Projet de loi no 46 concernant les enquêtes policières indépendantes - Une proposition qui n'assure ni l'indépendance, ni l'impartialité, ni la crédibilité des enquêtes
QUÉBEC, le 27 févr. 2012 /CNW Telbec/ - « Pour l'essentiel, le Projet de loi no 46 n'apporte pas de changement à la procédure actuelle : c'est toujours un autre corps policier qui sera désigné pour mener l'enquête sur les incidents graves impliquant les policiers. La solution proposée, soit celle d'un Bureau civil de surveillance, n'assure pas l'indépendance, l'impartialité et la crédibilité des enquêtes » a expliqué aujourd'hui la protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, à l'occasion des consultations particulières et des auditions publiques sur ce projet de loi.
Le Bureau civil de surveillance proposé dans le projet de loi 46 ne règle rien :
- Les enquêtes sur les policiers continuent d'être menées par des policiers.
- Il n'y a pas de disposition permettant de réglementer les responsabilités et obligations des policiers impliqués, des policiers témoins et des directeurs de services de police (par exemple l'interdiction des policiers impliqués de communiquer entre eux) afin de garantir leur application uniforme et leur respect par des sanctions pénales.
- Le Bureau n'aurait pas les pouvoirs suffisants pour remplir adéquatement le mandat qui lui serait confié. L'observateur civil ne pourrait communiquer ni avec les enquêteurs, ni avec les policiers visés par l'enquête, et n'aurait aucun pouvoir d'enquête propre. Comment pourrait-il alors se prononcer sur l'impartialité de l'enquête?
- En cas d'impartialité constatée, l'enquête serait reprise par un autre corps de police, avec la contrainte importante que les éléments de preuve risquent d'avoir été contaminés ou de s'être détériorés par l'effet du temps ou autrement.
- Le Bureau ne disposerait pas de l'autonomie d'action lui permettant d'agir de manière indépendante.
Par ailleurs, la notion de blessure grave n'est pas définie et le champ d'application des incidents donnant lieu à une enquête ne couvre pas, notamment, les blessures résultant de l'utilisation d'un dispositif à impulsion électrique (Taser).
Madame Saint-Germain a indiqué aux membres de la Commission qu'« en qualifiant d'"indépendantes" les enquêtes qui seront conduites, sans apporter de changements substantiels à la procédure en vigueur, le projet de loi perpétue un état de fait qui est à l'origine de tous les malaises ».
En 2010, le Protecteur du citoyen a examiné en profondeur la procédure d'enquête en vigueur et son analyse l'a amené à conclure à un manque de crédibilité. Aujourd'hui, il constate que la solution proposée est insatisfaisante en regard des critères suivants : l'indépendance, l'impartialité, l'application cohérente de règles formelles, la transparence du processus et des résultats, la surveillance et l'imputabilité. Il réitère que la seule solution durable et efficace consiste à associer des enquêteurs civils qualifiés aux enquêteurs policiers dans la réalisation même des enquêtes. L'Alberta, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse se sont d'ailleurs engagées récemment dans cette voie, comme l'a fait l'Ontario il y a plusieurs années.
Dans son mémoire déposé aujourd'hui, la protectrice du citoyen formule neuf recommandations en vue de bonifier le projet de loi no 46, dans l'intérêt du public et des policiers (pour le libellé précis et complet des recommandations, voir les pages 41 et suivantes du mémoire) :
- Confier la responsabilité de réaliser les enquêtes criminelles sur ces incidents à un organisme indépendant, sous la direction d'un directeur civil. L'organisme inclurait des enquêteurs civils, dont d'anciens policiers ainsi que des civils qualifiés en droit criminel et en techniques d'enquêtes.
- Prévoir que la nomination du directeur de l'organisme indépendant relève de l'Assemblée nationale.
- Rattacher l'organisme indépendant, pour ses aspects administratifs, au ministre de la Justice.
- Remplacer la fonction d'observateur civil par celle d'enquêteur civil, ayant un statut d'agent de la paix et participant à part entière à ces enquêtes.
- Prévoir une définition de blessure grave et inclure les blessures causées par un dispositif à impulsion électrique (Taser) ainsi que les allégations d'agression sexuelle commise dans l'exercice des fonctions.
- Mandater l'École nationale de police pour assurer la formation adaptée des enquêteurs civils déjà qualifiés.
- Réglementer les responsabilités, les droits et les obligations des intervenants impliqués.
- Prévoir une sanction pénale en cas de non-respect des obligations inscrites au règlement.
- Inclure une disposition permettant au directeur de l'organisme indépendant de faire des commentaires publics sur les enquêtes qu'il mène, de formuler toute recommandation qu'il juge pertinente dans l'exercice de son mandat et de rendre public un sommaire d'enquête.
Selon la protectrice du citoyen, « les policiers et policières, qui font un travail exigeant, accompli dans des conditions souvent difficiles, seraient les premiers à bénéficier d'un système d'enquête qui suscite la confiance et le respect de la population ». Elle a conclu en appelant le législateur à s'assurer que la solution proposée soit efficace : « À partir de l'éclairage constructif des participants à cette commission, j'ai confiance que celle-ci saura faire adopter un projet de loi bonifié dans des délais raisonnables. Cela serait dans le meilleur intérêt de tous ».
Le Protecteur du citoyen
Joanne Trudel, directrice des communications, 418 644-0510
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www.protecteurducitoyen.qc.ca
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