Projet de loi no 2 : Loi resserrant l'encadrement du cannabis - La hausse de l'âge légal : une idée politique, mais pas de santé publique
MONTRÉAL, le 10 déc. 2018 /CNW Telbec/ - Mercredi dernier, le gouvernement allait de l'avant avec son projet de loi haussant l'âge légal pour l'achat et la possession de cannabis et interdisant aussi la consommation dans tous les lieux publics. « Ce projet de loi va à l'encontre des conclusions des consultations ayant eu lieu à travers le Québec et du Forum d'experts qui étaient 60 à 671 % en faveur d'un âge légal cohérent avec celui du tabac et de l'alcool. Est-ce dire que les acteurs de santé publique considèrent le cannabis comme une substance sans risque? Bien sûr que non » mentionne Émilie Dansereau-Trahan, spécialiste de contenus en substances psychoactives à l'Association pour la santé publique du Québec (ASPQ). « C'est plutôt parce qu'il s'agit d'une substance comportant des risques, au même titre que l'alcool et le tabac, qu'il est préférable de l'encadrer que de la laisser sous l'emprise du marché illicite. Plusieurs substances comportant des risques, telles que le tabac, sont légales sans pourtant être banales » rappelle Roxanne Houde, Médecin-résidente en santé publique et médecine préventive et co-présidente de Jeunes médecins pour la santé publique (JMPSP).
Comme le mentionnait le rapport Nolin sur les drogues illicites (2002) : « il demeure difficile de dépasser les attitudes et opinions longtemps tenues pour acquises. (…) les opinions ont tendance à résister aux faits (…) la production des faits, même par la recherche scientifique, n'est pas nécessairement neutre. ». Dans ses recommandations, on y retrouve la nécessité de mettre sur pied une politique publique claire et en même temps tolérante qui sert de guide sans proposer de norme unique. « On est ici dans un cas de figure où des adultes, au sens de la loi depuis 19722, ne sont pas considérés aptes à prendre une décision éclairée pour leur santé, leur bien-être et leur émancipation. Tous ces efforts devraient être investis dans une offre d'information sensible, basée sur la science, non stigmatisante et qui laisse ensuite la personne âgée de 18 ans et plus, en mesure de faire le choix qui répond à ses besoins, valeurs et convient à son mode de vie. Il n'y a aucun argument logique ni scientifique pour que l'âge d'accès au cannabis soit plus tardif que l'âge d'accès à l'alcool ou au tabac » mentionne Jean-Sébastiern Fallu, professeur à l'école de psychoéducation de l'Université de Montréal.
« Les études nous démontrent clairement qu'il est préférable de retarder au maximum la première consommation de cannabis. Il faut donc absolument travailler ensemble pour lutter contre les risques de banalisation. Mais la science de la prévention nous dévoile qu'il y a de meilleurs moyens que la répression. En plus de l'inefficacité de cette mesure, pensons que c'est plus de 40 % des 18-20 ans qui en consomment déjà, soit 110 000 jeunes, qui sont alors contraints de s'approvisionner sur le marché illicite, sans accès à du cannabis de qualité contrôlée » indique Isabelle Samson, médecin spécialiste en santé publique et présidente de l'Association des spécialistes en médecine préventive du Québec (ASMPQ) . « Ces jeunes adultes seront aussi privés des activités de prévention, comme les conseils de consommation responsable donnés par les employés formés de la SQDC. En ignorant les 18-20 ans, la société perd une opportunité de réduire les impacts à la santé de leur consommation » selon David-Martin Millot, Médecin spécialiste en santé publique à la direction de santé publique de la Montérégie et professeur-chercheur en toxicomanie à l'Université de Sherbrooke. « À 18 ans, au Québec, une personne cesse d'être sous l'autorité parentale. Actuellement, l'État considère les personnes âgées de 18 ans et plus comme étant en droit de voter, de consommer de l'alcool et du tabac et d'avoir un permis pour la possession d'une arme à feu, mais l'État continuera de sévir pour le cannabis avant 21 ans, parce qu'il veut leur bien … Il y a manque de cohérence » rappelle Émilie Dansereau-Trahan de l'ASPQ. « C'est en prévention qu'il faut investir si le gouvernement souhaite réellement avoir un impact sur la santé des jeunes et non pas dans des mesures répressives » indique Robert Perreault, psychiatre membre de l'ASMPQ.
Signataires :
Émilie Dansereau-Trahan, spécialiste de contenus en substances psychoactives à l'ASPQ
Jean-Sébastiern Fallu, professeur à l'école de psychoéducation de l'Université de Montréal
Roxanne Houde, Médecin-résidente (R3) - Programme de santé publique et médecine préventive et présidente de JMPSP
David-Martin Millot, Médecin spécialiste en santé publique à la direction de santé publique de la Montérégie et professeur-chercheur en toxicomanie à l'Université de Sherbrooke
Robert Perreault, psychiatre membre de l'ASMPQ
Isabelle Samson, médecin spécialiste en santé publique et présidente de l'ASMPQ
À propos de l'Association pour la santé publique du Québec (ASPQ)
L'ASPQ regroupe citoyens et partenaires pour faire de la santé durable, par la prévention, une priorité.
L'ASPQ soutient le développement social et économique par la promotion d'une conception durable de la santé et du bien-être. La santé durable s'appuie sur une vision à long terme qui, tout en fournissant des soins à tous, s'assure aussi de les garder en santé par la prévention. www.aspq.org.
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1 http://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2017/17-236-20W.pdf
2 http://www4.gouv.qc.ca/fr/Portail/citoyens/programme-service/Pages/Info.aspx?sqctype=sujet&sqcid=495
SOURCE Association pour la santé publique du Québec (ASPQ)
Émilie Dansereau-Trahan, Spécialiste de contenu, Association pour la santé publique du Québec, Téléphone : 514 528-5811, poste 232, Cellulaire : 514-799-7901, Courriel : [email protected]
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