Projet de loi no 20 - Quel avenir pour la médecine familiale?
MONTRÉAL, le 13 déc. 2014 /CNW Telbec/ - « Le projet de loi no 20 déposé récemment par le ministre de la Santé et des Services sociaux constitue une atteinte directe à l'autonomie professionnelle et aux standards les plus élevés de pratique des médecins de famille, a déclaré aujourd'hui le président de la Fédération des médecins résidents du Québec, le Dr Joseph Dahine. Par le biais des mesures qu'il propose, a-t-il poursuivi, le Ministre s'attaque directement à la relation médecin-patient et aux règles de l'art de cette discipline qui favorise l'écoute et la prise en charge des individus en première ligne ».
Le Dr Dahine indique que la relève médicale, et plus particulièrement les résidents en médecine familiale, déplore les problèmes d'accès aux soins de première ligne. Toutefois, ceux-ci ne croient pas que le Ministre ait identifié la bonne cible. Au lieu de s'attaquer à des problèmes connus depuis longtemps en limitant la capacité des médecins à répondre à la demande, il s'attaque aux individus qui, jour après jour, accueillent des patients dans leur cabinet, à l'hôpital, à l'urgence ou encore, qui les visitent à domicile.
Le président de la FMRQ rappelle aussi que la complexité des conditions de santé de la population ajoute au défi que doivent relever les médecins de famille. Personnes âgées et malades chroniques, entre autres, sont des clientèles vulnérables et qui exigent plus de temps de la part du médecin pour bien comprendre et conseiller son patient. « Affirmer à la population que d'obliger un médecin de famille à maintenir une clientèle importante en nombre résoudra les problèmes d'accès aux soins de santé, c'est de la poudre aux yeux, de dire le Dr Dahine. Au contraire, cela mettrait en péril les services traditionnellement offerts aux clientèles les plus vulnérables, comme nos aînés ou nos patients souffrant de problèmes de santé mentale, notamment à cause des pénalités liées aux taux d'assiduité». Les menacer en plus de réduire leur rémunération en fonction d'un nombre X de patients inscrits à leur nom devient inacceptable, d'autant plus que les jeunes médecins en début de pratique prendront plus de temps pour apprendre à bien connaître leurs patients qui seront tous nouveaux pour eux. Les médecins résidents n'accepteront pas que le Ministre instaure des clauses orphelin déguisées. La situation s'est déjà produite en 1995, et le gouvernement a dû retirer ces clauses par la suite. Au lieu de valoriser la médecine familiale et d'aider les médecins de famille à optimiser leur pratique, on les punit de ne pas avoir le temps de voir plus de patients, on les punit de prendre le temps de voir ceux qui sont les plus malades et on les punit de les référer à d'autres spécialistes. Où se trouve le bénéfice pour ces patients ?
De surcroît, le projet de loi 20 est encore plus insidieux. En effet, il pourrait avoir un impact majeur sur la qualité de la formation de nos médecins de famille, a soutenu le docteur Dahine. Le rythme accéléré demandé aux médecins de famille en pratique pour voir leurs patients pénalisera ceux qui dispensent de l'enseignement à la relève médicale et pourrait réduire le temps de supervision et de formation qui a été mis en place pour assurer la qualité de la formation en médecine, formation qui se dispense dans les établissements de santé ainsi que dans les unités de médecine familiale, où les médecins résidents font l'apprentissage du travail en cabinet de médecin. « Si le gouvernement souhaite favoriser un retour des omnipraticiens en cabinet, dans la communauté, pour que la première ligne puisse être assurée à l'extérieur des centres hospitaliers lorsque possible, il n'a pas trouvé la meilleure façon de le faire. Il ne tient également pas compte du contexte historique qui a mené à la création des activités médicales particulières (AMP), qui ont obligé les médecins de famille à délaisser partiellement la prise en charge pour combler les ruptures de services dans les hôpitaux des nombreuses régions du Québec », d'insister le docteur Dahine.
De plus, la FMRQ ne peut s'empêcher de soulever un questionnement sur l'impact que ce projet de loi aura sur nos docteures. Compte tenu de la féminisation en médecine, le projet de loi 20 aura-t-il pour effet de pénaliser celles qui débuteront leur pratique en même temps qu'elles fonderont leur famille ? Si c'est le cas, il s'agit d'une bien mauvaise nouvelle pour la société québécoise. En effet, nos valeurs au Québec ont fait en sorte que les femmes, aujourd'hui, n'ont plus à choisir entre leur carrière et leur famille. On devrait plutôt être fiers de notre ouverture et de notre société qui a choisi que les femmes, qu'elles soient médecins ou autres, puissent bénéficier des mêmes opportunités que leurs collègues hommes.
En conclusion, les médecins de famille privilégient une approche personnalisée et humaine pour examiner et traiter un patient en première ligne. C'est d'ailleurs de cette façon qu'ils sont formés. S'ils voulaient maximiser leurs revenus, ils en verraient plus en moins de temps pour répondre à la demande. « Cela répondrait peut-être aux attentes du Ministre, mais est-ce que cela serait acceptable pour la population. En tout cas, ce ne l'est certainement pas pour les médecins de famille que les résidents en médecine familiale souhaitent devenir ».
La Fédération des médecins résidents du Québec
La Fédération des médecins résidents du Québec regroupe les quatre associations de médecins résidents des facultés de médecine de Montréal, McGill, Sherbrooke et Laval à Québec. Elle compte quelque 3 800 membres, dont le quart se destine à une pratique en médecine familiale. Les autres poursuivent une formation dans l'une des 53 autres spécialités reconnues au Québec. De ce nombre, 39 % sont des hommes et 61 %, des femmes. La durée de la formation postdoctorale en médecine familiale est de deux ans; celle des médecins spécialistes varie de cinq à six ans, selon la spécialité choisie.
SOURCE : Fédération des médecins résidents du Québec
Source : Dr Joseph Dahine, président, Fédération des médecins résidents du Québec; Renseignements et entrevues : Johanne Carrier, Conseillère en communications, Fédération des médecins résidents du Québec, Cellulaire : 514 591-0502, Téléavertisseur : 514 751-9983, Bureau : 514 282-0256 ou 1 800 465-0215, Courriel : [email protected]
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