Projet de loi sur la gratuité scolaire - Le ministre de l'Éducation consacrera l'école à trois vitesses!
QUÉBEC, le 20 mars 2019 /CNW Telbec/ - La Fédération autonome de l'enseignement (FAE) déplore que le projet de loi no 12, visant à préciser la portée du droit à la gratuité scolaire et à permettre l'encadrement de certaines contributions financières pouvant être exigées, permette au ministre de l'Éducation de consacrer l'école à trois vitesses. C'est pourquoi elle exige le retrait de l'article 1, afin d'inclure les projets pédagogiques particuliers dans l'offre de services éducatifs gratuits. Autrement, ce projet de loi ne fera qu'accentuer les inégalités sociales et économiques des jeunes du Québec, tel que démontré dans le mémoire présenté par la FAE à la Commission de la culture et de l'éducation de l'Assemblée nationale d'aujourd'hui.
Le projet de loi propose de modifier l'article 3 de la Loi sur l'instruction publique (LIP) en ajoutant que « le droit à la gratuité des services éducatifs prévu au présent article ne s'étend pas aux services dispensés dans le cadre de projets pédagogiques particuliers et aux activités scolaires déterminées par règlement du ministère, dans la mesure et aux conditions qui y sont prévues ». Or, de 2002 à 2013, le nombre d'élèves du secondaire inscrits dans un de ces projets est passée de 14,4 % à 17,2 % et le phénomène semble gagner de l'ampleur au primaire. De plus, peu importe le niveau scolaire, les frais demandés aux parents atteignent régulièrement plusieurs centaines, voire même des milliers de dollars. Sachant qu'en 2015, 71,4 % des contribuables québécois avaient un revenu annuel inférieur à 50 000 $, dont 34,2 % est inférieur à 20 000 $, il est facile de comprendre que de tels frais sont loin d'être à la portée de toutes les bourses.
Par ailleurs, seulement 6 % des élèves des écoles publiques du Québec fréquentent des écoles favorisées, contre 20 % au Canada. C'est aussi 72 % de l'effectif des écoles privées qui vient de milieux favorisés (dont les revenus sont de 100 000 $ ou plus). Ainsi, par ce projet de loi, le ministre consacrera le principe de l'école à trois vitesses : l'école privée, qui sélectionne ses élèves et qui est financée à 70 % par des fonds publics, les projets pédagogiques particuliers, dont les frais prohibitifs rendent ces programmes aussi sélectifs que l'école privée, et la classe « ordinaire ». Dans les faits, la classe ordinaire, souvent composée d'une population scolaire combinant plusieurs facteurs de risque socioéconomiques en plus d'une haute concentration d'élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage (EHDAA) pratiquement exclus des écoles privées, qui fera le plus les frais du projet de loi no 12. Rappelons que l'article 4 de la LIP garantit aux parents le choix d'une école de la commission scolaire qui répond à leur préférence. Or, pour de nombreux parents et élèves, même des frais modérés rendent déjà l'exercice de ce droit impossible.
« L'article 3 de la LIP est le socle de la gratuité scolaire au Québec et le modifier serait une brèche inacceptable. Il revient à l'État de garantir le maintien, l'accessibilité, l'universalité et la gratuité des services publics sans aucune concession aux intérêts privés et marchands. Or, cette offre diversifiée conduit directement à une logique de quasi-marché et à une tendance au regroupement des élèves en fonction de leur profil scolaire. De nombreux maux et iniquités rongent déjà l'école publique. Nous invitons donc le ministre de l'Éducation à réviser son projet de loi de façon à ne pas dénaturer un des principes fondamentaux de l'école moderne et ouverte, héritière du rapport Parent, soit la réelle gratuité scolaire pour tous les services éducatifs. Ne pas le faire irait à l'encontre du droit à l'éducation et des traités signés liant le gouvernement du Québec », a déclaré Nathalie Morel, vice-présidente à la vie professionnelle à la FAE.
« Liberté de choix »
Dans un tel contexte, la liberté de choix, invoquée par plusieurs, ne profite essentiellement qu'aux familles déjà favorisées et contribue aux inégalités scolaires et sociales. Un tel principe rejette toutes considérations éthiques, philosophiques et pédagogiques propres au monde l'éducation. Que la concurrence soit entre le privé et le public ou entre les écoles publiques, elles-mêmes, elle nuit à la qualité des services offerts aux élèves québécois.
« Lors de son discours du trône, en novembre dernier, le premier ministre François Legault a précisé que sa « grande ambition [était] de donner à chacun de nos enfants les moyens d'aller au bout de son potentiel ». Nous nous attendons donc à ce que les travaux menés par le ministre Roberge sur la gratuité scolaire soient guidés par la volonté de protéger et de valoriser l'école publique québécoise, la seule capable d'assurer l'égalité des chances. Autrement, ce ne seront que de belles paroles », a ajouté Sylvain Mallette, président à la FAE.
La FAE regroupe neuf syndicats qui représentent plus de 43 000 enseignantes et enseignants du préscolaire, du primaire, du secondaire, de l'enseignement en milieu carcéral, de la formation professionnelle, de l'éducation des adultes et le personnel scolaire des écoles Peter Hall et du Centre académique Fournier, ainsi qu'un millier de membres de l'Association de personnes retraitées de la FAE (APRFAE). Elle est présente dans sept régions : Montréal, Laval, Québec et Outaouais, dans lesquelles se trouvent les quatre plus grands pôles urbains du Québec, ainsi que dans les Laurentides, l'Estrie et la Montérégie.
SOURCE Fédération autonome de l'enseignement (FAE)
Marie-Josée Nantel, conseillère en communication, au 514 603-2290, ou à [email protected]
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