Remarques orales des représentants de L'ACSAQ lors de la Commission parlementaire sur le Projet de loi 14
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Association des commissions scolaires anglophones du Québec28 mars, 2013, 16:00 ET
QUÉBEC, le 28 mars 2013 /CNW Telbec/ - À titre de la voix élue de l'enseignement public anglophone, l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ) tient à cœur le résultat du projet de loi nº 14, lequel résultat compte défendre et promouvoir la place du français ici au Québec—notre Québec—que l'on soit francophone ou anglophone.
Nous exprimons cet intérêt au nom de nos neuf commissions scolaires membres, des quelque 100 000 élèves inscrits aux 340 écoles primaires et secondaires, aux centres d'éducation des adultes et de formation professionnelle anglophones ainsi que les 13 000 enseignants, professionnels, administrateurs et membres du personnel de soutien dévoués qui desservent ces élèves et les communautés scolaires qui en dépendent partout au Québec.
Les commentaires suivants sont basés sur une déclaration de la première ministre du Québec lors de son discours inaugural à l'Assemblée nationale le 20 octobre 2012. Lors de cette allocution, madame Marois a déclaré « qu'une majorité d'entre nous est d'accord pour défendre et promouvoir la place du français dans notre société, et ce, en tout respect de la communauté anglophone ».
Nous faisons partie de cette majorité et nous désirons souligner que nous soutenons les deux objectifs énoncés dans cette déclaration. Avec le plus grand des respects, l'ACSAQ est d'avis que le projet de loi présenté à la Commission ne répond à, ni ne valide aucun de ces objectifs.
Maintenir le taux d'inscription dans les écoles publiques anglophones s'est avéré une tâche difficile de même qu'une source de préoccupation constante.
Le projet de loi n° 14 risque de compromettre davantage l'avenir de notre réseau scolaire en faisant fi du rôle incontestable et actif que nos écoles jouent dans la francisation du Québec. Premièrement, le gouvernement actuel propose de renverser un règlement qui dispense de façon légitime et légale les enfants à charge des militaires affectés au Québec des restrictions liées à l'accès aux écoles publiques anglophones du Québec. Un gouvernement péquiste précédent a reconnu l'importance d'octroyer…
…par le biais d'un règlement, cette exemption militaire. Le gouvernement actuel affirme qu'il ne fait que corriger une échappatoire de la Charte de la langue française. L'ACSAQ soutient que le gouvernement élimine un droit qui devrait être maintenu.
À ce sujet, nous vous invitons à considérer le complément d'information que nous venons de faire circuler aux membres de la Commission et aux membres des médias qui présente quelques arguments à la suite du document déposé jeudi dernier par la ministre auprès de cette même commission parlementaire. Essentiellement, nous nous penchons sur deux points clefs : premièrement, nous offrons notre point de vue relatif à la suggestion surprenante de Madame la Ministre De Courcy selon laquelle l'exemption militaire que nous défendons est abusée, exploitée et contournée par les parents, membres des forces armées pour faire fi aux objectifs de la Charte de la langue française; deuxièmement, nous offrons quelques réflexions relatives à la suggestion de la ministre selon laquelle nos collègues de la Commission scolaire Central Québec se sont trompés lorsqu'ils soutenaient que le retrait de l'exemption militaire mettait à risque au moins deux écoles de cette même commission scolaire. Nous maintenons qu'ils avaient tout à fait raison. L'ACSAQ défend l'exemption militaire qui accorde aux familles concernées le droit temporaire de fréquenter l'école anglaise. La ministre, sans avoir à modifier la loi de quelque façon que ce soit et à l'appui de la jurisprudence, a actuellement tous les moyens à sa disposition pour décider des demandes d'accès permanentes à l'école publique anglaise provenant de ces parents.
La priorité que nous partageons avec nos collègues de la Commission scolaire Central Québec est de sauvegarder l'exemption temporaire. Nous soutenons que cela est une priorité légitime et honorable. Nous avons de la difficulté à décrire la position du gouvernement actuelle de la même façon.
De plus, le projet de loi no 14 contient beaucoup d'autres dispositions qui méritent autant notre attention. Permettez-nous de signaler quelques-unes dont cette modification de l'article 73.0.1 : « Il ne doit pas être tenu compte dans l'application de l'article 73 d'un enseignement reçu en anglais dans le contexte de l'illégalité d'une fréquentation scolaire. Il en est de même lorsque l'enseignement en anglais évoqué repose sur une astuce…
… un subterfuge ou une situation ponctuelle artificielle dont le seul but est de contourner les dispositions de la présente loi. »
L'article 77 de la Charte pare déjà à une telle éventualité et nous ne le contestons aucunement :
« Une déclaration d'admissibilité obtenue par fraude ou sur le fondement d'une fausse représentation est nulle de nullité absolue. »
Conséquemment, l'ACSAQ est vivement préoccupée par le fait que le gouvernement ait jugé nécessaire d'adopter une mesure si extrême. Il demeure que nous sommes inquiets que l'impact de cette modification et, malheureusement, peut-être l'intention réelle des législateurs lorsqu'ils l'ont rédigée, vise à intimer la bureaucratie à établir et à imposer des barrières, des délais d'attente et des obligations additionnelles aux parents qui font une demande d'admissibilité à l'école publique anglaise pour leurs enfants.
Plusieurs commentateurs publics ont suggéré que ce projet de loi contient des passages qui ne relèvent que de la rhétorique et de la partisannerie et qui sont donc sans conséquences importantes. Nous ne sommes pas d'accord. Il s'agit d'un principe juridique selon lequel les mots doivent avoir une portée juridique. Si l'exemple cité plus haut a une portée juridique, cela est d'autant plus inquiétant.
L'ACSAQ s'est efforcée de sensibiliser la population de même que les gouvernements successifs aux efforts substantiels et concluants déployés par le système scolaire anglophone pour aider chacun des élèves à maîtriser la langue française et, ainsi, contribuer pleinement à l'avenir du Québec. Cela est la mission de base des conventions de partenariat et de réussite scolaire cosignées par chacune des neuf commissions scolaires et le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Des programmes hors pair d'immersion française existent de longue date dans notre système scolaire anglophone au Québec. Nous avons donc été quelque peu déçus en lisant les articles à la fois longs et quelque peu redondants qui prévoient des examens et évaluations encore plus poussés de l'enseignement du français, langue seconde dans nos écoles. L'ACSAQ s'est jointe à un consensus clairement exprimé de Québécois s'opposant à l'intention de ce gouvernement d'appliquer les restrictions linguistiques de la Charte de la langue française aux étudiants d'âge adulte désirant étudier dans un cégep anglophone. Nous sommes reconnaissants que le gouvernement n'y ait pas donné suite. Néanmoins, nous sommes préoccupés par une disposition plutôt vague du projet de loi (article 88.2.1(3)) exigeant des cégeps anglophones d'accorder une admission prioritaire aux élèves provenant des écoles anglophones. Que les choses soient claires : l'ACSAQ accorde une grande importance aux cégeps anglophones et au rôle fondamental qu'ils jouent au nom des communautés desservies.
Cela étant dit, nous craignons que cet article fasse indirectement ce que le gouvernement a, comme il le devait, décidé d'éviter de faire directement, soit de décourager les adultes francophones, allophones et anglophones de décider librement de leur langue d'enseignement. L'ACSAQ désire réitérer qu'elle est une alliée et non pas une adversaire dans les efforts légitimes et nécessaires pour protéger et promouvoir le français comme la langue commune du Québec. En même temps, ce gouvernement nous a assuré qu'il partage notre croyance inconditionnelle que les établissements anglophones du Québec doivent être activement appuyés et maintenus. Le projet de loi n° 14 va à l'encontre de chacune de ces déclarations. Par conséquent, nous ne pouvons pas approuver l'adoption du projet de loi n° 14 par l'Assemblée nationale. L'ACSAQ recommande fortement aux membres de la Commission de demander qu'il soit retiré ou, à tout le moins, qu'il subisse d'importantes modifications.
Complément d'information à la position de l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ) relative au document de la Ministre …intitulé « Impact du projet de loi 14 sur l'exemption accordée aux membres des Forces canadiennes- Mise au point » Projet de Loi 14
Q1 | Le projet de loi 14 met-il fin à la possibilité, pour un travailleur en séjour temporaire, qu'il s'agisse d'un militaire ou pas, d'envoyer son enfant à l'école anglaise? |
Les critères relatifs à l'octroi d'un permis de travail pour un séjour temporaire sont clairement définis par le gouvernement. Nous soutenons que la situation des familles de militaires est telle qu'ils y font exception, et ce, sans équivoque. En effet, deux façons permettent de se rendre admissible pour un séjour temporaire, soit (a) le dépôt d'un permis de travail avec la date butoir de la période de travail clairement précisée ou (b) une lettre de l'employeur qui déclare dans un document assermenté que le parent en question n'est au Québec que pour une période limitée soulignant encore la date butoir. Soyons clairs : les militaires assignés pour des périodes indéterminées peuvent à tout moment être appelés à être réaffectés en d'autres lieux et ne rencontrent donc aucun de ces deux critères. C'est pourquoi l'ACSAQ propose de maintenir, tel que la Charte de la langue française l'indique actuellement, une exemption temporaire et sans condition pour les parents membres des forces militaires canadiennes.
Q2 | Les enfants de militaires qui fréquentent actuellement l'école anglaise au Québec sont-ils en séjour temporaire? |
L'ACSAQ persiste et signe : L'exemption accordée aux familles militaires est légitime et nécessaire en vertu de la nature et imprévisible de ce métier. Par définition, chaque déploiement militaire est temporaire. Notre analyse démontre que les familles de militaires sont trois fois plus sujettes à des déplacements pendant le parcours scolaire de leur enfant que ce qu'on peut observer chez la population en général. Les formations entrecoupées de départs et de retours sont fréquentes. Les écoles qui desservent massivement cette clientèle sont confrontées à cette réalité de manière régulière et s'y adaptent. Une telle mouvance ne saurait être le geste volontaire de parents imposant délibérément des changements d'école successifs à leurs enfants, sans y être contraints par la nature même de leur engagement militaire.
Le document de Mme De Courcy indique que la majorité des élèves de militaires nés au Québec termineront leur parcours scolaire au Québec. La réalité terrain observée chez les familles militaires à la commission scolaire Central Québec parle toutefois d'elle-même. Citons à titre d'exemple que sur les 37 élèves inscrits à la Commission scolaire Central Québec en 2001-2002 et habitant sur la base militaire de Val-Cartier, seulement cinq y termineront en 5e secondaire. Pourtant on dénombre 17 finissants en 5e secondaire. C'est donc dire que la population s'est transformée au fil des ans et que le parcours des élèves n'est pas celui qu'on observe dans la plupart des autres communautés de cette même commission scolaire. Les départs périodiques et entrées variables de clientèle à cette école sont particulièrement éloquents : à l'école Dollard-des-Ormeaux, située sur la base militaire de Val-Cartier, on note un taux de roulement de la clientèle de 30% par année.
Q3 | Dans le cas où des enfants de militaires québécois devraient quitter le Québec pour aller vivre dans une autre province canadienne, pourraient-ils poursuivre leurs études en français? |
Tel que le document de la Ministre précise, la réponse est oui -- et heureusement. Une fois rendus ailleurs au Canada, les familles des forces militaires auraient le choix d'une école publique française en proximité de 24 des 25 principales bases militaires à travers le pays. Les parents militaires dans nos écoles peuvent en témoigner, et ce, de façon éloquente : ils tiennent à assurer le bien-être de leurs enfants, dans les deux langues, compte tenu de la réelle possibilité qu'un jour, ils pourraient avoir à vivre (et peut-être à nouveau, de façon temporaire) dans une communauté majoritairement anglophone. Dans toutes les régions du Québec, pour la communauté anglophone -- comme c'est le cas pour les minorités francophones hors-Québec- l'école est bien plus qu'un milieu d'enseignement, elle est la porte d'entrée qui permet une vie communautaire riche et une intégration sociale complète. L'ACSAQ rappelle que chaque élève inscrit à l'école anglaise publique au Québec bénéficiera de programmes de qualité en français, comme en témoignent nos excellents taux de réussite même en français langue maternelle au niveau provincial.
Q4 | Pourquoi modifier cette disposition de la Charte de la langue française alors que seulement environ 700 enfants fréquentent l'école anglaise? Croyez-vous que cette situation met en péril le français au Québec? |
Le document de la Ministre propose que l'exemption militaire qu'accorde actuellement la Charte de la langue française aux parents militaires est devenue un "phénomène qui s'apparente à celui des écoles 'passerelles' ", et que quelque "376 demandes ont été déposées pour convertir cette exemption temporaire en droit permanent".
Premièrement, l'ACSAQ s'oppose à la proposition du gouvernement actuel de rayer l'exemption militaire qui accorde des séjours temporaires. L'ACSAQ ne propose pas que ce séjour soit transférable à l'octroi d'un accès permanent pouvant être étendu pour l'élève en question, ou pour ses frères, sœurs ou éventuels descendants. Deuxièmement, Mme la Ministre parle des "demandes". Elle ne se réfère pas aux éventuelles réponses du Bureau d'admissibilité à l'enseignement en anglais. La décision de la Cour suprême du Canada (Gosselin, 2005) ne pourrait être plus claire : l'accès à l'école publique anglaise, l'accès permanent et non temporaire ne peut être accordé aux francophones du Québec, sauf s'il répond à des critères spécifiques de la Charte de la langue française. Donc, le gouvernement, sans modifier l'exemption, peut déjà se prévaloir des outils existants pour refuser ces demandes.
Q5 | Est-ce que des écoles anglaises seraient menacées de fermeture en raison de cette nouvelle disposition? |
Avec seulement neuf commissions scolaires desservant l'entièreté du territoire et compte tenu que nos institutions desservent la minorité anglophone du Québec, on comprend aisément l'importance accordée à l'école à l'intérieur même de sa communauté. La réalité du territoire des commissions scolaires se répercute sur les aires de desserte des écoles anglophones qui sont aussi déjà extrêmement grandes. Compte tenu du vaste territoire desservi et de la distribution de sa clientèle, la communauté anglophone a développé une expertise à organiser les services éducatifs de manière créative. Il doit toutefois exister une certaine masse critique afin de pouvoir offrir des services éducatifs de qualité.
Bien que des écoles de la maternelle à la 5e secondaire existent déjà, si on applique concrètement le projet de loi 14 sur un territoire comme celui de la base militaire de Val Cartier, on réduirait de manière si importante la population de l'école qu'on compromettrait irrémédiablement la viabilité des services éducatifs pour la clientèle qui a les pleins droits d'enseignement en langue anglaise.
Qu'adviendrait-il de l'offre de service au secondaire si une école voit sa population réduire de 40% et ne se retrouve même pas avec un groupe par niveau? Quel choix de cours offrir aux jeunes et quelles activités parascolaires peut-on mettre en place dans un tel contexte?
Citons à titre d'exemple les deux seules écoles anglaises qui desservent actuellement la grande région du Saguenay. L'une est primaire, l'autre secondaire. La diminution de clientèle dans ces écoles liée au retrait de l'exemption aux familles de militaires réduirait de manière significative la population dans ces deux écoles. Une seule école regroupant les deux clientèles occasionnerait outre les défis de transport à travers une grande région, la précarité des services éducatifs et l'effritement possible de la vie communautaire.
Dans ces milieux, notre réalité terrain démontre que la viabilité même des services éducatifs pour la clientèle est mise en cause par de telles dispositions.
Q6 | À l'origine, quel était l'objectif de cette exemption? |
Le document de la Ministre indique que "cette exemption visait à protéger le droit des enfants militaires anglophones (notre emphase) en séjour temporaire au Québec à poursuivre leurs études dans leur langue maternelle. Le règlement 77-48-7, en date du 22 aout 1977, ci-joint, ne fait aucunement mention du critère linguistique. Depuis 1982, les militaires anglophones, quelle que soit leur provenance au Canada, sont déjà admissibles à l'école anglaise. Par conséquent, l'exemption est donc surtout relative aux militaires de langue française.
p.j.
SOURCE : Association des commissions scolaires anglophones du Québec
Kim Hamilton
Directrice des communications et des projets spéciaux
514-849-5900, poste 225
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