Projet de loi 59, Loi concernant le partage de certains renseignements de santé - Il faut trouver un juste équilibre entre l'accès aux renseignements médicaux et la protection de la vie privée, estime le Barreau du Québec
MONTRÉAL, le 7 mai 2012 /CNW Telbec/ - Le Barreau du Québec reconnaît que l'implantation d'un système informatisé de partage de renseignements de santé, tel que le prévoit le projet de loi 59, la Loi concernant le partage de certains renseignements de santé, contribuera à améliorer la qualité et l'efficience du réseau québécois de la santé. « À cet égard, ce système constitue un outil d'excellence dans l'organisation et la dispense des soins et des services de santé », a déclaré le bâtonnier du Québec, Me Louis Masson, Ad. E., alors qu'il présentait, aujourd'hui, les recommandations du Barreau sur ce projet de loi devant la Commission de la santé et des services sociaux. « Mais l'excellence et l'efficacité seront atteintes dans la mesure où ce système de partage des renseignements de santé correspond aux stricts besoins des bénéficiaires et à la condition que son implantation soit effectuée de manière sécuritaire, dans le respect du droit à la protection des renseignements privés », a toutefois ajouté le bâtonnier Masson. « Il est essentiel, pour le Barreau, que ce projet de loi se déploie dans un juste équilibre entre l'accès aux renseignements médicaux et la protection de la vie privée. »
« Le Barreau du Québec a la conviction que le projet de loi 59 entraînera des changements majeurs entre les citoyens québécois et les établissements de santé », a enchaîné Me Masson. « Il faut se rappeler que le principe du secret professionnel est de créer un lien de confiance entre un professionnel et son patient ou son client, lien qui permet à celui-ci de s'exprimer en toute liberté et qui confère à la relation professionnelle sa pleine efficacité. En autorisant l'accès des renseignements de santé à un éventail de professionnels et d'organismes, on remet en question le fondement même du secret professionnel et celui de la protection de la vie privée. Le Barreau demande donc qu'il y ait plus de transparence quant à l'intention législative du projet de loi 59 et que le public soit mieux informé de sa teneur, notamment sur la portée de l'accès à cette information de santé. »
Amélioration du système de santé
« Il est souhaitable qu'un urgentologue qui reçoit un patient inconscient ait un accès instantané à son dossier médical afin de savoir s'il a des allergies ou souffre d'une condition médicale dont il faut tenir compte », a pour sa part indiqué le directeur général, Me Claude Provencher. Par contre, tous les renseignements médicaux accumulés durant la vie de cette personne ne seront pas essentiels pour assurer les soins appropriés qu'elle nécessite à ce moment-là. »
Le Barreau est d'avis que le partage des renseignements de santé assorti d'un système de gestion des ordonnances électroniques de médicament doit avoir comme but, essentiellement, le gain de temps dans le traitement médical et l'élimination du dédoublement des ordonnances, analyses ou examens en laboratoire. À cet égard, il est souhaitable que l'accessibilité des renseignements soit instantanée et que l'utilisation du système soit simple et conviviale afin d'éviter les risques d'erreurs et de confusion. Par ailleurs, le partage des renseignements de santé doit également contribuer à faciliter la communication et la gestion du travail entre les nombreux professionnels, intervenants et équipes multidisciplinaires qui interviennent au sein du réseau de santé.
Un nouveau modèle de pratique des soins de santé
Le Barreau constate que, sous le couvert d'un projet de loi sur la spécificité d'un système informatique, le ministre de la Santé et des services sociaux introduit un paradigme qui redéfinit de façon majeure certains aspects des rapports entre le citoyen et les intervenants des établissements de santé. La mise en place de la banque de données en santé prévue par le projet de loi 59 présente à cet égard un caractère exceptionnel, car cette banque centralisera des renseignements parmi les plus délicats relevant de la vie privée des patients.
Actuellement, la personne qui sollicite des services dans le réseau de la santé le fait auprès d'établissements qui sont régis par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS). Cette loi définit les droits du patient et encadre la transmission et la protection des renseignements personnels. Avec le projet de loi 59, l'usager s'inscrira dans une relation impliquant un nombre beaucoup plus grand d'intervenants autorisés qui auront accès à toute l'information contenue dans son dossier de santé, et ce, incluant des intervenants dont les activités professionnelles ne relèvent pas de la LSSSS. Cette situation exclura, par conséquent, l'application des règles de protection et d'accès à l'information prévues à la LSSSS.
« Voilà une situation qui préoccupe le Barreau, déclare le directeur général, Me Claude Provencher, et qui mérite des éclaircissements, voire une plus grande transparence. »
Informer mieux et plus le public sur les conséquences du projet de loi
Le Barreau regrette l'absence d'une solide campagne d'information auprès du public sur la portée des changements envisagés par le projet de loi 59 relativement à la protection des renseignements privés. Concrètement, le Dossier de santé du Québec (DSQ) est un fragment d'un plan global de partage de renseignements de santé auquel le public est appelé à acquiescer alors qu'il en ignore la portée. Le Barreau estime que l'échéancier pour la réalisation du plan Dossier de santé du Québec est trop accéléré compte tenu de la complexité du projet et du peu d'information mise à la disposition du public.
Le Barreau déplore par ailleurs le manque de documentation de travail et d'études au soutien du projet de loi. Celui-ci contient peu d'explications sur les objectifs du système et les intervenants appelés à se prononcer sur le projet de loi n'ont accès qu'à une quantité limitée d'explications sommaires, simples et vulgarisées en ce qui a trait à une partie du plan DSQ, et non pas une présentation du système et de ses fonctions dans son ensemble.
Définition des renseignements de santé
Le projet de loi 59 prévoit que les renseignements de santé partagés couvriront six domaines cliniques. Toutefois, il n'y a aucune définition générale de la notion de « renseignements de santé ». Le Barreau s'interroge sur la pertinence pour chaque professionnel ou établissement de colliger toute l'information identifiée au projet de loi.
Le Barreau est d'avis que l'ensemble des renseignements pouvant être recueillis dépasse largement « la nécessité de savoir » de l'ensemble des intervenants qui pourraient accéder à ces renseignements. D'autre part, la tendance de tout processus informatique à standardiser la collecte de données risque d'entraîner une façon de faire rigide qui laissera peu ou pas de place aux professionnels pour déterminer la pertinence ou l'utilité de l'information.
Le volume d'information qui pourrait potentiellement être recueilli amène le Barreau à conclure que ce projet de loi vise des collectes qui vont au-delà de la mise sur pied du projet DSQ. Il semble évident que cette collecte de données aura un impact direct sur l'élaboration des politiques, la recherche, l'évaluation et les pratiques professionnelles ainsi que sur de nombreux autres objectifs. Sans se prononcer sur le mérite de ces autres objectifs, le Barreau du Québec s'attend à ce que le législateur et l'État fassent preuve de plus de transparence quant aux buts poursuivis par le projet de loi et informe clairement la population de tous les objectifs et finalités recherchés par ce processus.
Accès à l'information
Le Barreau s'étonne que le projet de loi 59, qui définit les règles relatives à la communication, à l'utilisation et à la conservation des renseignements, ne prévoit pas un accès et une utilisation par le patient des renseignements contenus dans son propre dossier de santé. Un tel accès serait pourtant important pour le patient qui voyage à l'extérieur du Québec, par exemple.
En outre, le Barreau croit que le délai de 45 jours prévu pour communiquer à un citoyen l'information du Dossier de santé Québec est déraisonnable. Il excède le délai de 20 jours imposé aux organismes publics ou parapublics pour répondre à une demande d'accès à l'information. Il est difficile de comprendre pourquoi l'intervenant du réseau de la santé aura un accès instantané au dossier de santé d'un citoyen, alors qu'il faudra 45 jours et peut-être plus à ce citoyen pour accéder à son propre dossier de santé.
Le Barreau du Québec
Le Barreau du Québec est l'Ordre professionnel de quelque 24 000 avocats et avocates. Afin de remplir sa mission qui est la protection du public, le Barreau maximise les liens de confiance entre les avocats et les avocates, le public et l'État. Pour ce faire, le Barreau surveille l'exercice de la profession, fait la promotion de la primauté du droit, valorise la profession et soutient les membres dans l'exercice du droit.
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