Rapport spécial de la vérificatrice générale : les mesures prises par l'Ontario pour lutter contre la COVID-19 se sont heurtées à des problèmes et à des retards systémiques English
TORONTO, le 25 nov. 2020 /CNW/ - La vérificatrice générale de l'Ontario, Bonnie Lysyk, affirme que les mesures prises par la province pour lutter contre la COVID-19 au cours de l'hiver et du printemps 2020 ont été plus lentes et plus réactives que celles des autres provinces.
L'audit portait sur trois aspects : la gestion des situations d'urgence et l'intervention contre la pandémie; la planification et la prise de décisions face à l'éclosion; les tests en laboratoire, la gestion des cas et la recherche de contacts.
Nous avons trouvé un certain nombre de facteurs qui ont contribué au ralentissement de l'intervention contre la pandémie, y compris des plans d'urgence provinciaux désuets, un personnel insuffisant et un changement important dans la direction de Gestion des urgences Ontario, ainsi que des problèmes systémiques comme le manque de capacité d'intensification des laboratoires et des systèmes de TI désuets. Une nouvelle structure de gouvernance pour répondre à la pandémie n'a été présentée qu'un mois après le déclenchement de l'état d'urgence.
La vérificatrice générale affirme qu'une grande partie de cette situation aurait pu être évitée, car l'Ontario n'a pas retenu les principales leçons tirées de l'épidémie de SRAS de 2003.
Par exemple, le rapport final de la Commission sur le SRAS soulignait que le plus important était de prendre des mesures préventives pour protéger la santé du public même en l'absence d'informations complètes et de certitude scientifique. « Respecter ce principe signifie prendre rapidement des mesures énergiques et éclairées. Nous avons plutôt constaté des problèmes systémiques et des retards dans la prise de décisions. »
Même après la déclaration de l'état d'urgence, nous avons observé une structure de commandement trop lourde, qui était passée de 21 à 500 personnes au moment de la rédaction du présent rapport. De plus, la structure de commandement n'était pas dirigée par des experts en santé publique, et Santé publique Ontario a joué un rôle réduit dans l'intervention de la province face à la pandémie.
Le médecin hygiéniste en chef et d'autres responsables de la santé publique n'ont pas dirigé l'intervention du gouvernement de l'Ontario face à la COVID-19. Les auditeurs ont conclu que le médecin hygiéniste en chef n'avait pas exercé ses pleins pouvoirs en vertu de la Loi sur la protection et la promotion de la santé dans l'intervention contre la COVID-19. Par exemple, c'est la province, et non le médecin hygiéniste en chef, qui a finalement émis une ordonnance d'urgence au début d'octobre 2020 pour imposer le port du masque au grand public.
L'audit a également conclu que l'intervention de l'Ontario contre la COVID était souvent désorganisée et incohérente en raison des variations dans la gestion et les activités des bureaux de santé publique. La réforme de la santé publique recommandée il y a environ 15 ans par la Commission sur le SRAS n'avait pas été pleinement mise en œuvre. En mai 2020, les 34 bureaux locaux de santé publique de l'Ontario ont publié conjointement un document stipulant qu'il fallait davantage d'orientation et d'uniformité régionale. Au moment d'écrire ces lignes, les 34 bureaux de santé publique de l'Ontario continuaient de fonctionner de manière indépendante, et n'échangeaient pas toujours leurs pratiques exemplaires.
Le ministère du Solliciteur général n'a pas mis en œuvre les recommandations formulées par la vérificatrice générale il y a trois ans de mettre à jour régulièrement ses plans d'intervention d'urgence et de les achever. De plus, le ministère de la Santé n'a pas donné suite aux recommandations formulées dans nos audits de 2007, 2014 et 2017 afin de corriger les lacunes des systèmes de laboratoire et d'information sur la santé publique. Si ces recommandations avaient été respectées, l'Ontario aurait été bien mieux placé pour lutter contre la COVID-19.
Dans l'ensemble, nous avons constaté que les analyses en laboratoire, la gestion de cas et la recherche des contacts en lien avec la COVID-19 n'étaient pas toutes effectuées assez rapidement pour limiter la propagation du virus. Il s'agit des trois éléments essentiels à la lutte contre un virus conformément aux pratiques exemplaires internationales, et la réussite repose sur des systèmes d'information intégrés efficaces capables de saisir et de communiquer rapidement l'information. Ces éléments, ainsi que des directives claires en matière de gestion des cas et de dépistage des contacts, laissaient à désirer en Ontario.
« Par exemple, entre janvier et août, un seul bureau de santé publique a atteint l'objectif de déclarer les résultats des tests en laboratoire dans les 24 heures suivant la collecte des spécimens 60 % du temps. Nous avons également constaté que les bureaux de santé publique de Toronto, d'Ottawa, de la région de Peel et de la région de York n'ont pas communiqué rapidement avec les gens après des tests positifs de dépistage de la COVID entre mars et août 2020 », a ajouté Mme Lysyk. Cela aurait pu aggraver l'exposition au virus et sa propagation.
Des experts et d'autres intervenants, y compris notre Bureau, avaient déjà souligné il y a plusieurs années le besoin de laboratoires de santé publique ontariens comprenant suffisamment de personnel et dotés de meilleurs systèmes d'information. Cependant, peu de mesures, sinon aucune, avaient été prises avant le début de la pandémie de COVID-19. Si ces préoccupations de longue date avaient été réglées plus tôt, le Ministère disposerait de meilleurs renseignements lui permettant d'ajuster les critères d'admissibilité aux tests de dépistage afin d'accorder la priorité aux Ontariens à risque élevé et aux cas probables, et l'Ontario aurait pu répondre à la COVID-19 plus rapidement et de manière plus efficace et plus efficiente.
« Nos discussions au cours de l'audit indiquent que les décideurs sont disposés à tirer des leçons du passé et à reconnaître que des améliorations continuent d'être nécessaires, et nous espérons que nos rapports seront utiles à cet égard », a conclu Mme Lysyk.
Le Bureau de la vérificatrice générale travaille maintenant sur un deuxième rapport spécial sur la réponse de l'Ontario à la COVID-19. Il portera sur la gestion des dépenses pour la COVID-19 liées à la santé; l'équipement de protection individuelle et les enjeux liés aux soins de longue durée.
Le rapport est accessible à l'adresse www.auditor.on.ca
Twitter : @OntarioAuditor
Le Bureau de la vérificatrice générale de l'Ontario est un bureau indépendant de l'Assemblée législative qui mène des audits de l'optimisation des ressources et des audits financiers du gouvernement provincial et de ses ministères et organismes. Il audite également les organismes du secteur parapublic qui reçoivent un financement provincial. Sa vision est d'offrir une valeur et un niveau d'assurance exceptionnels aux députés à l'Assemblée législative, au Comité permanent des comptes publics et à l'ensemble de la population ontarienne en faisant un travail de haute qualité qui favorise la responsabilisation, l'optimisation des ressources et une gouvernance efficace dans le secteur public de l'Ontario.
Constatations détaillées :
- La structure de commandement de l'Ontario est devenue trop lourde et n'était pas dominée par les experts en santé publique. Le médecin hygiéniste en chef n'a pas dirigé l'intervention du gouvernement de l'Ontario face à la COVID-19. La structure d'intervention de l'Ontario face à la COVID-19 comprenait un Groupe de commandement pour le secteur de la santé qui s'est complexifié pendant la pandémie et dont la composition est passée de 21 à 83 participants en août. Pendant des mois, toutes les communications se faisaient par téléconférence, ce qui créait de la confusion. Ce n'est que le 14 juillet que des réunions ont débuté par vidéoconférence; elles n'ont pas eu lieu en personne et il n'y a aucune documentation complète sur les discussions tenues. Au total, plus de 500 personnes s'investissent actuellement dans le Groupe de commandement pour le secteur de la santé.
- Compte tenu de l'important changement de leadership au Centre provincial des opérations d'urgence (GSUO), des plans d'urgence désuets et du manque de personnel, la province n'était pas en mesure d'activer la structure d'intervention de son plan d'intervention d'urgence lorsqu'elle a déclaré l'état d'urgence le 17 mars 2020. Elle a plutôt réagi à la crise en embauchant un consultant externe pour créer une structure de gouvernance, croyant qu'une approche pangouvernementale s'imposait. La mise en place de cette approche a pris du temps, et la table centrale de coordination qui a été créée a tenu sa première réunion près d'un mois après le début de l'urgence, soit le 11 avril 2020. Contrairement à l'Ontario, d'autres provinces ont activé leurs structures d'intervention et leurs plans d'urgence existants. De plus, nous avons constaté qu'une fois nos travaux terminés, le GSUO n'avait toujours pas entrepris de planification détaillée ni collaboré avec les municipalités en prévision des vagues subséquentes de la pandémie.
- Nous avons constaté que les leçons clés tirées de l'épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003 n'avaient pas été mises en œuvre au moment où la COVID-19 a frappé l'Ontario, et qu'elles n'avaient pas été suivies pendant l'intervention de la province en réponse à la COVID-19. Par exemple, le rapport final de la Commission du SRAS soulignait que le principe de précaution - qui consiste à prendre des mesures préventives pour protéger la santé du public même en l'absence d'informations complètes et de certitude scientifique - était la leçon la plus importante du SRAS. Respecter ce principe signifie prendre rapidement des mesures énergiques. Ce n'est pas ce que nous avons constaté dans notre travail d'audit; nous avons plutôt relevé des retards et de la confusion dans la prise de décisions.
- Le médecin hygiéniste en chef n'a pas exercé pleinement ses pouvoirs en vertu de la Loi sur la protection et la promotion de la santé dans l'intervention face à la COVID-19. Il n'a pas émis de directives aux médecins hygiénistes locaux ni en leur nom, afin que les bureaux de santé publique interviennent avec cohérence face à la pandémie de COVID-19. En mai 2020, 34 médecins hygiénistes locaux ont préparé et signé un document indiquant qu'il fallait améliorer l'orientation et la cohérence régionale. Par exemple, c'est la province, et non le médecin hygiéniste en chef, qui a finalement émis une ordonnance d'urgence au début d'octobre 2020 pour imposer le port du masque au grand public.
- Santé publique Ontario a joué un rôle réduit dans l'intervention globale de la province, et même les structures d'intervention régionales n'étaient pas dirigées par des experts en santé publique. Certaines tâches qui auraient normalement été la responsabilité de Santé publique Ontario étaient plutôt effectuées par Santé Ontario, comme la présentation des données de surveillance provinciale au Groupe de commandement pour le secteur de la santé et la coordination des tests provinciaux de dépistage de la COVID-19 en laboratoire. Le Bureau a appris des médecins hygiénistes locaux que les conseils de santé publique donnés par les politiciens provinciaux à la place du médecin hygiéniste en chef étaient source de confusion à leurs yeux.
- Les fluctuations dans la gestion et le fonctionnement des bureaux de santé publique ont occasionné une fragmentation et des incohérences partout en Ontario. La santé publique dans d'autres administrations, comme la Colombie-Britannique, l'Alberta et le Québec, est organisée de façon moins complexe. La réforme de la santé publique recommandée il y a environ 15 ans par la Commission sur le SRAS n'avait pas été pleinement mise en œuvre. Au moment d'écrire ces lignes, les 34 bureaux de santé publique de l'Ontario continuaient de fonctionner de manière indépendante et, souvent, ils n'échangeaient toujours pas leurs pratiques exemplaires.
- Le ministère du Solliciteur général n'a pas mis en œuvre nos recommandations d'il y a trois ans de mettre à jour régulièrement ses plans d'intervention d'urgence et de les achever. De plus, le ministère de la Santé n'avait pas donné suite aux recommandations formulées dans nos audits de 2003, 2007 et 2014 pour corriger les lacunes des systèmes d'information sur la santé publique. Cela a eu des répercussions négatives sur le travail des bureaux de santé publique pendant la COVID-19. Les systèmes d'information actuellement utilisés ont une fonctionnalité limitée au chapitre de la gestion des cas et de la recherche de contacts. De plus, le ministère de la Santé n'a pas apporté les améliorations nécessaires à sa gestion fragmentée du secteur des laboratoires. Les essais en laboratoire suivent toujours un processus essentiellement manuel et sur papier, et le système d'information de laboratoire n'est pas intégré au système d'information sur la santé publique.
- L'Ontario n'a pas communiqué avec tous les voyageurs entrant dans la province en raison d'un manque de ressources affectées à cette tâche et au fait qu'elle n'a pas reçu des renseignements exacts, complets et en temps opportun du gouvernement fédéral. Statistique Canada a indiqué qu'entre avril et août 2020, environ 2,5 millions de voyageurs internationaux sont entrés en Ontario. Environ 9 % d'entre eux, soit 233 000, ont été déclarés à l'Ontario.
SOURCE Bureau du vérificateur général de l'Ontario
Bonnie Lysyk, Vérificatrice générale, 647 267-9263
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