Projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour
les adolescents - Le Comité en droit de la jeunesse du Barreau est préoccupé
par le traitement judiciaire réservé aux jeunes contrevenants
MONTRÉAL, le 8 avr. /CNW Telbec/ - À la lecture préliminaire du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, le Comité en droit de la jeunesse du Barreau du Québec exprime sa vive préoccupation quant à la portée de certains des amendements proposés. Le projet de loi déposé en première lecture le 16 mars dernier par le ministre canadien de la Justice Rob Nicholson s'inscrit comme un renforcement de l'actuelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) et se distingue, notamment, en misant essentiellement sur la protection du public et en faisant valoir que les contrevenants mineurs devront répondre de leurs gestes selon des principes et des peines analogues à ceux appliqués chez les adultes accusés d'actes criminels.
La réhabilitation et la réadaptation sociale reléguées au second plan
L'un des amendements les plus lourds de conséquences a pour effet d'élever au premier rang le principe de la protection du public, ce qui modifie considérablement l'orientation de la LSJPA. La réadaptation et la réinsertion sociale des adolescents contrevenants, qui sont, dans l'actuelle loi, les principes déterminants en matière de délinquance juvénile, deviendraient de simples modalités. Alors que la LSJPA s'appuie sur la notion de protection durable du public, en mettant en œuvre des moyens pour supprimer les causes sous-jacentes à la criminalité chez les adolescents et en favorisant la prise de mesures qui leur offrent des perspectives positives, le projet de loi C-4 préconise que les adolescents devront répondre de leurs actes au moyen de mesures proportionnées à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité.
Le Comité en droit de la jeunesse du Barreau estime que la spécificité du droit pénal applicable aux jeunes doit être maintenue et doit continuer de cibler la réadaptation et la réinsertion sociale comme moyen de protéger le public à long terme. Le Comité est par ailleurs inquiet du glissement vers les principes de droit pénal qui guette les jeunes contrevenants. En faisant disparaître la notion de protection durable, estiment les membres du Comité, il faut s'attendre à des modifications dans les déterminations de peine.
Des peines pour dissuader et dénoncer
L'article 7 du projet de loi C-4 ajouterait un alinéa prévoyant que la peine pour un adolescent peut viser à dénoncer un comportement illicite ou à dissuader la récidive. On retrouve ici les mêmes principes de détermination de peine que dans le Code criminel, s'appliquant aux peines des adultes trouvés coupables d'actes criminels. Le Comité en droit de la jeunesse du Barreau rappelle que des études sérieuses ont démontré que l'utilisation de la peine comme élément de dissuasion n'a aucun effet sur la délinquance juvénile.
Par ailleurs le Barreau du Québec défend la spécificité du droit pénal applicable aux adolescents. Rappelons qu'à maintes occasions dans le passé, le Barreau du Québec a signifié son appui à une approche favorisant une attitude moins répressive pour les jeunes tout en recherchant des mesures de traitement appropriées. La reconnaissance d'un système pénal distinct de celui applicable aux adultes constitue la pierre angulaire du modèle législatif historiquement retenu. Cette distinction repose sur la prémisse "qu'en raison de leur âge, les adolescents sont plus vulnérables, moins matures et moins aptes à exercer un jugement moral".
Autres considérations préliminaires
Selon la loi actuelle, le procureur général peut demander au tribunal l'assujettissement de l'adolescent à la peine applicable aux adultes, si celui-ci est ou a été déclaré coupable d'une infraction grave avec violence et qu'il l'a commise après avoir atteint l'âge de 14 ans (16 ans au Québec). Dans ce cas, le procureur doit aviser l'adolescent et le tribunal pour adolescent de son intention de demander l'assujettissement avant la présentation du plaidoyer ou à tout moment avant le début du procès, avec l'autorisation du tribunal.
Le projet de loi C-4 prévoit obliger dorénavant le procureur général à aviser le tribunal s'il n'a pas l'intention de faire une telle demande d'assujettissement et, dans ces circonstances, le procureur devra aviser le tribunal avant la présentation du plaidoyer ou, avec l'autorisation du tribunal, avant le début du procès.
Le Barreau s'est toujours fermement objecté à toute forme d'intrusion indue dans l'indépendance du procureur et croit que l'avis de demande d'assujettissement doit être donné afin de servir les fins de la justice et permettre aux intéressés d'agir en conséquence. La décision du procureur de ne pas demander l'assujettissement n'a pas d'utilité ni de justification.
Également, le Comité en droit de la jeunesse s'oppose à ce que le tribunal lève l'interdiction de publication sur l'identité d'un adolescent lorsque celui-ci est trouvé coupable d'une infraction avec violence. La publication de renseignements permettant d'identifier le jeune et la nature des mesures qui lui ont été imposées est une façon de le stigmatiser, au nom de la notion de dissuasion, et il va sans dire que ce procédé est contraire au principe de réadaptation. Puisque la proposition du projet de loi C-4 vise tous les cas pouvant donner lieu à l'imposition d'une peine spécifique, la majorité des situations portées devant le tribunal seront touchées par ces modifications.
Le Barreau réclame une commission parlementaire
Le Comité en droit de la jeunesse du Barreau du Québec analysera en profondeur le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, dans les jours à venir afin d'émettre des commentaires plus détaillés.
S'intéressant à la question de la justice pénale en matière de jeunesse depuis plus d'un quart de siècle, le Barreau du Québec souhaite vivement être entendu lors du processus de consultation avant l'entrée en vigueur de la loi.
Pour connaître les positions publiques antérieures du Barreau du Québec, notamment la lettre du bâtonnier du Québec au ministre Rob Nicholson datée du 7 juillet 2008 : http://www.barreau.qc.ca/actualites-medias/positions/index.html
Le Barreau du Québec
Le Barreau du Québec est l'Ordre professionnel de quelque 23 000 avocats et avocates. Afin de remplir sa mission qui est la protection du public, le Barreau maximise les liens de confiance entre les avocats et les avocates, le public et l'État. Pour ce faire, le Barreau surveille l'exercice de la profession, soutient les membres dans l'exercice du droit, favorise le sentiment d'appartenance et fait la promotion de la primauté du droit.
Renseignements: Martine Meilleur, coordonnatrice, Service des communications, (514) 954-3489, [email protected]
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