Projet de loi C-377 modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières) - Une législation posant un sérieux problème de constitutionnalité
MONTRÉAL, le 23 mai 2013 /CNW Telbec/ - Le Barreau du Québec dénonce fermement le projet de loi C-377 modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières) qui, s'il est adopté dans sa forme actuelle, permettra au gouvernement fédéral d'empiéter sur les compétences dévolues aux provinces en matière de relations de travail. Qui plus est : sous le couvert d'une modification de la Loi de l'impôt sur le revenu, le contenu de ce projet de loi porte plutôt sur l'encadrement juridique en matière de droit du travail, qui relève de la compétence des provinces en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867. Le Barreau du Québec estime qu'il pourrait s'agir dans ce cas d'une tentative de contourner les dispositions de la constitution canadienne en matière de relations de travail.
Une législation fiscale?
« Nous estimons que le législateur tente de faire indirectement ce qu'il ne peut faire de manière directe, ce qui constitue une forme de législation déguisée qui n'est pas permise en l'état actuel du droit constitutionnel canadien », a déclaré le bâtonnier du Québec, Nicolas Plourde.
« Malgré son titre, en effet, il paraît difficile de soutenir que l'objectif de ce projet de loi concerne la fiscalité au sens strict du terme. Plutôt, il cherche à obliger les organisations syndicales à fournir des renseignements financiers au gouvernement fédéral et au grand public, une obligation qui représente une nouvelle forme d'encadrement juridique de ces organisations, ce qui tombe sous la compétence des provinces, tel que le prévoit la loi constitutionnelle canadienne », explique pour sa part M Claude Provencher, directeur général.
Rappelons que le projet de loi C-377 propose la modification de la Loi de l'impôt sur le revenu en y insérant une série de dispositions qui obligeraient les organisations syndicales du Canada à présenter une déclaration annuelle rapportant des informations précises concernant l'état de leurs revenus et de leurs dépenses. Les salaires des employés, cadres et administrateurs de ces organisations seraient inclus dans cette déclaration. De plus, toute dépense excédant le montant de 5 000 $ y serait détaillée. Finalement, le ministère rendrait publiques ces informations en les affichant sur son site Internet.
Un représentant du Barreau du Québec a adressé hier, devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, les commentaires et mises en garde de l'Ordre sur le projet de loi C-377. « Certes, nous considérons qu'il est souhaitable d'introduire une plus grande transparence dans la gestion des grandes organisations, mais nous nous questionnons sur le fond et la forme du projet de loi », exposait le bâtonnier Plourde dans une lettre adressée au début de mai à l'Honorable Joseph A. Day, président du comité sénatorial permanent des finances nationales. « On se questionne toutefois, ajoute Me Plourde, sur l'utilité d'un projet de loi qui cherche à résoudre un problème qui n'existe pas en fait ou en droit. »
La liberté d'association et le secret professionnel remis en cause
Outre le problème des compétences juridictionnelles, le Barreau du Québec soulève également celui de la liberté d'association, qui est remise en cause par le projet de loi. « La liberté d'association est au cœur du régime des rapports collectifs de travail », rappelle le bâtonnier Plourde. « Comme l'a rappelé la Cour suprême du Canada, la liberté d'association, c'est-à-dire le droit qu'a toute personne de faire partie d'une association qui poursuit des fins légitimes et de participer à ses activités, est un droit fondamental qui est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que par la Charte des droits et libertés de la personne. Le plein exercice de la liberté d'association implique une absence d'entraves ou d'ingérences extérieures. Ainsi, le Code du travail du Québec contient une série de dispositions qui visent à protéger les dimensions individuelles et collectives de ce droit. » Or, le projet de loi C-377 représente une forme d'ingérence dans les activités d'une association de salariés, car la déclaration de renseignements exposera dans le moindre détail les dépenses encourues dans la gestion de ses activités. De plus, en imposant une déclaration de renseignements sur les opérations et versements de plus de 5 000 $, le projet de loi C-377 implique que le mandat confié par un syndicat à un avocat deviendra public malgré le secret professionnel qui doit lier ce dernier et son client.
Contestation possible devant les tribunaux
Pris dans leur ensemble, plusieurs aspects du projet de loi C-337 posent un sérieux problème de constitutionnalité : menace d'empiètement sur les compétences des provinces en matière de relations de travail, démarche législative prenant la forme d'une tentative de contournement des dispositions canadiennes en cette matière, à la liberté d'association prévues par les chartes ainsi qu'au secret professionnel de l'avocat. « Pour toutes ces raisons, nous considérons que, si le projet de loi C-377 est adopté tel quel, il y a des risques sérieux que sa constitutionnalité soit contestée devant les tribunaux », rappelait le bâtonnier Nicolas Plourde dans sa lettre.
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SOURCE : Barreau du Québec
Martine Meilleur, coordonnatrice
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