Projet de loi C-14 - Le Barreau du Québec formule ses commentaires dans un contexte unique
MONTRÉAL, le 2 mai 2016 /CNW Telbec/ - Le Barreau du Québec soumet ce soir au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes ses commentaires sur le projet de loi C-14, la Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d'autres lois (aide médicale à mourir).
« Ces quelques commentaires sont proposés dans le contexte où une loi provinciale valide (la Loi concernant les soins de fin de vie) encadre déjà l'aide médicale à mourir au Québec », signale la bâtonnière du Québec, Me Claudia P. Prémont, Ad. E. « Ils s'inscrivent donc en tenant compte de la coexistence d'une loi provinciale et d'une loi fédérale, une situation unique au Canada qu'il convient de souligner. »
Clarifier la nature de l'infraction de « conseiller de se donner la mort »
Le projet de loi, estime le Barreau, doit clarifier la teneur exacte de l'infraction de « conseiller une personne à se donner la mort », notamment pour les médecins. Il prévoit une exemption pour plusieurs professionnels de la santé et les personnes aidant le patient relativement à l'infraction d'aider quelqu'un à se donner la mort. Mais il devrait être plus explicite sur le fait que lorsqu'un médecin explique à son patient tous les soins qu'il a à sa disposition, y compris l'aide médicale à mourir, cela ne constitue pas l'infraction de conseiller une personne à se donner la mort.
Pour pouvoir échanger franchement avec leurs patients sur toutes les possibilités de soins, les médecins doivent avoir l'assurance qu'ils ne sont pas vulnérables ou qu'ils ne risquent pas des accusations criminelles. Ils ne pourront informer adéquatement leurs patients que si le projet de loi énonce clairement que cela ne constitue pas une infraction criminelle.
Prescrire ou fournir une substance qui causera la mort d'une personne
Le projet de loi C-14 prévoit que l'aide médicale à mourir inclut le fait, pour un médecin, de prescrire ou de fournir une substance qui causera la mort d'une personne. Celle-ci doit alors s'administrer elle-même cette substance. La loi québécoise n'encadre pas ce type d'aide médicale à mourir (aide au suicide).
Cette façon de procéder telle que prévue par C-14 peut difficilement être arrimée avec les obligations strictes imposées aux professionnels de la santé dans le cadre du projet de loi. Par ailleurs, une aide médicale à mourir prodiguée par un médecin dans de telles conditions pourrait également le placer en contravention de ses obligations déontologiques, notamment à l'égard de ses obligations de suivi et de ne pas abandonner son patient.
Puisque le projet de loi C-14 va très loin quant à l'accès à l'aide médicale à mourir et aux obligations imposées aux professionnels de la santé, le Barreau croit qu'il serait préférable d'arrimer ce type d'aide médicale à mourir et les autres articles du projet de loi qui visent les situations pour lesquelles les professionnels de la santé sont présents et actifs.
Il serait pertinent de penser à des règles pour encadrer davantage l'aide au suicide, par exemple en obligeant les personnes qui assistent le patient lorsque ce dernier s'administre le médicament de le déclarer soit au médecin qui a prescrit le médicament, soit à une autorité publique.
Arrêt Carter
Selon le projet de loi C-14, pour obtenir l'aide médicale à mourir, il doit être démontré qu'une personne est dans une situation médicale caractérisée par un déclin avancé et irréversible de ses capacités et que sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l'ensemble de son état médical, sans pour autant qu'un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie.
Ces critères ne se retrouvent pas dans l'arrêt Carter rendu par la Cour suprême du Canada. Par ailleurs, le critère de mort raisonnablement prévisible pose des difficultés d'interprétation, même en tenant compte des autres critères qui peuvent affecter l'exercice du droit de l'aide à mourir par les patients, car un critère flou peut entraîner des interprétations variables.
Le Barreau croit fermement que le projet de loi devrait être modifié pour respecter les critères de l'arrêt Carter et ainsi éviter des contestations judiciaires qui devront être menées par des personnes qui ne devraient pas avoir à supporter un tel fardeau.
Mesures de sauvegarde excessives
De manière générale, les mesures de sauvegarde prévues par le projet de loi C-14 correspondent dans leurs grandes lignes à celles établies par la loi québécoise. Cependant, celle concernant l'indépendance du témoin à la signature par le patient de sa demande d'aide médicale à mourir paraît inutilement rigoureuse pour le Barreau.
Le témoin n'atteste que de la signature du patient. Il appartient au médecin de s'assurer que le patient lui-même est capable de consentir et que ce consentement est parfaitement libre de toute influence ou pression extérieure. Le Barreau propose de limiter les restrictions quant au choix du témoin aux seuls membres de l'équipe médicale qui administrera l'aide médicale à mourir.
Questions de juridiction
Le projet de loi C-14 prévoit que l'aide médicale à mourir doit être fournie en conformité avec les lois, les règles ou les normes provinciales applicables. La Cour suprême du Canada a affirmé, dans l'arrêt Carter, « […] que les deux ordres de gouvernement peuvent validement légiférer sur des aspects de l'aide médicale à mourir, en fonction du caractère et de l'objet du texte législatif […] ».
Afin d'éviter des problèmes d'application quant aux obligations imposées aux professionnels de la santé, le Barreau estime que lorsqu'une province a valablement légiféré dans le domaine de l'aide médicale à mourir, en conformité avec l'arrêt Carter, le professionnel de la santé qui respecte les exigences procédurales de cette loi devrait être réputé avoir rempli les exigences de la loi fédérale.
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SOURCE Barreau du Québec
Martine Meilleur, coordonnatrice, Service des communications, Barreau du Québec, 514 954-3489 ou [email protected]
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