Règlement obligeant l'industrie du tabac à assumer une partie des coûts antitabac - Un bon début, mais le recouvrement devrait couvrir l'ensemble des interventions sur le tabac et inclure les dépenses associées au vapotage English
MONTRÉAL, le 7 mars 2025 /CNW/ - La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac accueille de façon mitigée l'annonce faite aujourd'hui par la ministre des Dépendances Ya'ara Saks concernant la publication prochainement dans la Gazette Officielle - Partie II d'un règlement1 instaurant un nouveau cadre pour le recouvrement des frais liés à la mise en œuvre de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage. L'industrie n'aurait à réaliser ses paiements qu'à partir de l'automne 2026.
« La mise à contribution de l'industrie du tabac dans le financement des programmes et efforts gouvernementaux déployés pour surveiller et combattre l'usage des produits nocifs est un principe équitable et louable. Ce concept existe pour de nombreux produits ici et ailleurs depuis longtemps. Il était grand temps que le gouvernement fédéral refile la facture des coûts de la lutte antitabac aux compagnies qui en tirent profit.
« Cela dit, nous espérons vivement que le gouvernement ne tardera pas à étendre le cadre de recouvrement à l'ensemble des coûts de l'État associés à la lutte contre le tabac et le vapotage chez les jeunes, qui se chiffre actuellement à 66 millions de dollars (66 M$) par année. Malheureusement, l'approche mise en place est trop restrictive, car elle permettra à l'heure actuelle d'aller chercher seulement environ la moitié de ce montant », résume Flory Doucas, codirectrice et porte-parole de la Coalition.
Recouvrement trop restreint
En effet, « l'approche préconisée est un pas dans la bonne direction, mais est également loin de la demande historique des groupes de santé qui cherchaient à faire payer l'industrie du tabac pour l'ensemble des interventions gouvernementales contre le tabagisme et le vapotage chez les jeunes. La réglementation proposée est si pointue et laborieuse qu'elle risque d'accaparer énormément de ressources pour sa simple opérationnalisation. Les bénéfices financiers issus des paiements facturés à l'industrie du tabac en seront réduits considérablement. En d'autres mots, dans sa forme actuelle, ce cadre risque de réduire la capacité d'action du gouvernement fédéral pour s'attaquer au tabagisme et au vapotage chez les jeunes. Par exemple, de nombreux employés qui travaillent dans le monitorage et l'encadrement de l'usage des produits du tabac et de vapotage auront à consacrer une partie de leurs temps à analyser ce qui peut, ou non, être facturé à l'industrie du tabac. Et ce, puisque Santé Canada a choisi de seulement assujettir une partie de ses dépenses à la redevance et d'exempter tout ce qui touche les produits du vapotage, » explique Madame Doucas.
De plus, l'approche sélectionnée limite les frais à ceux découlant de la mise en œuvre de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage - plutôt que ceux associés à la Stratégie nationale de lutte contre le tabac qui englobe d'autres secteurs cruciaux comme la surveillance par Statistique Canada, l'analyse pour réduire le potentiel incendiaire des produits en vertu de Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation et l'éducation publique2, en plus des coûts liés à l'analyse de la perception des taxes-tabac, et à la lutte contre la contrebande.
Enfin, l'approche sélectionnée exclut tout ce qui touche le vapotage, le phénomène qui depuis dix ans monopolise de plus en plus de ressources humaines et financières historiquement consacrées à la lutte antitabac - sans hausse budgétaire pour compenser cet empiétement. Les coûts associés à la surveillance de l'industrie du vapotage sont particulièrement élevés compte tenu de la délinquance notoire de cette dernière. Si l'industrie du vapotage avait à payer pour ces coûts, elle serait peut-être plus incitée à mieux se conformer aux règles - ce qui protégerait davantage le public et surtout les jeunes contre la dépendance et les autres risques de santé associés au vapotage.
Est-ce que le gouvernement s'est rangé derrière l'industrie du vapotage ?
« La nouvelle d'aujourd'hui est une action diligente qui vise à minimiser l'utilisation des fonds publics pour régler des problèmes causés par des entités corporatistes et devrait en quelque sorte protéger le financement de la lutte antitabac, ce qui est important dans le contexte du resserrement des dépenses gouvernementales. Or, nous nous demandons où sont cette même diligence et cette même prévoyance en ce qui concerne la protection des jeunes contre la mise en marché prédatrice de l'industrie du vapotage, qui continue de recruter des jeunes à l'aide de de saveurs alléchantes. L'annonce de la ministre Saks se fait dans un contexte où le gouvernement semble avoir fermé les yeux face à la crise du vapotage chez les jeunes, soit avec l'abandon quasi certain3 de son engagement de longue date de restreindre les saveurs dans les liquides de vapotage. L'argent, c'est une chose, mais tenir tête à l'industrie du vapotage nécessite du vrai courage politique », déplore Mme Doucas.
Rejet des améliorations proposées
En réponse à la consultation de Santé Canada (août 2024), la Coalition a, dans son mémoire, caractérisé l'approche générale préconisée par Santé Canada comme étant « trop restrictive face au potentiel d'une telle mesure, autant en ce qui concerne les dépenses couvertes qui sont limitées aux activités découlant de la LTPV qu'en matière de catégorie de produits qui excluent présentement les produits de vapotage. » Elle avait notamment recommandé les amendements suivants :
1) Modifier l'article 42.1 (1) de la LTPV pour recouvrir les frais découlant de la Stratégie canadienne sur le tabac, y compris celles issues d'autres lois et de la taxation des produits
2) Prélever le budget d'administration de l'éventuel régime de recouvrement à l'extérieur de l'enveloppe budgétaire de la Stratégie canadienne sur le tabac.
3) Introduire une composante au calcul des redevances pour tenir compte de l'introduction continuelle de nouveaux produits sur le marché.
4) Éliminer l'échappatoire exemptant les fabricants et distributeurs ayant des recettes inférieures à 0,001 % du marché total, notamment en imposant un montant minimal à tous les commerçants.
5) Entamer l'assujettissement progressif des produits de vapotage dès maintenant, soit en commençant par les fabricants et éventuellement tous les commerçants de produits de vapotage.
Aucune de ces recommandations n'a été intégrée dans le cadre proposé.
_____________________________ 1 Le cadre de recouvrement des coûts découle des pouvoirs habilitants introduits à la LTPV en vertu du Projet de loi C-59 (Loi d'exécution de l'énoncé économique de l'automne 2023) de manière à introduire une redevance annuelle perçue auprès des fabricants de produits du tabac et de vapotage (y compris les importateurs) afin de recouvrer les frais gouvernementaux liés à la réalisation de l'objet de cette loi. |
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2 Cette limite a été ajoutée dans le C-59 après que la Coalition ait applaudi la proposition initiale dans l'Énoncé économique de l'automne 2023. |
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3 À quelques semaines d'une élection potentielle, Santé Canada a modifié le calendrier de son « Plan prospectif de la réglementation de Santé Canada : 2024-2026 », passant de « Nous prévoyons de publier le décret modificatif ainsi que le règlement dans la Partie II de la Gazette du Canada au printemps 2024 » (affiché le 14 décembre 2024) à « Le moment de la publication dans la Gazette du Canada dans la Partie II reste à déterminer » (affiché le 28 février 2025). |
SOURCE Coalition québécoise pour le contrôle du tabac

Information : Flory Doucas, 514.515-6780
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