MONTRÉAL, le 20 sept. 2022 /CNW Telbec/ - La Fédération autonome de l'enseignement (FAE) déplore que les partis politiques du Québec, depuis le 28 août 2022, n'aient pas fait de l'éducation une priorité dans leurs promesses électorales, ignorant ainsi les besoins criants d'un million d'élèves, jeunes et adultes, mais aussi ceux des personnels de l'éducation, dont les enseignantes et les enseignants. La FAE invite donc les chefs de tous les partis politiques à entamer une vraie campagne électorale lors de laquelle ils débattront d'enjeux fondamentaux en éducation, comme la mise en place d'un système scolaire équitable.
Le ministère de l'Éducation (MEQ) constitue le deuxième poste budgétaire du gouvernement québécois, après celui du ministère de la Santé et des Services sociaux. Logiquement, cette importance aurait dû se refléter dans les enjeux abordés dans le cadre de la campagne électorale alors que le système scolaire du Québec croule sous les problèmes. Or, selon Mesure Média, une entreprise québécoise qui détermine les gains et les déficits de réputation dans les médias, le sujet de l'éducation n'a récolté qu'un maigre 9 % des mentions dans les médias traditionnels depuis le début de la campagne électorale. Même le sujet du 3e lien à Québec a damné le pion à l'éducation.
« Depuis le mois d'août, les partis politiques promettent d'investir des millions de dollars dans les infrastructures et la santé, pour contrer l'inflation, pour lutter contre la pénurie de main-d'œuvre, etc. Pourtant, la plus grande richesse dans laquelle un gouvernement devrait investir est son peuple et son éducation. Les partis politiques n'ont aucune excuse : les problèmes dans le milieu de l'éducation sont connus de tous et des solutions existent. Quand débutera la vraie campagne électorale? », se questionne Mélanie Hubert, présidente de la FAE, alors que les élections auront lieu dans moins de deux semaines.
Sur les 129 minutes qu'aura duré le premier débat des chefs, diffusé jeudi dernier à TVA, les chefs des partis politiques n'auront débattu d'éducation que 14 minutes. « Comment voulez-vous intéresser les jeunes à la démocratie si la classe politique ne s'intéresse pas à eux? C'est la meilleure façon de cultiver l'indifférence. De plus, les chefs abordent trop souvent la question de la pénurie de main-d'œuvre, comme celle de la profession enseignante, sous l'angle des augmentations de salaire, qui ne permettent même pas encore d'atteindre la moyenne canadienne. C'est de la poudre aux yeux! Les enseignantes et enseignants demeureront dans le système scolaire ou bien les jeunes profs grossiront les rangs grâce à de meilleures conditions de travail, comme un allègement de la tâche enseignante recentrée sur l'enseignement », de souligner madame Hubert.
« Il reste deux semaines aux partis politiques pour corriger le tir et débattre d'éducation. Les chefs auront une dernière chance, le 22 septembre, lors du deuxième débat des chefs, pour proposer des solutions structurantes et pertinentes aux maux de l'éducation. Ils ne peuvent pas la manquer », conclut-elle.
Pour la Fédération autonome de l'enseignement, voici les priorités qui devraient être discutées dans le cadre d'une campagne électorale digne de ce nom.
L'école québécoise est une des plus inégalitaires au Canada. Ceci est notamment causé par le nombre élevé d'élèves du secondaire fréquentant un établissement privé. L'école à trois vitesses existe au Québec, même l'ONU le reconnaît et s'en inquiète. En 2019-2020, 12 % des élèves québécois fréquentaient l'école privée, dont 20 % au secondaire, alors qu'en Ontario ce chiffre est de seulement 7 %. En plus, l'école privée québécoise, qui sélectionne ses élèves, est la plus financée au Canada. Pour chaque 3 $ que le Québec met dans ses écoles publiques, il met au bas mot plus de 2 $ d'argent public au privé.
Comme si ce n'était pas assez, en 2021, le pourcentage d'élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (HDAA) au secondaire dans le réseau public s'élevait à 31,5 %. Dans le réseau privé, si nous excluons les écoles spécialisées financées à 100 % par l'État, ce taux s'élèverait à 15,9 %. Les écoles privées ne font clairement pas leur part!
On sait que l'école privée sert surtout les familles favorisées : 72 % des élèves fréquentant ces établissements proviennent de ces milieux.
Les solutions de la FAE : mettre en place la fin du financement public des écoles privées et rendre l'école publique entièrement gratuite, incluant l'ensemble des frais des programmes pédagogiques particuliers.
Le sous-financement des dernières décennies a entraîné des conséquences dramatiques dans le milieu de l'éducation. Les coupes dans le financement du système scolaire ont entraîné des compressions de près de 1,5 G$ de dollars entre 2010 et 2016.
Les investissements directs dans les écoles depuis 2018 couvrent à peine les coûts de système. Les réformes successives d'uniformisation de la taxe scolaire ont entraîné des pertes de revenus de près de 5 G$ pour le MEQ depuis 5 ans.
Le parc scolaire du Québec se démarque par la vétusté de ses bâtiments qui est quatre fois plus importante que celle des bâtiments du réseau de la santé. Le déficit d'entretien de l'immobilier scolaire ne cesse de se creuser malgré les sommes annoncées, 59 % des bâtiments scolaires seront encore dans un état jugé inacceptable (D ou E) en 2022-2023, soit 3 % de plus qu'en 2021-2022.
La solution de la FAE : le Québec a un urgent besoin d'investissements massifs dans les écoles publiques, avec une croissance constante et prévisible, tenant compte de l'inflation, de l'augmentation des effectifs et des importants retards à combler.
Enseigner dans le système d'éducation actuel représente une charge de travail colossale, qui ne se limite pas aux moments en classe avec les élèves. L'aménagement du temps s'avère souvent complexe. Il faut non seulement considérer tous les imprévus possibles, mais aussi les ajustements aux horaires et les échanges impromptus avec des tiers, l'adaptation au numérique, l'organisation du travail qui se traduisent souvent par une surcharge mentale. On sait que l'enseignement est une des professions les plus touchées par la détresse psychologique et il est évident que la charge de travail a un impact important sur la santé mentale des profs.
Les ressources insuffisantes font en sorte que les enseignantes et enseignants doivent régulièrement combler ce manque pour tenter d'assurer malgré tout le bon fonctionnement des classes et l'épanouissement des élèves. De plus, les divers services finissent souvent par alourdir la tâche, notamment en raison des multiples suivis à effectuer.
Il faut également considérer la composition même de la classe qui est un facteur important dans le calcul de la charge de travail; les élèves HDAA demandent forcément plus de temps et de travail, et la composition des classes doit en tenir compte.
Il est important de considérer aussi que les profs, comme tous les autres travailleurs et travailleuses, ont une vie personnelle qui doit être respectée. La conciliation travail et vie personnelle fait encore cruellement défaut dans l'ensemble de la profession.
Les solutions de la FAE : la charge de travail doit être revue pour être raisonnable et recentrée sur l'enseignement. La composition des classes doit refléter des proportions plus réalistes. La conciliation travail et vie personnelle des profs doit également être mise de l'avant.
L'accès à un logement adéquat et de qualité, à un revenu ménager qui permet de dépasser le seuil de faible revenu, à un filet social qui permet de pallier les aléas de la vie (maladie, mortalité, accident, etc.) sont des conditions de vie de base pour la réussite éducative des élèves.
C'est une responsabilité collective de permettre à nos enfants les plus vulnérables d'accéder à la diplomation en leur offrant les outils, les services et le soutien pour y parvenir. L'accès universel à des services publics de qualité ainsi qu'à des programmes sociaux ciblés et à la hauteur du coût réel de la vie sont les piliers essentiels d'une société juste et développée.
La santé budgétaire du Québec est excellente et le poids de la dette nette est en dessous de la moyenne de celles des autres États de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
La solution de la FAE : la recherche de l'équilibre budgétaire et du remboursement de la dette ne doit pas se réaliser au détriment du financement des services publics. La Loi sur l'équilibre budgétaire et les versements au Fonds des générations doivent être revus, les sommes qui y sont versées doivent être réinvesties dans les services publics, prioritairement en éducation.
La FAE regroupe neuf syndicats qui représentent plus de 60 000 enseignantes et enseignants du préscolaire, du primaire, du secondaire, de l'enseignement en milieu carcéral, de la formation professionnelle, de l'éducation des adultes et le personnel scolaire de l'École Peter Hall et du Centre académique Fournier, ainsi que 2 600 membres de l'Association de personnes retraitées de la FAE (APRFAE). Elle est présente dans les régions de Montréal, de la Capitale-Nationale, de Laval, de l'Outaouais, des Laurentides, de l'Estrie et de la Montérégie, où se situent les quatre plus grands pôles urbains du Québec.
SOURCE Fédération autonome de l'enseignement (FAE)
Marie-Josée Nantel, conseillère aux communications, [email protected] | 514 709-7763
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