MONTRÉAL, le 22 mai 2014 /CNW Telbec/ - Au cours des dernières décennies, les techniques de neurostimulation telles que la stimulation transcrânienne à courant direct (tDCS) ont peu à peu gagné l'intérêt du grand public. Dans un nouveau rapport, publié hier dans la prestigieuse revue scientifique Neuron, des experts en éthique à l'IRCM soulèvent des questions importantes quant à l'augmentation de la couverture médiatique de la tDCS dans un contexte où il y a un manque d'action réglementaire et que plusieurs questions éthiques doivent être abordées.
La tDCS (transcranial direct current stimulation) est une forme non invasive de neurostimulation lors de laquelle un faible courant constant est induit directement à une partie du cerveau à l'aide de petites électrodes. Développé à l'origine pour aider les patients avec des lésions cérébrales comme un accident vasculaire cérébral, la tDCS est maintenant également utilisée pour améliorer la langue et la capacité mathématique, la durée d'attention, la résolution de problèmes, la mémoire, la coordination et même les habilités au jeu vidéo. Le rapport indique que, récemment, la tDCS a été annoncée comme étant un dispositif thérapeutique et d'amélioration des performances cognitives « portable, sans douleur, abordable et sécuritaire », ce qui a créé beaucoup d'enthousiasme auprès du grand public et du milieu académique.
« Malgré ces affirmations, il est difficile de prévoir les effets de la tDCS. La sécurité et l'efficacité de la tDCS ont seulement été démontrées dans des environnements contrôlés en laboratoire et, sans supervision, l'utilisation de la tDCS pour l'amélioration des performances cognitives pourrait entraîner de graves effets indésirables, tels que la paralysie respiratoire » a expliqué Eric Racine, Ph. D., directeur de l'unité de recherche en neuroéthique à l'IRCM et superviseur du projet de recherche.
Le rapport démontre que la quantité d'information disponible au public sur la tDCS a augmenté de façon ahurissante au cours des dernières années, à la fois dans les articles académiques et dans les médias imprimés. Les chercheurs de l'IRCM ont analysé l'information disponible et ont trouvé un écart considérable dans le ton et l'orientation des articles académiques par rapport à ceux de la presse écrite.
Alors que les articles académiques étaient axés sur l'utilisation thérapeutique et expérimentale de la tDCS, la discussion dans les articles de la presse écrite se concentraient principalement sur l'amélioration des performances cognitives, ainsi que sur les applications thérapeutiques. Par ailleurs, les propos des médias étaient optimistes, contenant très peu d'information sur les enjeux éthiques, les limites thérapeutiques ou les effets secondaires potentiels, tandis que les articles académiques offraient habituellement un discours plus équilibré.
« Nous avons trouvé, dans les titres d'articles de la presse écrite, de fortes déclarations potentiellement trompeuses à propos des applications et des effets réels de la tDCS. Dans l'ensemble de notre échantillon d'articles, seulement 3,5 % d'entre eux recommandaient la prudence ou citaient la possibilité d'effets indésirables » a dit Veljko Dubljevic, Ph. D., stagiaire postdoctoral à l'unité de recherche en neuroéthique à l'IRCM et premier auteur du rapport.
Compte tenu de l'absence de réglementation régissant l'utilisation de la tDCS, le rapport explique que les discours académique et de la presse écrite pourraient influencer la perception du public quant aux risques et avantages de la tDCS, inspirer l'adoption de cette technologie et, par conséquent, avoir un impact négatif sur la surveillance réglementaire et l'éthique.
« Avec l'évolution rapide de la tDCS dans le domaine public et le milieu académique, nous recommandons trois champs d'action pour lutter contre les conséquences sociales, éthiques et politiques. D'abord, pour réduire les malentendus au sujet de la tDCS, les associations professionnelles, les chercheurs et les organismes gouvernementaux devraient travailler à accroître les connaissances neuroscientifiques en fournissant des données neutres et impartiales au public et aux médias. Ensuite, les dispositifs, ainsi que leur commercialisation et leur fabrication, doivent être surveillés et réglementés. Il y aurait aussi lieu de développer des programmes de formation et d'octroi de licences. Finalement, nous croyons que les médecins et autres cliniciens devraient s'engager activement dans la discussion sur les aspects éthiques, cliniques et politiques de la tDCS » a ajouté le Dr Dubljevic.
« Le manque de réglementation actuel rend la tDCS facilement disponible dans plusieurs pays en tant que service, produit ou même comme dispositif fait maison, et ce, sans direction des décideurs. Il y a donc un besoin urgent de répondre aux aspects politiques et réglementaires de la tDCS » a conclu le Dr Racine.
À propos de l'étude
Ce projet de recherche a été subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines. Les auteurs du rapport comprennent également Victoria Saigle, assistante de recherche à l'IRCM dans l'unité de recherche en neuroéthique. Pour plus d'information, veuillez consulter l'article publié en ligne par Neuron : http://www.cell.com/neuron/abstract/S0896-6273(14)00389-4.
À propos d'Eric Racine
Eric Racine est professeur agrégé de recherche IRCM et directeur de l'unité de recherche en neuroéthique. Il a obtenu son doctorat en sciences humaines appliquées (option bioéthique) de l'Université de Montréal. Le Dr Racine est professeur-chercheur agrégé au Département de médecine (accréditation en médecine sociale et préventive et en bioéthique) de l'Université de Montréal. Il est aussi professeur associé au Département de médecine (Division de la médecine expérimentale) et au Département de neurologie et de neurochirurgie de l'Université McGill. Le Dr Racine est membre affilié de l'unité d'éthique biomédicale de l'Université McGill. Il est chercheur-boursier du Fonds de recherche du Québec - Santé. Le Dr Racine poursuit des travaux de recherche visant à améliorer, sur le plan de l'éthique, la qualité des soins de santé, la pratique de recherche et la communication publique dans le domaine des neurosciences cliniques et fondamentales. Pour plus d'information, visitez le www.ircm.qc.ca/racine.
À propos de Veljko Dubljevic
Veljko Dubljevic est un stagiaire postdoctoral dans l'unité de recherche en neuroéthique à l'IRCM. Il a obtenu un doctorat en sciences politiques et théorie politique de l'Université de Belgrade et soutiendra sa thèse en juin pour un doctorat en philosophie et neuroéthique des Universités de Tübingen et Stuttgart. Les recherches du Dr Dubljevic se concentrent principalement sur l'éthique des neurosciences et de la technologie et les neurosciences de l'éthique. Ses intérêts de recherche comprennent aussi la bioéthique, la théorie politique, la théorie morale, l'éthique des affaires et la philosophie du droit. Il a publié plus de 30 articles sur la philosophie morale, légale et politique et sur la neuroéthique. Il s'engage aussi dans les activités de l'International Neuroethics Society (INS) et est membre du comité de communication de l'INS.
À propos de l'IRCM
Créé en 1967, l'Institut de recherches cliniques de Montréal (www.ircm.qc.ca) regroupe aujourd'hui 35 unités de recherche spécialisées dans des domaines aussi variés que l'immunité et les infections virales, les maladies cardiovasculaires et métaboliques, le cancer, la neurobiologie et le développement, la biologie intégrative des systèmes et la chimie médicinale, et la recherche clinique. Il compte aussi quatre cliniques spécialisées, huit plateaux technologiques et trois plateformes de recherche dotées d'équipement à la fine pointe de la technologie. Plus de 425 personnes y travaillent. L'IRCM est une institution autonome affiliée à l'Université de Montréal et sa clinique est associée au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). L'Institut entretient également une association de longue date avec l'Université McGill. L'IRCM est financé par le ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations du Québec.
SOURCE : Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM)
ou pour une entrevue avec le Dr Racine ou le Dr Dubljevic, veuillez communiquer avec :
Julie Langelier, Chargée de communication (IRCM)
[email protected] | (514) 987-5555
Lucette Thériault, Directrice des communications (IRCM)
[email protected] | (514) 987-5535
Partager cet article