurs de cas graves d'intimidation et de violence sont fort limités, au sein des communautés régionales, ainsi que dans l'est de Montréal et la « couronne nord et sud ». (Tant que ce problème ne sera pas résolu, il sera difficile pour les commissions scolaires de langue anglaise de se conformer à l'obligation de conclure des ententes avec de tels services sociaux, ainsi que stipulé dans l'article 214.2). En outre, la documentation à ce sujet n'est pas toujours disponible dans les deux langues. La prépondérance des écoles de petite taille et géographiquement isolées au sein du réseau scolaire public anglophone va aussi rendre ardue la mise en œuvre de nombreuses exigences contenues dans le projet de loi. La production de rapports détaillés et fréquents, de même qu'une interaction plus poussée avec les corps de police représentent deux exemples parmi d'autres.
La disposition du projet de loi qui prévoit le transfert d'un élève récidiviste à une autre école ne peut être réalisée au sein du territoire de plusieurs commissions scolaires anglophones, étant donné qu'une grande distance sépare les écoles. Un autre article, qui impose aux entreprises de transport de former leurs conducteurs d'autobus afin qu'ils puissent intervenir lors de situation de violence et d'intimidation va s'avérer difficile à réaliser, étant donné que plusieurs conducteurs sont unilingues français et donc inaptes à communiquer efficacement avec les élèves de langue anglaise à bord de l'autobus. Bien que n'étant pas propre au secteur anglophone, de nombreuses petites écoles qui doivent composer avec un personnel administratif à temps partiel seulement auront de la difficulté à se conformer aux délais exagérément courts pour la préparation et la présentation des rapports requis par le Ministère.
Mesures de prévention
Les questions clés que l'ACSAQ a identifiées en ce qui a trait aux mesures correctives prescrites dans le projet de loi portent sur le rôle et les obligations des commissions scolaires, directeurs d'école, conseils d'établissement et le protecteur de l'élève. Nous sommes particulièrement frappés par la quasi-absence d'un rôle explicitement prescrit et important assigné aux commissions scolaires. Chacune de nos commissions scolaires anglophones a développé une politique concernant la conduite des élèves, avec des objectifs spécifiques et proactifs bien stipulés dans leurs énoncés de missions et mis en œuvre dans les programmes scolaires, tous adaptés aux conditions locales. Il y a plus de quatre ans, l'ACSAQ a réalisé une étude des plus innovatrices au sujet d'un problème à la fois émergent et omniprésent, à savoir la cyberintimidation, intitulée « Épanouissement, respect, responsabilité ». Les recommandations de l'étude ont été élaborées à l'aide de Shaheen Shariff, Ph.D., une des sommités mondiales sur le sujet, et du Capitaine Frédérick Gaudreau, coordonnateur de la lutte contre la cybercriminalité à la Sureté du Québec. À l'époque, le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sports a publiquement applaudi le rapport. Une des recommandations offertes était :
Le groupe de travail appuie le besoin pour une discipline et des conséquences appropriées pour répondre à la gravité variable des incidents de cyberintimidation. Par exemple, lorsqu'il y a infraction à une loi, le groupe de travail comprend pleinement que la police doit intervenir. Cela dit, des études ont fourni des preuves accablantes indiquant le besoin d'adopter des attitudes et des politiques différentes des réponses réactives qui n'adressent pas les causes fondamentales des discours négatifs en ligne et en classe. Les réactions vont échouer si elles ne reconnaissent pas que ce genre d'incident se produit dans un cadre sociétal qui ne se limite pas à l'occurrence d'un abus. La négligence face aux causes fondamentales des comportements et expressions des élèves et le manque de sensibilité au niveau de participation d'un élève (agresseur, aidant ou victime) peuvent compromettre l'environnement de l'école dans son ensemble parce qu'ils modèlent une indifférence et une intolérance envers les besoins des élèves et de leur apprentissage.
Notre réseau scolaire public anglophone s'est fait un devoir de mettre sur pied des mesures préventives afin d'assurer un environnement sécuritaire et respectueux dans ses écoles. Des « codes de conduite » ont été développés pour les élèves et ils sont la plupart du temps incorporés dans l'agenda des élèves et expliqués durant les assemblées générales au début de chaque année scolaire. Avec le soutien du Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, le secteur anglophone a créé un « Centre d'excellence » pour le comportement étudiant, qui offre des services consultatifs et de développement professionnel auprès des écoles. La « Méthode d'intérêt commun » n'est qu'un des modèles que le Centre fourni aux commissions scolaires anglophones du Québec.
Cette technique d'intervention est utilisée suite à un incident d'intimidation et implique des entrevues avec ceux qui ont participé de près ou de loin à un acte d'intimidation, y compris (bien que pas à chaque occasion) celui qui est le leader. Durant la première rencontre, les enseignants et les professionnels tentent de faire ressortir les sentiments de dégoût qu'éprouvent les témoins vis-à-vis l'événement et la culpabilité que souvent ils affirment ressentir pour ne pas être intervenus. Cela est facilement réalisable dans la grande majorité des cas. Ensuite, l'école et l'élève concluent un accord voulant que l'élève doive porter au moins un geste différent la prochaine fois qu'il est témoin d'un incident semblable. Il s'agit d'une intervention très puissante, qui a un impact sur les jeunes interrogés il va sans dire, mais également sur le reste de la population étudiante et cela rapidement.
Les résultats d'études de même que des preuves anecdotiques rapportées par nos propres enseignants et directeurs d'école illustrent de façon concluante que l'expérience des services de garde en milieu scolaire a un impact primordial quant au niveau de la préparation sociale des enfants qui s'apprêtent à intégrer l'école primaire. Le projet de loi reste muet à ce sujet. Si, il faut le souligner, le Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport a bel et bien identifié et mis sur pied une série de mesures pour la petite enfance visant la persévérance scolaire, ne faudrait-il pas porter une attention semblable à la création d'un environnement d'apprentissage positif et structuré dans les services de garde en milieu scolaire afin de prévenir l'intimidation et la violence plus tard?
Tous ces exemples sont l'illustration claire d'un système scolaire public qui non seulement est résolu, mais aussi outillé pour résoudre les problèmes reliés à l'intimidation et la violence. Il ne fait pas de doute que des améliorations doivent continuellement être effectuées et que le Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport a non seulement la prérogative mais bien l'obligation de se faire chef de file et facilitateur, de façon à améliorer la situation. Cependant, les approches formulées dans ce projet de loi relèguent les commissions scolaires à des rôles secondaires de vérificateurs et rapporteurs. Entre autres choses, l'obligation de soumettre encore un autre rapport annuel à la ministre (article 210.1), quantifiant le nombre d'actes d'intimidation ou de violence dans chaque école.
À notre avis, l'intention déclarée de la ministre de rendre public le résultat de ces rapports n'augure rien de bon pour ce qui est d'une véritable amélioration de la sécurité en milieu scolaire. Ce que l'ACSAQ attend du ministère est un soutien assidu pour la création et le maintien d'un environnement scolaire harmonieux, un climat de confiance et d'inclusion offrant à nos élèves, nos employés et nos conseils de commissaires les outils pour prendre en main le problème de l'intimidation et la violence. Selon nous, l'éventualité d'un « palmarès » des écoles incriminées n'est guère l'approche la plus efficace!
Nos commissions scolaires anglophones, dans toute leur diversité, partagent la notion que nos directeurs d'école sont des leaders en matière pédagogique. Ce rôle fondamental leur permet de faire profiter nos élèves de leurs vastes compétences et leur expérience. Nos directeurs d'école sont déjà débordés par leurs responsabilités administratives et bureaucratiques. Nous regrettons que ce projet de loi propose d'ajouter à leur fardeau. Bien entendu, les directeurs d'école doivent être en toute première ligne afin de remplir notre devoir commun d'offrir aux élèves un environnement scolaire sécuritaire. Cela étant dit, nous ne sommes pas entièrement convaincus que la voie menant à la sécurité dans les écoles passe par la rédaction d'un rapport par le directeur dans le cas « de chaque plainte relative à un acte d'intimidation ou de violence » (article 96.12), ni par la création dans chacune des écoles d'une équipe de lutte contre l'intimidation avec son propre coordinateur.
Nous avons aussi des questions, en ces temps de contraintes budgétaires on ne peut plus difficiles pour les commissions scolaires, au sujet de qui va financer cette nouvelle responsabilité de la coordination et avec quels moyens. Conformément à l'article 96.27, les directeurs d'écoles auront dorénavant le pouvoir de suspendre les élèves pour une période de temps indéterminée sans avoir besoin d'obtenir l'approbation du directeur général ou du directeur général adjoint. Cela, à notre avis, n'est pas une modification nécessaire. Qui plus est, nos directeurs d'école ne nous ont pas exprimé le souhait d'assumer ce rôle. Cette modification, en fait, supprime le pouvoir des conseils des commissaires de prendre de telles décisions, ainsi qu'ils le font présentement, de manière équitable et constante sur tout le territoire régit par le conseil.
Lors de la préparation de ce mémoire, l'ACSAQ a pris connaissance d'une directrice d'école qui récemment a établi des règles et réglementations concernant l'intimidation dans la cour d'école, une situation qui prévalait surtout avec les élèves de 6e année. La directrice, à l'aide de son équipe-école, a élaboré une stratégie visant à donner a tous ses élèves des responsabilités, soit d'organiser des jeux d'équipe dans la cour, coordonner et planifier des activités dans les salles de lecture, peindre des murales partout dans l'école, tenir le rôle d'ambassadeurs étudiants auprès des visiteurs de l'école et lors d'événements spéciaux. Les élèves ont été assignés à des comités régissant les procédures disciplinaires et les politiques qui les concernaient. Sitôt que le programme a été bien mis en place, les incidents d'intimidation ont chuté de façon substantielle. L'exemple des élèves de 6e fut bientôt imité par les classes des plus jeunes et le renforcement positif a eu pour effet de diminuer encore plus le nombre de cas d'intimidation. L'ACSAQ espère pouvoir continuer d'encourager de telles initiatives de la part des directeurs d'école, plutôt que de voir ces derniers paralysés par des exigences additionnelles et accaparantes de type bureaucratique. La teneur normative et hiérarchique des articles 96.12 et 96.27 suggère que cette loi ne sera pas utile à cet égard.
Le projet de loi prévoit aussi de plus grandes responsabilités pour les conseils d'établissement, une approche que l'ACSAQ aussi met en cause. D'abord, chaque conseil d'établissement doit adopter un plan de lutte contre l'intimidation et la violence (article 75.1). L'ACSAQ n'arrive pas à comprendre la nécessité de quelque 340 plans individuels et potentiellement contradictoires au sein de notre système. Comment les commissions scolaires pourront-elles par la suite répondre aux éventuelles demandes de recours de parents concernant des décisions prises selon les critères d'une école en particulier ? Quel est le caractère équitable et l'avantage de transmettre cette responsabilité au conseil d'établissement pour, ainsi, se retrouver avec des règles, des sanctions et des exigences en matière de suivi potentiellement différentes d'une école à l'autre ? La composition des conseils d'établissement change considérablement chaque année scolaire. Est-ce que les plans vont changer au même rythme, créant un sentiment de confusion et d'insécurité parmi les élèves, les parents et les employés?
Le protecteur de l'élève, pour qui aucun fonds supplémentaires n'est alloué, voit aussi sa description de tâches s'allonger de façon discutable et non sollicitée. Une telle marche à suivre va-t-elle résulter en un environnement plus sain et sécuritaire pour nos élèves ? Le protecteur de l'élève ne possède aucune autorité légale sur les employés du conseil, mais on lui assigne désormais la tâche d'examiner les plaintes des parents en première instance. Présentement, c'est le directeur d'école qui est responsable de cette procédure, jusqu'à ce que sa décision soit contestée d'une façon ou d'une autre. Selon l'article 220, le protecteur de l'élève est dorénavant responsable de juger de l'efficacité des plans de lutte contre l'intimidation et la violence mise en œuvre par les écoles. Pourquoi cette modification est-elle subitement supérieure à la surveillance actuelle, placée sous la gouverne du directeur général qui, pour sa part, est supervisé par le Conseil des commissaires?
Sanctions disciplinaires
L'article 75.3 propose que « Tout membre du personnel d'une école doit collaborer à la mise en œuvre du plan de lutte contre l'intimidation et la violence et veiller à ce qu'aucun élève de l'école à laquelle il est affecté ne soit victime d'intimidation ou de violence ». Il va sans dire que l'ACSAQ ne s'oppose en rien à cet énoncé, mais son inclusion comme langage juridique dans le projet de loi est profondément troublant. Tout le monde s'entend pour dire que, malgré tous nos meilleurs efforts, le problème de l'intimidation et la violence en milieu scolaire ne sera jamais complètement enrayé sur le territoire québécois, ni aujourd'hui ni dans le futur. Et donc cet article déclare que le personnel de chaque école va dorénavant être responsable de cet « échec » inévitable. Une telle disposition est absurde car il est impossible de la mettre en œuvre. Il est nécessaire d'établir plutôt une norme mesurable. Le langage présentement utilisé dans l'article en question n'est pas la solution. Il est d'autant plus important de résoudre ce problème lorsqu'on se rend compte des sanctions prévues plus avant dans le projet de loi.
L'ACSAQ a déjà exprimé sa déception quant au manque d'emphase mis sur l'éducation et la prévention dans le projet de loi. Cette déception se transforme en colère lorsqu'on prend connaissance des propositions étendues et arbitraires quant aux sanctions radicales que le Ministère entend imposer aux commissions scolaires jugées fautives de ne pas avoir respecté la loi. La Loi sur l'instruction publique octroie déjà au ministre l'autorité visant à assurer l'adhérence à la législation gouvernementale et aux programmes de financement et plans d'action qui en découlent. Spécifiquement, ces pouvoirs existants prévoient la retenue, tout ou en partie, des fonds désignés en cas de non-conformité à la loi. Les amendements proposés (article 477) permettraient d'étendre ce pouvoir pour inclure des sanctions administratives pécuniaires non spécifiées à être imposées sur toute partie du financement gouvernemental sur la base de la non-conformité à toute section de la Loi sur l'instruction publique, et non seulement celles qui seraient amendées par ce projet de loi.
L'ACSAQ réclame la suppression de l'article 477 dans son intégralité. Afin de maintenir, améliorer et mettre en œuvre des programmes qui vont vraiment répondre aux objectifs de ce projet de loi, les commissions scolaires s'attendent à compter sur la collaboration, le leadership et le support de la ministre et du Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Nous réagissons donc avec colère à une approche qui s'apparente à la coercition et le châtiment. Ce message est d'autant plus ironique que le but avoué du projet de loi est de promouvoir une harmonie, une confiance et une sécurité accrue au sein de nos communautés scolaires.
Mais fait encore plus important et inquiétant pour nous, l'inclusion de cette section contribue très peu à promouvoir le bien-être et la sécurité de nos enfants dans les écoles et rien pour inspirer l'élaboration d'approches humaines et novatrices pour lutter contre l'intimidation et la violence. Plutôt, une telle approche punitive risque malheureusement d'inciter les conseils scolaires, les directeurs d'école, les enseignants et les professionnels à se concentrer strictement à la soumission des chiffres, dates, noms et détails requis pour chaque cas d'intimidation et de violence, et d'effectuer cette tâche dans les délais requis, de peur de se voir imposer des sanctions pécuniaires. De toute évidence, la qualité des approches, la compassion et l'évaluation sérieuse des réels progrès effectués vont devenir des considérations à reléguer au second plan.
Conclusion
À l'instar du ministre, l'ACSAQ est sensible à la nature d'une importance vitale des problèmes énoncés dans le présent projet de loi, de même que l'urgence de s'y attaquer. La dévastation causée par l'intimidation et la violence systématique sur la vie d'enfants innocents est une véritable tragédie. Les talents, les ressources et, oui, l'autorité de l'Etat et de ses institutions doivent être mis à profit de façon à améliorer la situation rapidement. Les résultats crédibles de ces efforts doivent être rapportés, évalués et améliorés encore plus.
Étant donné la sévérité du problème et en reconnaissance de la volonté générale et de l'expertise disponible pour y faire face, l'ACSAQ invite respectueusement la ministre à procéder à une importante révision de ce projet de loi, de façon à produire une version finale qui va véritablement atteindre les objectifs qu'elle s'est fixée pour cet exercice et pour améliorer la sécurité et le bien-être des élèves, des parents et des communiâtes scolaires qui vont en bénéficier.
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1Swearer, Espelage, Vaillancourt & Hymel - What Can Be Done About School Bullying?: Linking Research to Éducational Practice, Éducational Researcher, 2010.
Kim Hamilton
Directrice des communications et des projets spéciaux
514-919-3894
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